Avis de Patricia : "La nécessité de l’interculturalité dans une société diversifiée"
Ce titre arrive à un moment où les potentialités positives liées aux relations interculturelles ont laissé la place depuis les années 1980, à de nombreux aspects négatifs illustrés par des tensions, des conflits et des souffrances d’une part et régressions idéologiques et religieuses d’un autre côté.
Au niveau de l’interculturalité, il y a eu historiquement différentes étapes. Au début des années 1970, des actions sont menées afin de permettre aux enfants étrangers de combler un déficit culturel. On est là dans l’éducation compensatoire ou pédagogie de l’assimilation. Dans la décennie suivante, des nouvelles perspectives apparaissent; il s’agit de réduire les discriminations et promouvoir la compréhension réciproque. On s’adresse alors tant aux enfants étrangers qu’aux jeunes autochtones au Canada. Dans les années 1990, on passe à l’idée d’éducation interculturelle pour une société multiculturelle.
Cet ouvrage s’adresse à des jeunes chercheurs, formateurs, praticiens et personnes intéressées par le rejet des relations interculturelles. Il s’agit de comprendre la question afin de faciliter l’action ultérieure à entreprendre.
Lors de la première partie, il est question de proposer des outils. Il faut identifier les acteurs impliqués dans ces relations interculturelles, les situer dans des contextes socio-historiques, décrire leurs pratiques et leurs représentations. Celles-ci sont à situer dans des données économiques, politiques, culturelles, sociales et psychologiques.
Ces relations interculturelles peuvent être sources de malentendus, tensions, voire conflits. Une grille de lecture permet de mieux percevoir et analyser les relations interculturelles complexes. Pour cela les auteurs n’hésitent pas à faire appel à différentes disciplines comme les sciences de l’information et de la communication, la sociologie, la psychologie et l’anthropologie.
La multiculturalité n’est pas un phénomène si récent car la migration existe déjà de façon conséquente dans l’Antiquité, ne serait-ce que par la colonisation des côtes méditerranéennes par les Grecs. La dimension multiculturelle n’est pas liée à la mondialisation économique récente. Dans notre époque, il y a par ailleurs une homogénéisation de la nourriture, des médicaments, des loisirs... Certains contenus culturels à l’opposé sont destinés à une certaine portion de la population. Avec le développement de l’éducation, nombre d’individus peuvent personnaliser leurs choix culturels et donc se détacher plus ou moins à la fois d’une culture dominante localement ou mondialement.
Les tendances à la mondialisation ne se traduisent pas obligatoirement par une perte de pouvoir des États nationaux ni une coordination entre États. Le libre-échangisme ne diminue pas dratiquement les possibles conflits et on l’a vu récemment avec l’invasion de l’Ukraine. Il y a, dans certains populismes, une volonté de maintien ou de redécouverte de valeurs traditionnelles (le problème est de passer à la loupe lesquelles, ajouterons-nous personnellement).
La question migratoire passe au centre des préoccupations proclamées des populations européennes. La gestion de la diversité culturelle des nouveaux jeunes arrivants hésite entre la valorisation de la langue et la culture d’origine et une assimilation aux codes et normes des sociétés d’accueil. Les auteurs présentent un certain nombre d’effets positifs de la multiculturalité mais portent également nombre de problèmes. Il est notamment rapporté le cas d’un Algérien travaillant dans une société qui suivait scrupuleusement le Ramadan. Vu sa fatigue cela a entraîné une détérioration de ses relations avec ses collègues, de plus sa vigilance baissant il a commis une grave erreur qui a eu d’importantes conséquences financières pour son entreprise.
Au début du premier chapitre, on a présenté le schéma explicatif des six dimensions de la réalité sociale. D’autres schémas suivront autour de la communication. Le second chapitre s’intéresse aux processus psychologiques qui ramènent les individus à une identité, une personnalité, leurs relations interpersonnelles, leurs comportements et attitudes. Cette partie se termine par une interrogation autour d’une réalité potentiellement changeante ou figée de la personne ayant un impact sur les relations interculturelles de celui-ci.
Le troisième chapitre traite de l’organisation des sociétés dans leurs différents déclinaisons allant notamment de l’État aux groupes unis par le même intérêt, en passant par exemple par les classes sociales ou aux groupes ethniques. Le quatrième chapitre évoque le concept de culture et les diverses configurations culturelles. Il est question ici de lister des aptitudes, des mécanismes de l’esprit, des valeurs et des principes, des normes ou règles, des symboles, des représentations sociales, des croyances religieuses ou populaires, des mythes… Cela amène à réfléchir à des types d’appartenace et identité socio-culturelles.
Le cinquième chapitre s’intéresse aux temporalités: temps physique, temps psychosocial, temps historique. Autour de l’évolution des cultures, on relève page 369 que des modes de pensée dominants peuvent disparaître brusquement, ce fut le cas avec l’idéologie communiste dans sa version soviétique.
On nous invite à sa pencher sur les contextes matériels dans l’avant-dernier chapitre. On parle là d’écosystèmes indépendants de l’homme et d’éco-interdépendances entre sociétés humaines. Le septième chapitre se donne comme objectif de proposer la mise en œuvre des acquis en revisitant le schéma des six dimensions de la réalité sociale.
Le second volume, la partie II, présente une centaine d’exemples de relations interculturelles relevant de situations de travail, loisir, formation, endroit public ou milieu falilial. Il s’agit ici d’appliquer les schémas d’analyse proposés dans la partie I. Les sections finales de cette partie II portent sur les compétences, notamment communicatives, utiles pour agir face aux situations problématiques en matière de relatiolns interculturelles. Le onzième et dernier chapitre de cette partie II avance des instruments pratiques pour l’amélioration des relations interculturelles. Il s’agit ici de viser plus particulièrement l’intégration des migrants et la lutte contre le racisme, de favoriser les échanges interculturels, de gérer les relations interculturelles sur les lieux de travail ou d’évoquer comment les médias ou diverses manifestations culturelles peuvent provoquer des situations favorisant ces mêmes relations interculturelles.
On pourra prologer cette lecture par celle de l'ouvrage La communication interculturelle: Une notion à l’intersection de plusieurs disciplines paru en 2024 chez L'Harmattan.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations