Avis de Benjamin : "Le doute est l’ami de l’éthique quand la certitude ne garantit pas toujours la vérité"
L’auteur est professeur de l'enseignement supérieur, responsable pédagogique du diplôme Éthique des Droits de l'Homme (option santé) de l'Université de Nantes, président d'associations et de mutuelles.
Jean-Luc Joing commence par rappeler que nos nouveaux hommes politiques, souvent bardés de diplômes de niveau universitaire, sont d’une grande sobriété, en matière de culture générale. Les journalistes sont dans le même moule. Ainsi un des derniers présidents de l’Assemblée nationale manifestait le désir que la laïcité soit inscrite sous peu dans la Constitution, et le journaliste qui l’interviewait ne fit aucune remarque. Il aurait fallu quand même savoir que depuis 1946 toutes les constitutions françaises indiquent que la République française est laïque.
Jean-Luc Joing poursuit en indiquant que tant Nicole Belloubet alors garde des sceaux que Christophe Castaner le ministre de l’Intérieur ignoraient l’existence de l’article 35 de la loi de 1905 qui sanctionne un discours tenant à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres. Sa version un peu modifié en 2021, est « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en rend coupable est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation est suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile. »
Dans le second chapitre, Jean-Luc Joing revient aux origines de la laïcité, citant John Locke et Thomas Hobbe. Pierre Bayle apparaît dans le même chapitre au sujet de l’action des gouvernements et d’un despotisme administratif (cette dernière expression est de Clemenceau), aux côtés de Pierre Mendès-France, Jean-Pierre Jouyet et Gabriel Attal.
Le troisième chapitre est intitulé "Les laïcités concurrentes". Il voit quatre grands ensembles. Il y a les continuateurs des valeurs de la République laïque qui entendent le devoir de réserve dans la sphère publique mais non dans la sphère privée. À côté il y a le groupe des démocrates communautaristes, où on est très attaché à la tolérance pour faciliter une cohabitation pacifique et harmonieuse. « (Ils) sont aujourd’hui interpellés par un double-constat : celui d’un individualisme exacerbé associé au développement de communautés, corps et minorités agissantes, parfois violentes, ne respectant pas les règles de bonne conduite et de tolérance réciproque » (page 71). Le troisième groupe serait celui des intégristes laïques qui voudraient à la société civile le principe du devoir de réserve imposé dans les services publics. La liberté de croyance devrait se limiter au domaine privé. Le dernier ensemble est celui des néo-laïques partisans d’une laïcité dite ouverte exprimant une tendance à reconsidérer positivement les racines chrétiennes de la France. Il y a là un désir d’ouverture vers le spirituel identitaire catholique.
Le quatrième chapitre a pour nom "Une laïcité sans foi ni lois, ni méthodes, est-ce possible ?". On retiendra que : « la laïcité est le socle de notre système démocratique. Laisser ce trésor culturel se désagréger au bénéfice d’idées moyenâgeuses, ou d’ambitions personnelles ou commerciales, c’est ouvrir la porte à toutes les aventures déclinistes. L’esprit français, son histoire, est celle d’assimilation dont il ne faut pas minimiser les difficultés, mais dont on ne doit pas perdre le savoir-faire et le savoir-être » (page 85).
Le chapitre cinq se nomme "Des lois et des juges : les communautés Police et Justice divisées". L’auteur souhaite une amélioration des relations entre ces deux institutions. Le chapitre suivant questionne sur l’inéluctabilité possible de conflits entre les religions et la laïcité. Il se termine en évoquant qu’en 2023 le Grand Orient s’interrogeait sur le fait qu’il était peut-être nécessaire d’avoir une attitude ferme voire autoritaire pour défendre la laïcité, quoique cela puisse paraître de prime abord incompatible avec les valeurs de tolérance promues par cette même laïcité. Jean-Luc Joing ajoute ensuite que l’apaisement et la compréhension réciproques ont déjà été possibles entre religions entre elles et entre la religion et la laïcité.
La septième partie se penche sur les problèmes de laïcité à l’école. Foi et Connaissance peuvent ici se sentir contradictoires. Jean-Luc Joing cite quelques extraits de chansons de groupes indigénistes appelant à la violence en direction des bâtiments publics et les individus ne se réclamant pas de le communauté musulmane. L’école est en première ligne face à l’islamisme radical et l’auteur invite les professeurs à défendre, malgré les difficultés, les valeurs de la République et le contenu des programmes.
Le huitième chapitre pose la question d’une possible disparition de l’idée laïque. Jean-Luc Joing pense que les valeurs de la laïcité doivent se vivre pour rester robustes (tant par les citoyens que par les représentants de ceux-ci). Il cite un extrait d’un ouvrage de la Ligue de l’enseignement qui déclare : « Agir pour une laïcité qui ne soit pas simplement un principe constitutionnelle et un sesemble juridique, mais qui constitue, en même temps, une valeur de civilisation portée par une philosophie politique et une éthique du vivre ensemble » (page 138). Notons personnellement que les valeurs de la laïcité sont en régression dans de nombreux pays. L’Inde prive de leur citoyenneté des musulmans issus de familles vivant depuis des générations sur son sol, le Bangladesh est une "république laïque et démocratique" à sa fondation par la Constitution de 1971, mais en 1988 l’islam y est devenu la religion d’État, en Uruguay (pays connu pour avoir laïcisé le nom des jours portés par des fêtes catholiques) l’immense croix construite sur une place publique pour la venue d’un pape est maintenue en tant qu’objet mémoriel par un vote majoritaire des sénateurs en 1987.
La neuvième division du développement parle du défi de l’universel face à la guerre des civilisations. Jean-Luc Joing pointe les faiblesses actuelles de la France dans les domaines : militaire, religieux, politique, économique et sociétal. Par ailleurs « la revendication de discriminations positives se substitue à celle d’égalité et de fraternité, de reconnaissance du mérite, de la valeur personnelle, indistinctement des origines et des orientations (page 152).
Le dernier chapitre compare la France à un taureau et espère, qu’après avoir fait un tour dans les arènes pour une corrida, elle sera sauvée du fait de sa vaillance. Il regrette le désengagement des citoyens pour préserver les acquis sociaux et des dirigeants qui devraient faire de la laïcité leur éthique. Ce livre se clôt par quelques propositions avancées parfois par divers personnes, et reprises par l’auteur. Elles visent à renforcer la dimension laïque de l’administration française et une politique sociale. De plus certaines actions symboliques sont proposées comme des timbres à l’effigie de grandes figures de la laïcité. De larges extraits des diverses lois en rapport avec la laïcité sont offerts. L’ouvrage propose un petit nombre d’illustrations et en particulier des dessins de presse.
Pour connaisseurs Quelques illustrations