Avis de Patricia : "Un contenu historique porté par les idées féministes américaines des années 70"
Les auteures s’appuient sur quelques textes d’historiens et on retiendra en particulier cette phrase de l’ouvrage Fabriquer la folie de Thomas Szasz: « Dans la mesure où l’Église du Moyen Âge, avec l’appui des rois, des princes et des autorités séculières, contrôlait la formation et la pratique médicale, l’Inquisition [la chasse aux sorcières] constitue, entre autres choses, le premier exemple de "professionnels " niant les capacités de "non-professionnels" et leur refusant le droit de soigner les pauvres ». Les autorités reprennent parfois un imaginaire collectif où on pense les sorcières capables de crimes sexuels contre les hommes, de composer des groupements pour agir maléfiquement, d’user de pouvoirs magiques pour guérir ou rendre malade (voire tuer).
On leur reconnaît cependant des savoir-faire médicaux et obstétriques. Au contraire les religieuses qui serviront dans les hôpitaux seront là comme aides-soignantes et ne possèderont aucun savoir scientifique.
Il est dommage que de pamphlet ne fournisse pas toujours les références qu’on aurait attendues ; en tant que militantes féministes, on peut se demander si elles ne grossissent pas les traits, et interprètent des recherches faites par d’autres. Ainsi l’accumulation qui suit autour du discours que tiendrait l’Église sur les sorcières dans une bulle aurait gagné à être référencée : « Il y a, comme il est dit dans la bulle papale, sept méthodes par lesquelles elles infectent par la sorcellerie l’acte vénérien et la conception du fœtus : premièrement, en entraînant l’esprit des hommes à la passion désordonnée ; deuxièmement, en faisant obstacle à leur force procréatrice ; troisièmement, en faisant disparaître les membres adaptés à cet acte ; quatrièmement, en changeant les hommes en bêtes par leurs actes magiques ; cinquièmement, en détruisant la force procréatrice des femmes ; sixièmement, en pratiquant des avortements ; septièmement, en offrant aux démons des enfants, ainsi que d’autres animaux et fruits de la terre, offrandes par lesquelles elles causent beaucoup de dommages » (page 48). Il est possible que la bulle en question soit Vox in Rama qui date de 1233 ou Super Illius Specula qui est publiée en 1326.
Des affirmations péremptoires mériteraient d’être argumentées comme celle-ci « La Grande Peur des sorcières prit différentes formes selon les périodes et les lieux, mais elle ne perdit jamais son caractère essentiel : celui d’une campagne de terreur menée par la classe dirigeante contre la population féminine paysanne ». Cette idée est dans le sillage de ce qu’avançait Michel Foucault plus théoricien idéologue qu’historien.
On sait maintenant que les institutions freinaient plutôt les accusations de sorcellerie et rationalisaient l'action publique ; c’est sous Louis XIV en France que l'autorité royale décriminalise totalement la sorcellerie. Sur la longue durée la France, au pouvoir étatique fort, est plus de cinq fois moins touché que le Saint-Empire romain germanique (largement morcelé en de très nombreuses principautés) pour une population égale.
On peut approuver l’idée des auteures que le savoir empirique et traditionnel des femmes guérisseuses ou matrones est dévalorisé du fait de cette peur des sorcières, toutefois on peut se demander dans quelle proportion la population les déconsidère jusqu’au XVIIIe siècle.
Il est vrai que les universités formant des docteurs fleurissent à la fin de l’époque médiévale. Cependant si la médecine officielle d’alors se veut le fruit de la logique et profite du savoir des écrits arabes, elle raisonne à partir d’axiomes et délaisse les observations des effets que ses remèdes produisent. Il est foncièrement exact que la médecine tombe dans les mains des hommes alors que la fonction de guérisseur était largement portée par des femmes.
Un chapitre est consacré en partie aux conditions dans lesquelles les femmes devinrent médecins aux USA et à un mouvement populaire américain pour le développement de la santé.
Pour tous publics Quelques illustrations