Avis de Adam Craponne : "Qui flatte le crocodile peut se baigner tranquille"
L’auteur est un Congolais du pays dont la capitale est Kinshasa, à ne pas confondre avec les Congolais habitant le bien plus petit pays dont la capitale est Brazzaville. Ces deux espaces ont été colonisés et christianisés intensément à la Belle Époque et dans l’Entre-deux-guerres ; toutefois un rapport déjà complexe avec le christianisme s’était développé à la fin du XVe siècle au royaume du Kongo avec son souverain Nzinga a Nkuwu. On sait que la capitale ce roi était Mbanza Kongo, aujourd’hui en Angola mais très près de la frontière congolaise, mais on ignore l’espace occupé par les peuples qui le reconnaissait comme souverain. On peut penser que, de la partie médiane de la côte angolaise à la côte du Gabon, il avait une certaine influence.
Antonio Manuel Nsaku ne Vunda: premier ambassadeur d'Afrique noire auprès du pape au début du XVIIe siècle (image absente de l'ouvrage)
L’univers du Congo-Brazzaville était, de façon progressive mais sûre, passé au catholicisme sous l’impulsion de l’évêque poitevin de Sinita Mgr Augouard qui finançait ses missions en évoquant du cannibalisme dans cette région. Dans Monseigneur Augouard un poitevin roi du Congo, l’auteur Maurice Mathieu reprend ceci sans aucune précaution.
Norbert Kalindula s’inquiète de ce qu’il pense des dérives, dans son pays, en matière de pratique du culte catholique et à l’esprit de syncrétisme qui pousse à aller chercher selon le type de question une aide soit dans le christianisme soit dans des pratiques anciennes et même dans un univers mental plein de superstitions. L’auteur appuie sa réflexion sur de nombreux écrits produits par Jean-Paul II et Benoît XVI (y compris ceux de la période où il n’était que cardinal) et de divers penseurs chrétiens très particulièrement Jean Ladrière qui fut durant les Trente glorieuses professeur de philosophie à l’université catholique de Louvain ainsi que Cibaka Cikongo prêtre et docteur en théologie né le 28 octobre 1967 et secrétaire exécutif de l’Assemblée Episcopale Provinciale de Kananga (au Congo non loin du nord-est de l’Angola) mais aussi Jean-Marc Ela théologien et sociologue africain d’origine camerounaise qui a été une figure marquante de la théologie de la libération en Afrique. Menacé de mort du fait qu’il tenait à découvrir les raisons et les meurtriers du père jésuite Engelbert Mveng assassiné en 1995 à Yaoundé, il dût s’exiler au Canada.
De ce fait il est difficile de citer un extrait d’un livre où les phrases prises à d’autres foisonnent. Significative pourrait être cette phrase qui se termine justement en citant Cibaka Cikongo :
« Ces baptisés comprendront que, quelles que soient les souffrances physiques et morales auxquelles ils sont confrontés, les pratiques magico-religieuses de leurs ancêtres, des sociétés sorcières et fétichistes, des sociétés secrètes et ésotériques, ne peuvent constituer des solutions durables, moins encore être érigées en "révélations parallèle et rivale à la Révélation chrétienne" » (pages 158-159).
L’Afrique francophone fait parti de ces régions où on trouve des pays de tradition catholique dans lesquels se développe une version anglo-saxonne du christianisme attachée à promettre parfois au moins autant une richesse matérielle qu'une richesse spirituelle. Ceci est une autre question, non abordée ici, qui nous semble aussi cruciale pour l’avenir du catholicisme et de la forme dominante du christianisme au XXIe siècle.
Il est à noter que, jusqu’à l’arrivée des Syriens, ces dernières années les Congolais de Kinshasa étaient les nationaux les plus nombreux à obtenir l’asile politique en France et parmi eux il y avait des prêtres qui avaient dû fuir leur pays pour s’être manifestés contre certaines exactions ou malversations. L’enlèvement et le meurtre de prêtres chrétiens est un phénomène malheureusement récurrent au Congo Kinshasa; l'Afrique produit là des martyrs, une compétence dont elle préférerait sûrement se passer.
Pour connaisseurs Aucune illustration