Avis de Benjamin : "Un classement bien tardif comme monument historique pour la basilique du Sacré-Cœur à Paris"
Cet ouvrage est sous-titré Une épopée incroyable au cœur de l’histoire de France. À la fin des années 1870, la France compte environ 56 000 prêtes et plus de 30 000 membres du clergé séculier, ceci pour près de trente-sept millions d’habitants. Suite à la défaite de la France face à l’Allemagne, signifiée par le traité de Francfort, un esprit de repentance nationale apparaît.
Ces mêmes années sont marquées par des apparitions de la Vierge, comme à Pellevoisin dans l’Indre en 1876, l’heureuse bénéficiaire de ces visions étant Estelle Faguette, domestique au service de la comtesse de La Rochefoucauld. Ses apparitions n’ont été ni reconnues officiellement ni discréditées par l'Église ; cependant en 2017 un procès en béatification a été ouvert à son nom.
Le culte du Sacré-Cœur de Jésus s’est largement développé au Moyen Âge et on doit à saint Bernard de Clairvaux d’avoir été un des moteurs de cette dévotion. Des femmes de cette époque se sont réclamées également d’un amour pour le Sacré-Cœur de Jésus, telles Mechteline de Hackeborne ou Catherine de Sienne. Diverses apparitions jalonnent le XVIIe siècle, on retiendra celle qui frappe Marguerite-Marie Alacoque en 1689 à Paray-le-Monial. Le père du futur Louis XVI fait ériger, dans l’église du château de Versailles, une chapelle en l’honneur du Sacré-Cœur.
L’idée de la construction d’un monument religieux, marque d’un repentir et d’une demande à Dieu de protection pour la France et les Français, a été largement portée dès la fin 1870, par l'homme d'affaires catholique Alexandre Legentil et le peintre Hubert Rohault de Fleury. Le 24 juillet 1873, l’Assemblée nationale, alors encore majoritairement aux mains des légitimistes et des orléanistes vote la construction de la basilique du Sacré-Cœur à Paris. On peut regretter que le rôle très actif d’Émile Keller, alors député de Belfort (seule ville alsacienne restée française après 1870) ne soit pas mentionné ; ce dernier est le rapporteur à la Chambre du Vœu national concernant l’édification de la basilique sur la colline de Montmartre.
En 1875 est posée la première pierre de celle-ci ; peu après Hubert Rohault de Fleury déclare : «Oui, c'est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément-Thomas et Lecomte, que s'élèvera l'église du Sacré-Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l'Église semblait surtout animer». Il y a donc beaucoup à redire lorsque l’on nous explique actuellement dans les médias que c’est à tort que l’on considère qu’il y a un lien entre la Commune et l’édification à Montmartre de cette basilique aussi pour une vision plusexhaustive de la question, nous aurions aimé trouvé, dans l'ouvrage que nous présentons, cette citation (ou une autre portant la même idée). C'est en effet ce type de propos qui alimente une hostilité de la part de certains républicains.
La construction se fait à partir des plans de Paul Abadie avec une architecture où le néo-roman se mêle à des influences byzantines ; elle ne sera complètement terminée qu’en 1920. Entre temps ce monument se voit un enjeu politique entre des catholiques qui refusent ou acceptent la République et un ensemble de personnalités et mouvements laïcs. Notons que cette église n’est classée comme monument historique que seulement en octobre 2020, car elle a été largement perçue comme une condamnation des idées portées par la Révolution française. On est là face au deuxième monument religieux parisien le plus salué par des visiteurs, en 2019 il a reçu onze millions d’entre eux.
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