Avis de Patricia : "Après un intermède de panthéonisation, quel avenir pour l’hôpital ?"
André Grimaldi s’est engagé dans sa jeunesse (à la fin des années soixante et au cours des années 1970) notamment à la Ligue communiste (ancêtre du Nouveau Parti Anticapitaliste) et à la CFDT ; il contribua en 1968 à la rédaction de la brochure La Médecine confisquée. C’est aujourd'hui un professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié Salpetrière ; il est intervenu sur divers médias autour de la façon dont la France faisait face au covid et à propos de la politique de "l'hôpital-entreprise" menée dans le pays depuis une quinzaine d’années. Il est l'un des fondateurs du Mouvement de défense de l’hôpital public.
Si pour l’hexagone 11% du PIB est consacré à la santé (ce qui en fait le troisième pays en hauteur de pourcentage), en fait une part considérable va vers des frais de gestion (où la France est là en deuxième position) et des prescriptions injustifiées (IRM pour cautionner un hôpital de jour ou actes chirurgicaux) destinées à gonfler les actes médicaux alors que l’hôpital en vient à être considéré comme une entreprise commerciale portée par le slogan "pas de stock, du flux!".
Dans le classement de l’OMS sur systèmes de santé, la France est passée en vingt ans de la première à la septième classe (les deux pôles positions étant d’ailleurs tenues actuellement par deux pays asiatiques, à savoir la Corée du sud et Taiwan). En trois parties, l’auteur développe des idées afin de construire un système de santé efficace.
Dans le premier volet, intitulé "Les dix premières leçons du COVID", André Grimaldi donne notamment son avis sur le Ségur de la santé et prévoit le retour de la rigueur pour l’hôpital public. Il rappelle que le docteur Didier Raoult a eu des prédécesseurs dans la toute puissance pour promouvoir un médicament miracle destiné à guérir une grave maladie puisque le professeur Philippe Even était certain en 1985 qu’il allait traiter le sida par la ciclosporine. Sans avoir contribué de façon significative à la recherche, les industries pharmaceutiques ont imposé un prix pharamineux et variable de leur vaccin.
La seconde partie, ayant pour titre "D’où venons-nous ?", a un caractère historique puisqu’il s’agit de dresser pour la France l’évolution des dépenses de santé et les caractéristiques du système de santé depuis 1945 à nos jours.
Pour des besoins de compréhension, l’auteur définit les « quatre types de médecine : la première médecine est celle des maladies aiguës bénignes et des gestes techniques simples, la seconde médecine est celle des maladies graves et des gestes techniques complexes, la troisième médecine est celle des maladies chroniques, enfin la quatrième est celle de la santé publique, de la sécurité sanitaire et de la prévention.
Les deux premières sont centrées sur la maladie et son traitement, la troisième, celle des maladies chroniques, est centrée sur la personne malade dans toutes ses dimensions, biomédicale mais aussi sociale et psychologique. Quant à la quatrième, la santé publique, elle s’occupe de groupes d’individus ou de l’ensemble de la population. Elle dépasse le seul cadre de la médecine pour promouvoir la prévention individuelle et collective en agissant sur les déterminants sociaux, comportementaux et environnementales de santé. Notre pays était et reste performant pour les deux premières médecines. Mais nous sommes médiocres, si ce n’est mauvais, pour la troisième et la quatrième médecine. Hélas, depuis vingt ans, toutes les réformes ont prix pour modèle la maladie aiguë et les gestes techniques » (pages 89-90).
Rappelons personnellement qu’Emmanuel Macron, lors de son discours devant le congrès de la Mutualité française le14 juin 2018, disait avoir pour projet « un État providence de la dignité et de l’émancipation ». Cette affirmation est-elle en cohérence avec la fermeture de 4 000 lits d’hôpital en 2018 et de 3 400 en 2019 (chiffres donnés par André Grimaldi) ? Ce dernier signale qu’ « Olivier Véran ira jusqu‘à inventer le forfait de réorientation, c’est-à-dire la tarification à la non-activité, censée désengorger les services d’urgences. L’hôpital recevrait un financement pour ne pas prendre en charge un patient se présentant illégitimement aux urgences, à la condition de lui trouver un rendez-vous de consultation en ville ! Ainsi les infirmières travaillant aux urgences passeraient leur temps au téléphone, soit à chercher un lit pour les patients couchés sur les brancards, soit à chercher un rendez-vous pour les patients relevant de la médecine de ville » (page 143).
La dernière fraction de l’ouvrage donne dix pistes pour reconstruire un service de santé moderne et démocratique ; cette perspective est mutidimensionnelle, évoquant par exemple une refonte de la Sécurité sociale et un enrichissement de la formation des médecins (abordant en particulier la question des vécus des malades et l’éthique). .
coup de coeur !Pour tous publics Aucune illustration