Avis de Patricia : "Des symptômes porteurs d'avenir constructif"
Patrick Lemoine est un psychiatre qui a notamment travaillé à l’hôpital du Vinatier situé à Bron dans la banlieue lyonnaise. Il démarre quasiment l’ouvrage en s’élevant contre les qualificatifs abusifs comme traiter un endeuillé de déprimé ou un élève en échec d’hyperactif. Il ne s’agit pas pour lui d’éradiquer un symptôme par une médicalisation abusive. Il avance que « tout symptôme est susceptible d’être utile, d’y réfléchir et de chercher à concilier la maladie et le bien-être » (page 17). Il poursuit ainsi : « Prendre immédiatement des somnifères, des tranquillisants ou des antidépresseurs risque de nous empêcher de mettre en place des mécanismes de résilience. Les plages d’insomnie, dans ce contexte, permettront souvent de faire le point par rapport au disparu, de le ranger dans notre panthéon personnel » ‘page 20).
Dans son premier chapitre, il énonce les cinq étapes sur lesquelles reposent la théorie de l’évolution de Charles Darwin. Ce sont :
1. Pour arriver à se reproduire, il faut appartenir à la même espèce que son partenaire.
2. Pourtant, par mutation, des différences génétiques peuvent apparaître au fil des générations. Ces modifications aléatoires et spontanées surviennent avec le temps au sein de l’ADN des organismes et, éventuellement, se transmettent aux générations suivantes si elles sont favorables car..
3. La sélection naturelle va favoriser les individus chanceux qui du fait de leurs mutations sont les mieux adaptés à leur milieu naturel et au contraire tendre à éliminer ceux qui sont le moins adaptés.
4. À force de se répéter, ce processus va forcément augmenter le nombre d’individus les mieux adaptés aux contraintes de l’écosystème »
5. Au bout du compte, une nouvelle espèce, plus forte, va apparaître » (page 22).
En se plaçant dans une perspective darwinnienne positive, on peut envisager autrement les symptômes. Il s’agira alors, non seulement de les accepter et les relativiser, mais encore d’y puiser des ressources thérapeutiques. « La médecine évolutionniste a pour principal objectif de donner du sens à nos maladies, symptômes, signes et autres misères » (page 51).
L’auteur parle également de compromis évolutif . Ainsi la drépanocytose est une maladie des globules rouges (se manifestant par une anémie, des crises douloureuses et un risque accru d'infections), plus répandue autour du bassin méditerranéen car elle est due à une mutation permettant de mieux lutter contre la malaria. La capacité à cicatriser et réparer les tissus endommagés s’est acquise en développant parallèlement des cancers. L’allongement de l’humérus a permis de gagner en habilté manuelle mais a rendu cet os plus propre à des fractures.
Notre auteur s’intéresse aux avantages adaptatifs qui pourraient se rencontrer dans plus de cinquante troubles psychiatriques. Il les regroupe selon plusieurs thèmes : l’anxiété, l’insomnie, la dépression, les troubles du comportement alimentaire, les toximanies, les états limites comme la psychose, la schizophrénie et la paranoïa, la maladie d’Alzheimer, les troubles dits "dys" (telle dyxlexie ou dyscalculie), diverses données physiques ou comportementales (gaucher, daltonien, végétarien, choix sexuels).
Durant le cours de l’ouvrage, l’auteur fait quelques inserts sur des sujets phares (parfois en lien avec des personnages historiques) comme la fornication effrénée chez les femmes indigènes de régions climatiquement malsaines ou sources de multiples dangers ( pages 40-41), l’évolution alimentaire humaine porteuse du risque d’apnées du sommeil (page 68), Démocrite porteur de trouble bipolaire (pages 127-129), le désir de sucre (pages 143-145) ou l’anorexie de Jeanne d’Arc (pages 148-149).
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