Avis de Benjamin : "La laïcité est un sport de combat"
L’ouvrage est composé de sept chapitres, respectivement intitulé : Naissance de la laïcité, La Révolution, le christianisme et l’Église, Les Métamorphoses du Concordat, La République, l’Église et la séparation, Métamorphoses de la République laïque, De la fin de la religion à la guerre des identités, L’islam et la laïcité .
On relèvera que l’auteur cite Jean-François Revel qui avançait que l’Église s’est ralliée à la tolérance parce qu’elle a perdu son pouvoir de domination et que son ralliement à cette tolérance est un nouveau moyen de propagande qui notamment permet de discréditer comme sectaire (dans le sens d’opinion figée et intransigeante) une opinion contraire à celles qu’elle proclame (page 146).
Toutefois l’affaiblissement du lien théologico-politique chez les fidèles du catholicisme romain a fait que la domination de la religion sur les mœurs de la société s’est nettement affaiblie. D’un côté le catholicisme romain a perdu de son influence sur la majorité des consciences, d’autre part le processus de sécularisation a donné une nouvelle puissance aux catholiques conservateurs aguerris notamment par des combats contre l’IVG et le mariage pour tous, et par ailleurs la laïcité s’est vue également contestée par les tenants d’un certain islam.
Le point le plus intéressant de l’ouvrage est certainement celui autour des conséquences de l’affaire de la crèche Baby Loup. Rappelons que cette garderie de jeunes enfants (dans le département des Yvelines) s’était dotée d’un règlement laïque qui, en interdisant le port de signes religieux pour son personnel, avait entraîné le licenciement d’une employée qui persistait à porter un foulard islamique dans son travail.
La question passa devant plusieurs juridictions successives et ne fut close que par la décision de la cour d’appel de Paris venant autoriser le licenciement. En effet cette crèche fut reconnue comme entreprise de conviction. La laïcité faisant là l’acquisition d’un statut comparable à celle d’une religion ; on renvoyait par là aux institutions ou associations religieuses qui imposaient à leurs employés des contraintes morales particulières (page 203). Néanmoins la condamnation ultérieure de la France par le Comité des droits de l’homme de l’ONU relança le débat sans pour autant avoir force de contrainte.
Selon l’auteur penser que la République aura les mêmes relations avec l’islam que celles qu’elle entretient avec l’Église est faire fi du long conflit qui a amené progressivement la souveraineté de l’État à briser la puissance du catholicisme romain afin d’imposer le pluralisme religieux.
« La chose la plus probable (…) est que l’écart entre les exigences de la société démocratique et celles sur lesquelles reposent leurs sociétés d’origine sera vécue par beaucoup de musulmans comme une source d’angoisse contre laquelle ce qui nous apparaît comme un fanatisme religieux archaïque constitue une réaction parfaitement intelligible. Le fait même que, comme à le dire les observateurs les plus optimistes des "révolutions arabes", les "musulmans modérés" soient les premières victimes de l’islamisme et du terrorisme est précisément le signe de ce que, si elle doit avoir leu, l’adaptation de l’islam à la "sortie de la religion" sera longue et douloureuse » (page 217).
Philippe Raynaud poursuit en rappelant que l’islam n’est pas organisé avec une autorité centrale (rappelons personnellement que si certains dirigeants de mosquées prestigieuses s’autorisent à émettre des avis servant de référence, ces opinions ne sont pas connues et reconnues par l’ensemble des croyants), que cette religion a une vocation universelle, que cette dernière entend régir tous les aspects de la vie humaine et que son livre de référence est présenté comme incréé (donc parole même de Dieu). Ces diverses caractéristiques rendent très difficiles un travail d’interprétation qui permettrait aux croyants de s’adapter pleinement à la vie civique dans une société ouverte (page 218).
Notre auteur conclut en rappelant que la laïcité française « repose sur une accentuation des traits qui sont partout présents dans le monde démocratique : la reconnaissance de la liberté des croyants et des incroyants, la protection de la société contre l’activisme religieux, la séparation des ordres, la retenue dans l’usage politique des références religieuses, la discrétion dans l’affichage des convictions humaines » (page 231).
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