Avis de Ernest : "Nettoyage ethnique au Kosovo"
En 1912 les Albanais (de toutes les régions des Balkans) avaient trois défauts : ils n’étaient pas slaves, ils n’étaient pas chrétiens dans leur majorité (et compte-tenu de la part de catholiques chez les disciples de Jésus parmi eux, encore moins orthodoxes) et last but least ils occupaient un territoire qui aurait permis à la Serbie d’accéder à la mer.
Carte donnant une idée des territoires albanais occupés par la Grèce, le Monténégro et la Serbie à l'issue de la Première Guerre balkanique (illustration absente du livre)
C’est pourquoi, et cela passa inaperçu à l’époque dans la presse européenne, on massacra en 1912 et 1913 nombre d’Albanais. Toutefois dans le Report of the International Commission on the Balkan Wars, dont le sénateur français de la Sarthe Estournelles de Constant assure la direction, on peut lire :
« incendies de maisons et de villages, meurtres de personnes innocentes désarmées, violence inconnue, pillage et brutalité de toutes sortes. Ce sont les moyens employés par les troupes serbo-monténégrines afin de changer complètement le caractère ethnique de toutes les régions habitées par des Albanais ».
Ce large espace albanais est occupé, durant la campagne de la Première Guerre des Balkans, en grande partie par les Serbes et dans une moindre mesure par les Monténégrins et les Grecs. Si bien que pour éviter l’occupation de leurs villages, les Albanais se font en quelque sorte les alliés des Turcs durant la Première Guerre balkanique. Le 28 novembre 1912, l’indépendance des territoires habités par les Albanais est proclamée à Valona au bord de l’Adriatique. Toutefois les limites données au pays indépendant sont un compromis entre les désirs de l’Autriche et l’Italie d’une part et des Serbes et Russes par ailleurs.
Cette illustration n'est pas dans l'ouvrage
La France est prise entre son alliance avec ces derniers et son accord antérieur avec l’Autriche de faire naître une Albanie indépendante au cas où les Turcs ne seraient plus présents dans les Balkans, elle milite avec succès pour un pays ayant un statut de neutralité mais n’obtient pas l’accès à la mer pour la Serbie. Si la diplomatie de la canonnière et le blocus permettent de faire évacuer par le Monténégro et la Serbie des territoires proches de la côte au nord du pays, il n’en reste pas moins que la Serbie annexe, à l’issue des négociations de paix, plus d’un tiers des terres peuplées majoritairement par des populations albanaises alors que le Monténégro et la Grèce obtiennent quelques échantillons.
La grande majorité de l’espace albanais n’étant pas intégré à l’état d’Albanie est compris de 1946 et jusqu’en 1974 dans le Kosovo une province de la république de Serbie appartenant à la république fédérative de Yougoslavie. Après 1974 le Kosovo gagne en autonomie par rapport au gouvernement serbe mais sans jamais obtenir le statut de république (comme la Croatie, la Slovénie et le Monténégro). En 1989, le Kosovo se voit reprendre par Slobodan Milošević cette autonomie. En réaction en octobre 1991 est proclamée l’indépendance du Kosovo par Ibrahim Rugova (décédé en 2006). En 1998, Slobodan Milošević envoie l’armée serbe au Kosovo mais l’OTAN intervient et par des frappes aériennes au printemps 1999, elle oblige les troupes serbes à se retirer du Kosovo.
Après diverses péripéties le Kosovo accède à l’indépendance en 2012, toutefois cette indépendance n’est reconnue que par 111 des 193 pays représentés à l’ONU. Ne reconnaissent pas cette indépendance essentiellement tous les pays de l’ancienne URSS (à l’exception des états baltes) ainsi que la grande majorité des pays asiatique et de l’Amérique du sud plus la moitié des pays africains. On a pu dire qu’avec la reconnaissance du Kosovo, les pays occidentaux s’étaient tirés une balle dans le pied. En effet admettre l’indépendance d’une partie d’un pays au statut de quasiment de province a permis de justifier l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
Par ailleurs Xavier Bougarel a pu écrire en 1999 que la question du Kosovo bloquait la question de la démocratisation de la Serbie et que l’absence de démocratisation de la Serbie bloquait la résolution de la question du Kosovo. À ce jour trois districts et une partie d’un quatrième (Mitrovica) sur trente sont occupés par l’armée serbe.
