Avis de Patricia : "Des Albaniens chrétiens au Caucase mais pas seulement"
Il s’agit d’un ouvrage au contenu fort érudit. Dans ce qui pourrait faire office d’introduction, l’auteure se réfère à un discours de Benoït XVI de 2006 ; ce dernier avançait que foi et raison humaine vont de pair. Certains esprits mécréants ne manqueraient peut-être pas d’arguments pour prouver le contraire. Toujours est-il que si la pensée chrétienne est passée par le filtre grec puis latin, elle a commencé à se développer plus précocement en araméen. D’autre part des régions situées très à la marge voire en dehors de l’Empire romain ont été christianisées et en particulier la Perse et le monde caucasien. Si Géorgiens et Arméniens sont connus pour être restés chrétiens, il y a encore dans l’Azerbaïdjan d’aujourd’hui une Église albano-udi et en Iran des Assyro-chaldéens qui ont gardé l’araméen comme langue liturgique.
On ne sera qu’à moitié étonné que le christianisme fleurisse chez l’ensemble sous domination parthe (jusqu’au début du IIIe siècle) puis sassanide (après les années 220) lorsqu’il est persécuté dans l’empire romain et qu’au début du IVe siècle la situation s’inverse. En effet les chrétiens sont toujours perçus comme des ennemis objectifs lorsqu’ils sont protégés par le camp d’en face.
Cet ouvrage, sous-titré L’histoire eurasiatique du christianisme est destiné à rappeler que, de l’Inde (une fois finie la domination kouchane qui a favorisé le bouddhisme) aux côtes orientales de la Méditerranée et de la Mer noire, les fidèles en Jésus-Christ furent très nombreux. Cet univers comprend la Caucase où une certaine hellénisation s’est faite sentir ; cela se retrouve notamment dans la composition des alphabets arméniens, géorgiens et albaniens.
Marion Duchauvel nous en apprend beaucoup sur le royaume d’Albanie qui couvrait en particulier l’actuel territoire du Haut-Karabach. Seule une partie des Albaniens intégra la culture arménienne aux environs du XIIIe siècle, d’autres assimilèrent le géorgien et dans l’Azerbaïdjan devenu chiite (du fait de sa domination par la Perse) la culture albanienne disparut presque complètement. Cette présence antique albanienne sert aujourd’hui de prétexte à l’Azerbaïdjan pour nier l’arménité du Haut-Karabach. Ce développement autour de cette Albanie du Caucase explique partiellement le sous-titre choisi.
En conclusion, derrière la figure de saint Thomas (qui semble historique) se perpétue le souvenir d’une christianisation qui se développa dans une bonne partie de l’Asie et toucha même les tribus mongoles comme on le sait très étonnamment à travers en particulier la parenté de Gengis Kahn. On sait que les poussées successives de l’islam et des évènements récents ont causé une quasi disparition du christianisme au Proche-Orient, sauf en Arménie et en Géorgie (où même l’islam a reculé au profit de l’orthodoxie géorgienne en Adjarie).
Pour connaisseurs Peu d'illustrations