Génération Z, libérer le désir d’apprendre

Il ne s’agit pas là du mouvement de jeunesse de Reconquête (soutien de Zemmour), mais des jeunes nés entre  1996 et 2010. Ces deux ensembles sont homonymes puisque s’intitulent tous deux "Génération Z". La cohorte démographique Z se situe entre la génération Y et la génération Alpha qui est la première à être née entièrement au XXIe siècle ; ceci concerne les personnes vivants dans un univers culturel occidental. C’est une génération qui, dès sa naissance, a vécu dans un univers où les communications numériques étaient omniprésentes ; ses relations au travers de plateformes virtuelles priment sur ses relations avec le réel. Par ailleurs, il se trouve que le "Z" est la première lettre du verbe "zapper". Dans son introduction, la psychopédagogue Brigitte Prot (ayant enseigné les lettres notamment en collège et lycée) se demande comment activer chez ces jeunes l’appétence à apprendre. Cette génération a vécu les incertitudes économiques, les crises sanitaires et sociales, les conflits inter-états et intra-étatiques, la multiplication des catastrophes écologiques.

Auprès d’établissements scolaires, elle intervient avec pour objectif de permettre: «  l’émergence du sens de l’apprentissage chez les élèves, afin qu’ils définissent leur identité scolaire, investissent leur place et réalisent leur potentiel ; le changement des pratiques éducatives et pédagogiques, vers une affirmation adulte professionnelle et le développement d’une attitude adulte parentale » (page 24). Elle pointe l’incapacité des enseignants français à identifier les freins réels aux apprentissages. Elle avance trois convictions : chaque enfant possède un potentiel que ni lui ni personne ne peut et ne pourra évaluer, chaque enfant est venu au monde pour y donner quelque chose, chaque enfant est capable de se responsabiliser à la hauteur de son âge. (page 29)

Brigitte Prot s’appuie sur certaines idées d’Edgard Morin, Emmanuel Mounier, Carl Rogers et de l’école de Palo Alto. Elle présente, page 42, un tableau tiré de l’ouvrage Comprendre et séduire la génération Z, écrit par Wided Batat. On pointe là, en matière de croyances et valeurs, motivations, prise de décision, dépense et épargne, types d’apprentissage, marketing et communication, éducation scolaire, management et leadership, les différences entre les générations X (nés entre 1965 et 1980), Y  (nés entre 1981 et 1995), et Z .

Le second chapitre pose la question du désir d’apprendre et des façons d’apprendre. Page 97, elle relève les différences du point de vue cognitif entre la prise de notes graphiques et l’usage du clavier d’ordinateur (voir à ce propos https://www.arte.tv/fr/videos/116973-005-A/interessant-est-ce-que-ca-sert-encore-d-apprendre-a-ecrire-a-la-main/). Le troisième volet avance que les jeunes sont submergés par des informations venues de toutes parts, courtes et qu’ils sont généralement capables de trier la portée et la véracité de leur contenu. Elle cite, à la page 131, l’écrivaine Christiane Singer qui déclarait : « La déferlante médiatique nous barre l’accès au réel ». 

Le quatrième chapitre est intitulé "Des adolescents mutés et impatients". Dès les trois premières pages, l’auteure pose deux questions clés. La première est: « Or, depuis quinze ans, les parents estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. Leur inquiétude se nourrit de leur expérience de l’adversité dans une société bouleversée. Elle s’est transmise très tôt à leurs enfants. Au lieu de leur permettre de grandir, inconsciemment, ils se sont laissés envahir par le doute, avec l’impression de ne jamais faire assez. De ne pas être à la hauteur de la tâche. Pression de la société, multiplication des experts obligent… Stress majoré par les réseaux sociaux qui tirent à hue et à dia, avec des conseils qui vont dans tous les sens, souvent éloignés »  (page 136). La seconde est : « Consommer facilement, tout de suite, et devoir travailler à l’école, c’est-à-dire faire des efforts, alors même que toute une société parle de loisirs… Avec une valeur travail qui, depuis quelques décennies, semble avoir quitté la place » (page 137). L’auteure continue en donnant la parole à des jeunes qui disent malicieusement que leurs parents leur achètent justement ce qui les empêche de travailler, comme les tablettes. D’autre part, elle termine le propos de ce chapitre par « Maîtriser l’usage du numérique équivaut, réellement et symboliquement, à maîtriser celui du monde actuel. Celui-ci semble n’avoir pas nécessité de préparation, mais l’acquisition d’automatismes à force d’utiliser le digital » (page 154). Elle poursuit en pointant que ces adolescents sont en recherche de stabilité mais de dépendance à une personne ou un organisme ; ils sont dans la réactivité, la disruption et l’innovation.

Les autres chapitres portent respectivement sur les leviers possible de motivation pour cette génération, leur rapport à l’institution scolaire, former à la motivation, des exemples de remotivation chez sept jeunes, libérer le désir d’apprendre. Dans sa conclusion ; elle écrit : « Aujourd’hui, pour libérer le désir d’apprendre, se dessinent six priorités éducatives :

• Oser transmettre vraiment, et restaurer l’autorité qui émancipe ;
• Repenser et redéfinir les places de chacun et de tous, pour une affirmation de soi sur leur propre territoire ;
• Développer le respect de soi des adolescents, à la fois dans leur singularité et leur appartenance au groupe ;
• Permettre à chacun d’amplifier son attention pour conquérir sa propre liberté et former à l’esprit critique, l’inverse de l’esprit de critique qui essaime sur les réseaux dits sociaux ;
• Promouvoir une relation éducative et pédagogique "humanisante" et vivante ;
• Et tisser une cohérence entre parents et professionnels de l’école, qui passe par une éthique à refonder et une écologie relationnelle » (page 286-287).