Avis de Adam Craponne : "Enseigement confucéen et éducation rousseauiste, pas tout à fait le même combat"
Cet ouvrage sous la codirection en particulier de Jean-Louis Derouet, membre de l’équipe de chercheurs Triangle qui rassemble des enseignants de l’Université de Lyon2, de l’IEP de Lyon et de l’Université Jean Monnet Saint-Etienne. Toutefois les communications, dans l’ouvrage qui nous intéresse, relèvent d’une grande diversité d’origine des chercheurs puisque certains viennent par exemple de Toulouse, Belfort, Lausanne, Louvain ou Shanghai.
Il s’agit de proposer une version écrite des interventions qui ont été données du 25 au 27 septembre 2017 à l’École normale supérieure qui, depuis plusieurs années, a rejoint Lyon. Le but était de réaliser une comparaison entre la France, la Chine voire d’autre pays autour des procédés de sélection des élites du XVIIIe siècle à nos jours. Un quart des pages est en langue anglaise. Le sixième chapitre de l’ouvrage Chine-France: connaître et reconnaître, dirigé par Yang Xiaomin et Zheng Lihua, traitait aussi de l’enseignement mais sous l’angle de l’interculturel.
L’introduction pose les questions suivantes : penser ensemble la formation de masse et la formation des élites, l’opposition entre égalité et efficacité, les apports de la comparaison franco-chinoise, la prise en compte des différences.
La première partie a un premier texte qui tente de donner une vision des idées qui agitèrent les Chinois du milieu du XIXe siècle à aujourd’hui pour former une élite. Dans la période Qing, c’est la connaissance des classiques confucéens, portant une dimension éthique censée être appliquée par les fonctionnaires, une fois recrutés, qui comptait. Le recours aux études à l’étranger fut intense durant la période de la Première république chinoise (qui démarre en 1912 avec la chute de l’empire mandchou) et depuis 1980. Toutefois cette quête de nouvelles perceptions (sous l’angle occidental) d’un domaine d’étude se fit dans la première période afin d’essayer d’en faire profiter ultérieurement le pays alors qu’elle a pour but aujourd’hui de monter socialement en y gagnant une reconnaissance par les autres de leurs qualifications. On sait, mais il est bon de le redire, qu’entre 1950 et 1980 la montée dans l’accès aux études se faisait selon l’origine sociale et que la connaissance de ses classiques marxistes comptait au moins autant dans l’obtention des diplômes que son savoir dans la discipline scientifique ou littéraire étudiée.
Le second texte montre qu’avec la période napoléonienne se fixe le passage d’une sélection des élites par l’appartenance à un ordre à un écrémage par l’argent (coût certain des études) et la performance individuelle. La troisième contribution porte sur le modèle jeffersonien de production des élites, en demeure dans la culture américaine, insistant sur les aspects de sa réelle souplesse.
La deuxième partie est consacrée à l’accès d’un nombre plus important de personnes aux postes importants en bénéficiant de mesures de démocratisation. On ouvre sur une étude comparative sur les origines sociales des étudiants de la province du Sichuan, ceci avant et après 1999, le texte est en français. Selon l’établissement où on commence ses études primaires, ou éventuellement à la marge ses études secondaires on accèdera à l’université ou pas. Dans cette dernière, il y a une stricte hiérarchisation des filières qui ont chacune des publics aux origines assez modélisées. On passe ensuite à une réflexion sur la culture méritocratique au Portugal qui débouche sur un classement des écoles qui se traduit par un plus faible pourcentage d’accès aux études universitaires des enfants des classes populaires.
La troisième partie évoque des cas où une culture nationale fait le choix de biaiser le mode de sélection. Ce fut le cas dans les pays colonisés où en particulier la Belgique et le Royaume-Uni s’appuyaient sur des minorités et faisait accéder aux responsabilités "dignes d’un indigène" les membres de celles-ci. Le Rwanda est un cas d’école, avec d’ailleurs un choix de scolarisation délégué aux écoles catholiques qui avaient un quasi monopole dans l’enseignement. À l’indépendance la majorité hutu imposa une sélection d’accès aux postes qui cette fois lui serait favorable et la majorité de l’élite rwandaise d’origine hutu prit le chemin de l’exil. La communication d‘après évoque les caractéristiques des écoles de commerce en France et en Chine. Le troisième texte s’intéresse à la formation actuelle des ingénieurs en Chine.
On arrive à la quatrième partie consacrée au développement des compétences sociales, comme l’autonomie ou la créativité, dans les parcours d’études. Sont proposés deux textes sur le curriculum pour l’équivalent des lycées chinois ("high schools" dit l’auteur en anglais) et on ne sera pas surpris que l’on développe les compétences sociales plus avec les élèves qui ont des acquis culturels familiaux qu’avec les autres, un autre autour de l’incitation à la valorisation des acquis par l’Union européenne.
La cinquième partie se penche sur les interactions entre familles, élèves et établissements dans les lycées chinois, en se penchant sur un lycée français (établissement d’excellence), en étudiant les choix d’un collège public dans l’hexagone y compris par rapport à une inscription dans le privé, les avantages culturels dont bénéficient les enfants d’enseignants. On termine cet ouvrage par des propos conclusifs On y fait une rapide allusion à l’idéologie des dons qui a une toute autre réception en France, aux USA ou en Chine.
Pour connaisseurs Aucune illustration
https://www.chine-magazine.com/la-fraude-au-these-inclut-dans-le-systeme-de-credit-social/