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Annibale Bugnini

Annibale Bugnini
Artège 224 pages
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Avis de Ernest : "Qui se fait traiter à tort, dans le milieu d’Écône (sic), de franc-maçon ne peut-être franchement mauvais, voir a de grandes chances d’être intrinsèquement bon"

Yves Chiron, né en 1960, est membre de la Société d'histoire religieuse de la France et a écrit la biographie de plusieurs papes dont un sur Pie XI, Benoît XV, un sur Paul VI et au moins un sur un pape d’Avignon.

Avec nombre de tenants hystériques de la Contre-révolution, les bouleversements du monde depuis 1789 étaient dus à un complot franc-maçon. Aussi n’est-on pas surpris que Mgr Lefebvre traita Mgr Annibale Bugnini ainsi:

« Lorsqu’on apprend à Rome que celui qui a été l’âme de la réforme liturgique est un franc-maçon, on peut penser qu’il n’est pas le seul. Le voile qui couvre la plus grande mystification dont les clercs et les fidèles ont été l’objet commence sans doute à se déchirer ». (page 196)

Yves Chiron rapporte d’ailleurs que le cardinal Oddi (dont l’action a toujours été conciliatrice vis-à-vis d’Écône) assura à Mgr Annibale Bugnini avait vu sa signature sur un document d’affiliation à la franc-maçonnerie et que la franc-maçonnerie lui versait 500 000 lires par mois. Personnellement j’y ajouterai un scoop, vu que Mgr Annibale Bugnini fut nonce apostolique en Iran de 1976 à 1982, il est la Main noire qui a préparé la Révolution iranienne servant de lien entre Bani Sadr ainsi que le clergé chiite et la franc-maçonnerie, ceci afin de promouvoir une solution finale pour les chrétiens d’orient…

 Annibale Bugnini est né dans la province italienne d’Ombrie, il meurt à soixante-dix ans à Rome. Il est le principal moteur de la réforme liturgique, la rédaction des livres liturgiques catholiques actuels, surtout le missel et le lectionnaire lui doit beaucoup. De 1948 à 1960, il est secrétaire de la  Commission pour la réforme liturgique. Il est secrétaire de la Commission préparatoire pour la liturgie lors du Concile de Vatican II puis président de la Commission spéciale pour la réforme de la liturgie en octobre 1963.  Sacrosanctum Concilium est des quatre constitutions conciliaires promulguées par le concile Vatican II, celle qui touche à la liturgie ; elle est approuvée par 2 147 voix (dont celle de Mgr Lefebvre) contre 4 le 4 décembre 1963.

Au fil des pages, on a connaissance de données factuelles qui ne manquent pas d’intérêt, ainsi page 177 on voit que les psaumes 57, 82 et 108 sont supprimés parce trop imprécatoires (ce que ne firent pas d’autres religions monothéistes) et page 137 on apprend que la première messe en langue vulgaire tournée vers l’assistance célébrée par Paul VI date de 1965.

Mgr Bugnini fut accusé d’avoir joué un double jeu pour faire passer ses idées de réforme, au pape il confiait que la Commission liturgique proposait telle innovation, et à la Commission liturgique il disait que le pape entendait voir reprise telle idée. Cette accusation est fort discutable et il faut rendre hommage à Yves Chiron de nous éclairer sur la méthode de Mgr Bugnini en citant ses paroles devant un petit nombre d’acteurs en octobre 1961 :

« Que prudemment les choses soient proposées sous un biais acceptable (modo acceptatabile), soit, à mon avis, en des termes tels qu’on dise beaucoup sans que rien ne paraisse dit : qu’on dise beaucoup en germe seulement (in nuce) et ainsi qu’une porte soit laissée ouverte à des déductions et des applications postconsulaires légitimes et possibles ; que rien ne soit dit qui sente trop la nouveauté, aucune de ces choses qui, même insignifiantes et innocentes, pourraient contredire tout le reste. Il faut avancer discrètement. Il ne faut pas tout demander au Concile ni tout exiger de lui, mais l’essentiel, les principes fondamentaux ». (page 92)  

Ma conclusion personnelle sera que ce n'est pas Mgr Bugnini qui est allé bien au-delà de la réforme initialement souhaitée par le Concile, mais que ce c'est la grande majorité des fidèles et des prêtres qui se sont emparés d'un outil qui leur était offert pour faire évoluer le catholicisme. En fin de compte le génie positif ou diabolique, selon les uns ou les autres, fut pour Mgr Bugnini de sentir que ces réformes permettraient des appropriations individuelles et variées (d’ailleurs avant le Concile de Trente, des variations géographiques existaient en matière de missel), ce dernier déclarait:

« La liturgie est essentiellement paroissiale, c’est-à-dire a sa plénitude et perfection dans la paroisse et s’alimente à l’esprit de la paroisse ». (page 208)

Si les catholiques s’emparèrent dans leur grande majorité de tant de nouvelles façons de vivre leur foi, c’est qu’ils sentaient que leur religion devait garder une large place dans une société en évolution. Ceux qui partagent cette option rendront grâce à Annibale Bugnini et pourront pointer combien le pape François a une action plus proche des idées de Vatican II que ses deux prédécesseurs. Ceux qui gardent la foi dans les vertus de la tradition trouveront dans cette lecture une connaissance historique, écartant les discours calomnieux, des conditions dans lesquelles l’Église se lança dans une profonde mutation qu’ils refusent largement.        

Pour connaisseurs Aucune illustration

Ernest

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