Ecrire un avis

Promouvoir la laïcité (en milieu hostile) !

Promouvoir la laïcité (en milieu hostile) !
Double ponctuation117 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Face à la laïcité des élèves mettent les voiles"

L’ouvrage est sous-titré Une notion indispensable pour lutter contre les discriminations. L’auteur a fait des études universitaires d’histoire, est surveillant dans divers collèges puis a des responsabilités dans des structures d’animation organisatrice d’accueil péri et extrascolaire, notamment au sein de la Ligue de l’enseignement. Il crée l’association Couleurs gaies et organise la première marche des fiertés LGBT de Lorraine.

Dans le département concordataire de la Moselle, l’auteur a rencontré des milliers d’élèves dans le cadre de ses interventions consacrées à la prévention de l’homophobie et de la xénophobie, ainsi qu’à la promotion de la laïcité. Stéphane Aurousseau avance qu’à travers ses interventions auprès des jeunes, il a perçu au mieux une méfiance au pire un rejet  de la laïcité marquée chez ces derniers. Ils rapportent une flopée de situations, nous avons choisi d’en rapporter deux.  

L’auteur pense ceci de la loi du 15 mars  2004 : « (elle) pouvait à la rigueur être dénoncée comme le résultat d’une peur fantasmée… Depuis, alors que les contestations des contenus des cours par les élèves et leurs familles ne cessent de se multiplier, il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour nier que le législateur avait vu juste ».

Pour les adolescents, il s’agit de s’affirmer avec une identité qu’ils revendiquent et pensent partager. Ils appuient leur présentation de celle-ci par des informations glanées sur internet, sans aucun regard critique. Ainsi un lycéen, s’appuyant sur une théorie farfelue ramassée sur internet, juge que l’appellation "Mahomet" est injurieuse. La prononciation "Mahomet" aurait été forgé à partir d’une racine péjorative islamophobe, à savoir  "ma houmid", qui signifierait  "l’indigne de louange". Pour Najoie Assaad,  le  “ma” arabe peut avoir deux sens : la particule de négation (comme dans “non loué”), et le pronom relatif, qui confère un sens affirmatif (“celui qui est loué”). Toutefois il aurait fallu qu’un chrétien arabophone ait voulu imposer ce genre de jeu de mots, ce qui est totalement fantaisiste. On est là dans l’attribution a posteriori d’un motif non historique. Il s'agit là d' une adaptation phonétique minime à partir de “Muhammad”, alors qu’il y a eu de véritables déformations comme avec le philosophe et médecin Ibn Sina, devenu Avicenne (il a d’ailleurs donné son nom  en 1978 à un établissement public de santé situé à Bobigny, fondé en 1935 sous le nom d'hôpital franco-musulman). Stéphane Aurousseau rapporte mais n’explicite pas cette revendication, aussi nous avons jugé bon de le faire à sa place. D’autres musulmans francophones ont l’impression qu’on  leur dicte de l’extérieur comment prononcer le nom de leur prophète.

Un autre fait nous a paru très saillant. Les élèves musulmans s’étaient vus distribués, comme les autres, des bracelets arc-en-ciel à l’occasion de la journée contre les discriminations sexuelles. Ils ne comprenaient pas que certains élèves puissent s’affirmer, en portant dans un établissement scolaire un symbole identitaire, alors que l’on interdisait un autre symbole identitaire, à savoir le voile.

Les jeunes peuvent qualifier certains savoirs scolaires comme des supercheries ou des hérésies, car ils ne sont pas corroborés par les textes sacrés. Ce que les élèves croient apprendre à l’extérieur de l’institution scolaire peut peser bien plus que le discours que délivre cette même institution scolaire. Aujourd’hui un adolescent peut éviter d’entrer en conflit avec ses pairs sur un sujet relevant de croyances aussi il évitera de montrer son désaccord avec des opinions radicales qu’il ne partage pas. Stéphane Aurousseau a relevé  que pour certains élèves du secondaire être non-croyant, c’est faire partie du camp du mal.  En conséquence, ce n’est qu’en tête-à-tête avec l’intervenant qu’un jeune va se risquer à exprimer une opinion rejetée massivement par le groupe.

