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Dictionnaire de la laïcité

Dictionnaire de la laïcité
Armand Colin344 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "La laïcité de A à Z"

Une petite cinquantaine de pages, au début de l’ouvrage, servent à justifier l’actualité de la parution de ce livre, à définir la laïcité, à rappeler le chemin des idées laïques depuis les Lumières jusqu’à la loi de 1905 et à tenter de dégager comment peut se vivre la laïcité au XXIe siècle (à travers les actions des femmes, de l’école, du regard critique sur toute institution et sur le contenu déversé par les médias). Globalement le ton est celui tenu par une laïcité séparatiste, telle qu’elle est définie par Jean Baubérot. 

Deux-cent-soixante-quinze pages proposent environ deux-cent-cinquante-entrées présentant des sujets en rapport avec la laïcité. Il est bon de préciser que les deux directeurs de cet ouvrage, à savoir  la formatrice en management Martine Cerf et le journaliste Marc Horwitz sont tous deux des acteurs de premier plan de l’association Égalité Laïcité Europe et que l’on compte environ cinquante contributeurs. Parmi eux on trouve des hommes politiques tels Gérard Delfau (franc-maçon, ancien sénateur socialiste puis radical de gauche de l’Hérault, il assure notamment une postface où il relève notamment les actions dans divers pays européens pour se dégager d’une tutelle cléricale portée par des traditions issues du christianisme), Alain Vivien (ancien président de la Mission interministérielle sur les sectes), Corinne Lepage (alors député européenne écolo-centriste, elle dresse un tableau de la présence ou de l’absence d’une dimension laïque dans l’espace de la Communauté européenne et mentionne les références à la culture chrétienne pour certains pays) ou Jean-Luc Mélenchon.

Ce dernier dans un article intitulé "Choc des civilisations" critique ce concept élaboré par Samuel Huntington et en profite au passage pour égratigner Nicolas Sarkozy (alors président de la République française). Ce dernier avait en particulier déclaré « Je ne connais pas de pays dont l’héritage, dont la culture, dont la civilisation n’aient pas de racines religieuses » et « il y a dans toutes les religions, les croyances et les cultures, quelque chose d’universel qui permet à tous les hommes de se reconnaître comme faisant partie de l’humanité ».

Certains sont des historiens relativement connus comme Jean-Robert Ragache, d’autres des journalistes (telle la médiatique Caroline Fourest), outre Corinne Lepage on trouve également des avocats dont Jean-Michel Quillardet (ancien grand-maître du Grand Orient, par ailleurs alors président de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires, formé d’un conglomérat d’associations en 2008, celui-ci est présenté par Quillardet) et des philosophes comme Catherine Kintzler.

On est heureux de trouver la présence du milieu médical représenté par la médecin gynécologue Danielle Hassoun et l’infirmière Marie-France Guerel (qui avait été à la fin du XXe siècle directrice de la revue L’Infirmière magazine). On doit à cette dernière la contribution autour de l’hôpital. Son discours s’appuie sur la circulaire du 2 février 2005 qui a apporté des informations au sujet de la compréhension qu’il fallait avoir du principe de la laïcité. Elle rappelle que si le patient a le choix de son patricien, il ne peut s’opposer à ce qu’un soignant le prenne en charge pour des motifs religieux. Ces mêmes soignants n’ont pas à refuser d’examiner ou de toucher une personne du sexe différent que le leur et n’ont pas à exiger de ne pas travailler le vendredi ou le samedi. Elle pose aussi le problème du refus possible de certains médicaments et du respect du jeune. Elle conseille de faire intervenir une autorité religieuse (bien qu’elle ne le précise pas, on se doit de pense aux aumôniers de différents cultes) pour désamorcer le conflit. Elle relève que des maris ou des parents tentent d’imposer des décisions à des patientes en mettant en avant des convictions religieuses. Elle ne pose pas la question du refus de transmission sanguine, un sujet qui a d’ailleurs donné lieu à des procès et ne renvoie pas au colloque Laïcité et santé tenu en mars 2010 à l’initiative de l’Observatoire international de la laïcité. On approfondira la question de la laïcité dans le domaine de la santé avec la sortie en février 2024 de Religion, spiritualité, laïcité et soin - Les infirmières face à des questions humaines essentielles sous la plume d’Arkadiusz Koselak-Maréchal, un cadre formateur en soins infirmiers de l’IFSI de Rouen.

Quant à elle Danielle Hassoun retrace l’histoire du planning familial évoquant notamment que le régime de Vichy fait en 1942 de l’avortement un crime pouvant se traduire par la peine de mort (Marie-Louise Giraud est guillotiné en 1943 pour cette raison). Faute d’un renvoi, nous avons pris l’initiative d’aller voir si un article existait autour des lois anti-laïques édictées par le régime de Vichy (on le trouve à la lettre V). Son auteur est l’historien Samuel Tomei. On relève là cette phrase : « Vichy rend de nouveau l’individu tributaire de sa filiation, de ses convictions et de ses appartenances ».  Notons que l’instruction religieuse est temporairement redonnée dans les écoles publiques, que l’enseignement congréganiste est de nouveau autorisé (à la Libération cette disposition sera abrogée comme bien d’autres par l’ordonnance du 9 août 1944 mais ne trouvera pas d’application) et que l’État finance l’enseignement privé. On aurait aimé voir mentionné que les mairies sont autorisées à placer des crucifix dans les salles de classe, alors que ceux-ci avaient disparus en 1905. Nous savons personnellement que ces objets religieux ne seront pas tous enlevés à la Libération et certains d’entre eux perdureront. Le dernier fut enlevé en 2004 à l'école maternelle de Lièvremont à l’initiative du Syndicat des enseignants du Doubs de la fédération UNSA.      

Des textes sont consacrés à certains pays européens membres de l’UE ou pas comme l’Albanie (qui a toujours vu cohabiter sans conflit orthodoxes, catholiques et musulmans), partiellement non européens ou pas du tout (les États-Unis, la Chine, la Russie, Cuba ou la Turquie), on peut regretter que l’on ait négligé le cas de l’Uruguay qui a notamment laïcisé le nom des jours portés par des fêtes catholiques. Des contributions concernent des religions précises diverses dont les sikhs. Martine Cerf euphémisme largement là la question de la scolarisation des élèves se réclamant de cette religion originaire de l’Inde et oublie de mentionner la fuite vers l’enseignement catholique qui en résulta.

 

On peut apprécier la variété des approches en relevant pour la lettre C les articles. Ce sont : L’affaire Calas, Canada, Catholicisme, Charte de la laïcité dans les services publics,Charte des droits fondamentaux de l’UE, Chevalier de la Barre, Chine, Choc des civilisations, Chrétien, Cimetière, Cité(s) (les quartiers sensibles où communautarisme et paupérisation peuvent s’installer), Georges Clemenceau, Cléricalisme, Stanislas de Clermont-Tonerre (à qui on doit une phrase célèbre sur l’émancipation des juifs), Anarchis Cloots, Comité Laïcité République, Jean-Marie Collet d’Arbois, Émile Combes, Commission Stasi, Communautarisme, Commune de Paris, Communisme(s), Auguste Comte, Concordat, Concordat de 1801, Conflits entre états, Conflits sociaux, Congrégation, Liberté de conscience, Conseil Central laïque (en Belgique), Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Conseil français du culte musulman, Conseil représentatif des institurions juives de France, Consistoire, Constitution belge, Constitution française (celle de la Ve République), Convention européenne des droits de l’homme, Convention de justice de l’Union européenne, Convention européenne des droits de l’homme, Créationnisme, Croix-Rouge, Cuba, Cul-bénit.   On voit que la dimension belge et celle plus globale des références à l’univers de l’Union européenne sont bien présentes.

Les articles abordent tant des questions (comme nous l’avons vu à travers certains exemples) qu’ils prennent pour attaque des personnages pour présenter leur conception de la laïcité ou de leur idée de liberté de conscience. On trouve donc des gens comme pour les plus connus Spinoza, Robespierre, Condorcet, Auguste Comte,  Ernest Renan, Ferdinand Buisson, Aristide Briand, Henri Dunand, l’évêque député puis sénateur Félix Dupanloup (qui fit d’ailleurs relever Buisson de ses fonctions d’inspecteur primaire et gagna une immortelle célébrité grâce à une chanson paillarde), Émile Durkheim ou Clemenceau. Pour ce dernier on aurait aimé voir mentionné et expliqué pourquoi il défend la liberté de l’enseignement, ceci d’autant que les responsables successifs du département de Vendée surent instrumentaliser son opinion sur le sujet. Il est évident que ce titre mériterait une nouvelle édition qui réviserait certains aspects de son contenu et quelques nouvelles entrées pourraient de ce fait apparaître. En tout cas la conception de la laïcité qu’a le président actuel de la République gagnerait à être précisé dans un cadre ou un autre. Un article sur la Vigie de la laïcité créée en 2021 s’impose et la mention de la disparition de l’Observatoire de la laïcité en juin 2021 doit apparaître.

Bien entendu à côté de tout ce qui touche la dimension vestimentaire concernant l’islam (déjà largement traité), gagnerait à apparaître un point sur la burkini qui ne manquerait pas de parler de sa présence autorisée ou non sur les plages et dans les piscines.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

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