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Le droit de croire: La France et ses minorités religieuses XVIe-XXIe siècle

Le droit de croire: La France et ses minorités religieuses XVIe-XXIe siècle
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Avis de Benjamin : "Inflation des religions en proportion d’une progression de la sécularisation"

Patrick Cabanel commence à rappeler que pour la période médiévale, dans les actuelles frontières de la France métropolitaine, les deux minorités religieuses qui s’installent dans le temps long sont les juifs et les Vaudois, ces derniers excommuniés par le Concile de Vérone en 1184 quittèrent Lyon (terre d’Empire jusqu’en 1312) pour le Lubéron (possession du comte de Provence) et des terres alpines orientales du duc de Savoie. Ils se rallièrent au mouvement calviniste sous l’impulsion de Guillaume Farel qui fit également passer la principauté de Neufchâtel dans le camp du protestantisme.  

L’un de ces deux espaces n’appartient pas au royaume de France et l’autre ne tombe dans l’escarcelle de dernier qu’en 1482, aussi ce n’est qu’au début du XVIe siècle que les souverains français durent faire face à la question de l’existence de deux religions chrétiennes structurées. On sait que les édits de tolérance se succédèrent, vu leur non-respect, jusqu’à ce que fut signé l’édit de Nantes.  Notre auteur évoque divers exil des juifs d’un pays vers un autre, de morisques venus d’outre-pyrénées, et des huguenots. 

Les jansénistes se disent fervents catholiques, qui d’ailleurs se sont réjouis de la révocation de l’édit de Nantes, mais insistent sur le rôle de la grâce divine et marquent une hostilité dans l’ingérence du pape ou du roi dans les affaires de l’Église de France. Louis XIV prend diverses mesures à leur encontre, cette répression débouche d’ailleurs sur un renforcement de l’opposition des parlementaires qui se manifestera dans toute son intensité sous Louis XV. Sous le règne de celui-ci se manifestent diverses affaires dont celle de Callas et du chevalier de la Barre (dernière personne exécutée pour blasphème en France en 1766 à Abbeville). Ces dernières sont portées par un arbitraire du système judiciaire au service de l’Église.

Un édit de 1787 avance que pour les non-catholiques une naissance peut être déclarée ou qu’un mariage non religieux est autorisé par simple déclaration soit devant un juge royal, soit devant le curé de la paroisse agissant alors en qualité d’officier de l’état civil. Toutefois les pasteurs ne sont toujours pas autorisés à célébrer le culte. Les juifs profitent également de cette ouverture de l’état-civil.

La Révolution française accorde la citoyenneté à toutes les personnes résidantes dans le territoire quelque soit sa religion. L’Assemblée nationale compte dix-sept protestants (dont un tiers issus du Gard) soit 1,4% de représentants pour une population calviniste ou luthérienne évaluée à 2%. Lors de la discussion sur la Déclaration des Droits de l’homme, le comte de Castellane (député de la noblesse du Perche et membre d’une loge parisienne) propose le texte suivant : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses dans l’exercice de sa religion ». Alors que certains députés entendent limiter ce droit de liberté religieuse à un cadre privé, l’abbé Dillon, curé du Vieux-Pouzauges en Vendée, et le marquis de Virieu (un franc-maçon député de la noblesse dauphinoise) proposent le texte suivant : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Ce dernier texte est approuvé le 23 août 1789 et la question de l’éligibilité des juifs à tout emploi devient un sujet de débats en décembre de la même année. Le chapitre se termine avec l’exposé des diverses dimensions de la construction concordataire successivement passée avec les catholiques, protestants et juifs.