Le livre qui nous intéresse est sous-titré Génocide au Kosovo et parrainage de la "mafia albanaise". L’auteur démonte toutes les manipulations serbes visant à faire passer les kosovars pour sauvages, islamistes, terroristes, trafiquants d’organe, mafieux et génocidaires et on ne peut que l’approuver. Il est vraiment dommage qu’il réfute l’inauthenticité du Plan Fer-à-cheval que même la version albanaise de wikipédia reconnaît. Tous les gens informés savent que les documents dévoilés par le ministère des Affaires étrangères allemand relevaient d'un "matériel analytique non structuré d'un analyste des services secrets bulgares".
L’auteur se tire donc (lui aussi) une balle dans le pied et nous amène à douter de tout ce qu’il avance, au sujet du "Printemps de la Saint-Barthélémy kosovare", ce qui est fort regrettable pour l’Histoire. Par ailleurs, Bardhyl Mahmuti laisse entendre que ce qui refusent de parler de génocide au Kosovo nierait l’objectif consiste à obtenir par la violence des changements démographiques. Le qualificatif de "génocide" est devenu un drapeau dont s’emparent avec empressement toutes sortes de communautés (voir à ce sujet en particulier le cas de la Vendée militaire), non seulement il banalise ce qu’on peut qualifier de ce terme mais il risque de faire passer pour mensongers, aux yeux de beaucoup, la réalité des massacres ayant réellement existés.
L’auteur nous assomme en réfutation d’articles parus dans la presse européenne, on attendait un autre contenu. Entre "Le testament du Kosovo" fruit d’une méconnaissance partisane sur le sujet et cet ouvrage il n’y a pas photo. "La grande imposture" est au moins un ouvrage documentaire mais est-il pour autant un livre d’Histoire ?
Il est vrai que le doute n’est plus permis, en lisant par exemple, le titre en épilogue du chapitre II à savoir "Les conneries du Parquet serbe pour les crimes de guerre" (et la maladresse en question n'est sûrement à mettre uniquement sur le compte des traducteurs puisque l'auteur parle français https://www.dailymotion.com/video/x74fmk) et les dernières lignes du récit où l’auteur nous dit que l’attentat qu’aurait pu perpétrer à Pristhina « Slovobodan Gavrié, 46 ans, un cadre du Ministère de l’Agriculture, qui vit à Novi Beograd avec sa femme fonctionnaire du ministère de l’Intérieur (…) [aurait touché] les vies de personnes innocentes dont la mort aurait été faussement attribuée, comme dans le passé, aux "terroristes albanais" » (page 363). Rappelons que Novi Beograd est une ville du district de Belgrade et Prishtina la capitale du Kosovo.
Au fait ce que j’attendais exprimé clairement et en début d’ouvrage c’était le nombre de victimes, ce que j’ai trouvé ici http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/La-liste-des-victimes-de-la-guerre-du-Kosovo-rendue-publique-2014-12-14-1253471. Je relève que: « "Cet énorme travail de recensement a été mené par la société civile, sans le soutien des autorités serbes et kosovares", rapporte Ismet Hajdari, journaliste et membre du bureau du Centre de droit humanitaire HLC (Humanitarian Law Center) à Pristina, au Kosovo ». Et je vous invite à vous rendre sur le premier tableau de cette page afin de connaître le nombre de victimes et leur origine ethnique http://www.kosovomemorybook.org/?page_id=46&lang=de.
On peut remercier l’éditeur d’avoir publié cet ouvrage car il est un témoignage d’un discours qui ne manquera pas d’intéresser, dans quelques temps, les historiens (il a un grand avenir dans un sujet de thèse), ensuite parce que L’Harmattan a bien précisé, en quatrième de couverture, que l’auteur était dans le passé le porte-parole de l’Armée de Libération du Kosovo et enfin parce que l’iconographie abondante et très pertinente a été reprise.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
http://www.b92.net/eng/news/politics.php?yyyy=2017&mm=09&dd=15&nav_id=102329