Avis de Benjamin : "L’historien est celui qui voit que les choses changent et qui se demande pourquoi (Henri Pirenne)"
De nationalité belge, l’auteur a connu le cours d’éducation morale à l’école et évoque au passage les aumôniers laïques de son pays ; il est chercheur dans des institutions à Liège et Bruxelles. Il s’agit là d’un ouvrage qui entend porter l’idée que la laïcité s’est transformée en un catéchisme dogmatique et passionnel dans la France contemporaine.
L’auteur commence par dire que pour lui la laïcité n’est pas à l’origine une valeur, mais un principe. Cependant, d’après l’auteur, « à la suite d’une grande modification, un grand changement de sa définition, un grand ravalement idéologique, (elle) est devenue la grande valeur morale, la nouvelle vertu, le nouveau critère de distinction d’une France qui se sent menacée par des ennemis de l’extérieur, de l’intérieur et par des intellectuels coupeurs de cheveux en quatre » (pages 11-12). De ce fait, la laïcité s’accompagne actuellement de croyances, d’espérance et de sacré.
Pour Vincent Genin aujourd’hui en France la laïcité « est un vecteur destiné à vendre des idées d’ordre sécuritaire et nationaliste (ou "réconciliatrices" selon certains), à teneur universaliste (non dans le sens d’une humanité partagée mais bien celui d’une uniformisation des conditions) et d’un goût pour le Un national, qui fait un Tout, pensant que la France a inventé les droits de l’homme, la liberté de conscience et bien d’autres choses encore dont l’humanité globalisée lui serait redevable » (pages 30-31).
Selon l’auteur, par glissement progressif depuis trente ans, la laïcité est devenue un mythe hexagonal. Le mouvement qui a porté l’idée que la laïcité est identifiée à la République française a été initié à l’origine par Claude Nicolet (historien de la Rome ancienne) qui a patronné la fondation en 1991 du Comité laïcité république. Aujourd’hui médiatiquement la revue Franc-Tireur, soutenue activement notamment par les polémistes Caroline Fourest ou Raphaël Enthoven, se fait l’écho de cette idée-là. L’auteur rappelle que certains territoires français (Alsace-Moselle et départements d’outre-mer) sont dans un cadre différent de celui de la loi de 1905. D’autre part Vincent Genin avance fort à propos que la laïcité n’est pas une exception française et, qu’en matière de séparation de l’Église et de l’État, le Mexique a eu un rôle pionnier.
La loi de 2021 contre le séparatisme a un objectif largement sécuritaire et un décret de décembre de cette année-là prévoit l’instauration d’un Contrat d’engagement républicain.Vincent Genin conclut en avançant que la laïcité est devenue en France une obsession identitaire. Nous rajouterons que la conception de la laïcité est fort différente notamment entre les gens de la Vigie de la laïcité, le Comité laïcité république et les élus du Front national ou des responsables d’une certaine droite. Ceux-ci sont des défenseurs invétérés de l’école privée et engagés contre les communautarismes à l’exception du communautarisme catholique. Les affaires des crèches dans les mairies ou conseils départementaux, la présence d’une statue de saint Michel sur un terrain communal aux Sables-d’Olonne ainsi que leur sympathie pour le mouvement contre-révolutionnaire, le régime de Vichy (ayant mis en sommeil la République) et les partisans de l'Algérie française (ayant tenté d'assassiner un président de la République) sont là pour l’illustrer.
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