Avis de Benjamin : "J'ai la Grèce qui m’estoufarès, j’ai la Russie qui me réussit pas, j’ai la Syrie qui est un vrai charivari, j’ai l’Iran protubérant. Ah ! bon Dieu ! qu'c'est embêtant d'être toujours ottoman !"
Commencer cet ouvrage en abordant la question de la frontière et de la territorialité pour la Turquie est fort judicieux, tant on sait quels furent les étapes laborieuses pour arriver aux frontières (souvent négociées avec l’Angleterre et la France et parfois avec des pays voisins) qu’a aujourd’hui ce pays en 20 ans (traité de Sèvres, traité de Lausanne, traité de Kars et enfin question du sandjak d’Alexandrette réglée en deux étapes) et combien on voit, surtout depuis l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, se dessiner une perspective néo-ottomanisme. En effet « le discours politique du gouvernement d’Erdogan, depuis son arrivée au pouvoir en 2002, soulève des questions sur les objectifs généraux de l’État turc » (page 14).
Pour les Turcs, traditionnellement la Grèce est hostile, la Russie fatale et le Moyen-Orient archaïque et traitre (page 19), puis avec Turgut Özal (années 1980 et début des années 1990) le paradigme économique commence à modifier la représentation qu’ont les gouvernements de l’espace géographique qui les entoure. En conclusion, il est révélé trois problèmes contemporains : élargissement du champ territorial sécuritaire, déterritorialisation de la politique, rôle peu fiable que les USA jouent d’arbitre.
D’autres articles concernent le Proche-Orient, ils s’intitulent : "Les enjeux stratégiques et politiques de la nouvelle frontière arabo-turque de la Turquie", "Pérennité et transformation de la frontière syrienne", "À l’ombre de Mossoul : l’Irak entre hyper-fragmentation et frontières incertaines", "Penser la spatialité en Islam militant : le cas des manuels scolaires de géographie de l’État islamique (2015-2016)". Dans la conclusion de ce dernier, on relève :
« À travers la production d’ouvrages de géographie, édités et diffusés sur les territoires qu’il administre, l’État islamique propage une représentation du monde qui lui est propre. De prime abord, l’agencement spatial évoque une binarité traditionnelle chez les mouvements islamistes contemporains, entre un där al-islām légitime et un där al-kufr destiné à rétrécir. Or, en filigrane se dessine entre deux un particularisme, celui du monde islamique (al-‘âlām al-islāmï), territoire illégitime mais voué, en priorité, à se rattacher au domaine de l’islam, étant formé de pays (duwal) composés en majorité de musulmans » (page 92).
Cette photographie n'est pas dans la revue
Par ailleurs un texte concerne la partie nord du Mali et donc les populations touaregs. Face à la montée des rebellions, dont celle d’Ansar Dine (groupe armée salafiste et djihadiste), on sait que l’opération Serval est menée par l’armée française de janvier 2013 à juillet 2014. Le gouvernement malien concède un large fédéralisme en 2015 aux mouvements touaregs du nord du pays. Selon l’auteure, cet espace géographique, appelé Azawad, recouvrant des espaces sahéliens et sahariens, a pour vocation d’accéder à l’indépendance dans le temps. L’auteure ne s’interroge pas sur les conséquences que l’évolution pourrait avoir sur une grande partie du Niger occidental qui, dans les années 1990, avait lui aussi connu une opposition armée touarègue et au moins en novembre 2014 un village de ce dernier pays a été attaqué par des assaillants venus du Mali.
Dans un autre article on parle d'ailleurs de bande saharo-sahélienne. Il s'agit d'un des deux avec des réflexions plus généralistes ; il a pour nom "Réflexions géopolitiques sur les dynamiques frontalières contemporaines au Moyen-Orient et au Sahel" alors que l’autre s'intitule "Crise de l’état, crise des frontières : une nouvelle question d’Orient ?".
Notons que deux articles, en dehors du sujet de la frontière sont également offerts ; l’un évoque l’état actuel de l’économie égyptienne et l’autre évoque les conséquences des conflits au Moyen-Orient depuis le Massacre des Arméniens en 1915 jusqu’à l’apparition de l’État islamique.
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