À partir du second tiers du XIXe siècle, l’univers religieux se diversifie avec l’apparition de l’islam dans les nouveaux départements apparus du fait de la conquête de l’Algérie et une poussée évangéliste dans l’arc du protestantisme (ajoutons personnellement qu’on doit à celle-ci la création en 1846 d’un établissement des bains de mer à Sète). Le Second Empire se montre très formaliste tant vis-à-vis de certaines églises évangélistes que des disciplees de la Petite Eglise (les catholiques qui avaient refusé le Concordat). Ceci est dit clairement, selon nous, dans l'ouvrage De Georges Clemenceau à Jacques Chirac : l’état et la pratique de la Loi de Séparation écrit par Robert Vendenbussche: « Mais, en 1859, le ministre Rouland ne l’entendait pas ainsi  ; il estimait que si la liberté de conscience était absolue  en France, cela n’entraînait pas la liberté illimitée de l’exercice public des cultes, ce qui aurait consisté à dire que l’État était, en ces matières, ou  indifférent  ou  subordonné ; or, ajoutait le ministre de Napoléon III, la France n’avait jamais admis cette théorie excessive». Ce siècle est également, de notre point de vue, celui où apparaissent des discours complotistes, relayés par une presse en pleine expansion, mettant sur le dos des francs-maçons, des protestants ou des juifs soit la colonisation du gouvernement et de la haute fonction publique, soit les mouvements révolutionnaires, soit l'oppression due à la finance en s'appuyant sur les écrits de la toute fin du XVIIIe siècle du jésuite français Augustin Barruel.

Le XXe siècle débute avec la Séparation de l’Église et de l’État. Le protestant Maurice Sibille député républicain de Nantes fait adopter, pris dans un budget de l’État, les dépenses d’aumônerie pour les établissements scolaires avec internat, les hospices, les asiles, les prisons, l’armée. Paul Grunebaum-Ballin (d’origine juive allemande), chef du cabinet d’Aristide Briand écrit en 1905 ceci : « Une société laïque (est) celle dont la majorité des membres, ayant reconnu l’irrémédiable et irréductible antagonisme des opinions individuelles dans l’ordre religieux et métaphysique, s’est résolue à régler les rapports des citoyens entre eux et de la collectivité avec chacun d’eux, en faisant abstraction des croyances religieuses et des convictions philosophiques, ou, en d’autres termes, à établir son droit privé et son droit public sur des bases non confessionnelles » (page 251).

La France compte nombre de musulmans dans ses colonies qui combattent dans l’armée française aussi voit-on, avec l’aide de fonds publics, l’acquisition de deux hôtelleries à La Mecque pour les pèlerins français et la construction d’une mosquée à Paris avec une architecture marocaine mais une gestion par des Algériens. Cette entorse à la loi de Séparation ne soulève pas d’opposition. Plusieurs pages sont consacrées aux diverses tentatives pour organiser un islam en phase avec la laïcité. Les carrés musulmans dans les cimetières se multiplient et Patrick Cabanel évoque aussi un carré bouddhiste à Thiais dans le Val-de-Marne. Dans les hôpitaux, les Témoins de Jéhovah (reconnus association cultuelle en 2013) ont obtenu en 2014 des aumôneries et les libres-penseurs espèrent en avoir aussi (comme cela existe en Belgique depuis plusieurs années).

Notons personnellement que le nombre l‘associations cultuelles reconnues a connu une inflation au XXIe siècle en France et que la Soka Gakkaï, accusée de dérives sectaires, a quand même obtenu en 2007 ce statut. L'Église de scientologie ne l’a par contre pas obtenu. Dans sa conclusion, notre auteur pointe la grande diversité des cultes présents en France, la perte d’adeptes chez les catholiques, la montée du nombre de musulmans et l’importance que ses fidèles accordent à la place du religieux dans leur vie quotidienne. L’éditeur présente ainsi ce titre : « Cet ouvrage donne l’occasion de réfléchir à la manière dont les minorités religieuses, islam compris, ont construit leur difficile destin en France, et dont le pays a façonné sa propre identité, entre fascination de l’unité, détestation de ses déchirures, puis gestion de la coexistence et du pluralisme ».      

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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