Dans la seconde partie intitulée "Du côté des profs: injonction ou adhésion à la laïcité ?", Stéphane Aurousseau  s’est vu confier, de la part d’enseignants,  des témoignages convergents de peur, d’isolement et de résignation lorsqu’il est question de laïcité. Certains assimilent la laïcité à un dispositif de lutte contre les discriminations, silence sur la religion, ou un dialogue œcuménique. Or la laïcité n’est pas un dispositif de lutte contre les discriminations religieuses, elle est un droit de croire et ne pas croire. L’absence croyance en matière religieuse est un sujet non-abordée dans la plupart des actions pédagogiques développées sur le thème de la laïcité. Il rappelle les malentendus apparus lors de la querelle sur l’enseignement du fait religieux. De nombreux enseignants se sentent démunis lorsque  leurs élèves proclament  leurs questionnements ou leurs certitudes sur la religion ou sur un aspect du contenu d’un cours.

L’auteur note un détournement de la laïcité par l’extrême droite (pourtant historiquement hostile à la laïcité) et un  retournement idéologique  venant d’une partie de la gauche qui a abandonné la combat pour la laïcité. L’auteur ne précise pas mais nous  penserons spontanément à Jean-Luc Mélenchon qui, à propos de Ilham Moussaïd la candidate voilée du NPA, déclarait en 2010 : « On ne peut pas se dire féministe en affichant un signe de soumission patriarcale. En ce moment, on a le sentiment que les gens vont au-devant des stigmatisations : ils se stigmatisent eux-mêmes — car qu’est-ce que porter le voile, si ce n’est s’infliger un stigmate — et se plaignent ensuite de la stigmatisation dont ils se sentent victimes ». Il poursuivait en rajoutant que la candidate voilée du NPA relève du racolage. Notre auteur rajoute que certains milieux d'une gauche plus ou moins radicale avancent que la laïcité, renvoyant à l'unique figure de Jules Ferry, est congénitalement marquée du sceau du colonialisme et vise à briser les identités.

"Promouvoir la laïcité : un outil et des conseils" est le titre de la dernière partie de cet ouvrage. Il est là rapporté le contenu d’une séquence de travail pédagogique, menée en plusieurs occasions par l’auteur, afin de  «promouvoir la laïcité et la liberté de conscience. Cette activité est proposée en Moselle par diverses associations dont la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme, l’Union des familles laïques ou le Centre LGBT de Lorraine. Le contenu est téléchargeable à l’adresse https://www.facebook.com/groups/795614728513438.   

L’objectif de ce travail n’est pas de  faire changer radicalement les opinions des élèves mais de donner des éléments pour atténuer les certitudes. La séance démarre avec un sondage anonyme sur la croyance ou non-croyance en un dieu ou des dieux. Un diaporama est ensuite lancé, on y voit des images qui peuvent susciter des sentiments contradictoires tels une femme en burkini, un crucifix dans une salle de classe, une fille en hidjab en classe entourée d’autres adolescentes sans voile, un t-shirt de propagande athée, des chrétiens manifestant contre l’avortement…On manifeste alors publiquement que cela vous dérange ou cela ne vous dérange pas. On poursuit en évoquent notamment des conflits polico-religieux historiques ou contemporains. Est proposé encore notamment un memory où il s’agit de regrouper les six attributs concernant chacun des ensembles suivants : judaïsme, islam, hindouisme, christianisme, bouddhisme et athéisme.   

 

Pour tous publics Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

Par - 521 avis déposés - lecteur régulier

Connectez-vous pour laisser un commentaire
Vous aussi, participez en commentant vos lectures historiques facilement et gratuitement !

Livres liés

> Voir notre sélection de livres sur L'éducation .

> Suggestions de lectures sur le même thème :
> Autres ouvrages dans la même catégorie :