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Parlons laïcité en 30 questions

Parlons laïcité en 30 questions
La documentation française92 pages
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Avis de Benjamin : "La neutralité implique que l’État se montre impartial, qu’il n’avantage ni ne défavorise aucune conviction qu’elle soit religieuse ou non"

Si Jean Baubérot est un auteur bien connu dans le milieu laïque français (d’ailleurs membre de La Vigie de la laïcité), par contre Michèle Milot ne l’est pas pour la bonne raison qu’elle est canadienne. Elle enseigne à l’université de Montréal au Québec et s’est spécialisée en sociologie des religions et du syndicalisme. 

Chacune des trente questions est traitée sur une double-page. Voici les questions traitées :

1. Quelle est la définition de la laïcité en France ?
2. Quels sont les principes essentiels de la loi de 1905 ?
3. La loi de 1905 a-t-elle été modifiée ?
4. Quel est le statut des édifices du culte ?
5. Les religions sont-elles subventionnées ?
6. Quand l’école publique est-elle devenue laïque en France ?
7. Quelles sont les exigences de la laïcité à l’école publique française ?
8. Que signifie un « enseignement laïque du fait religieux » ?
9. Les écoles privées sous contrat sont-elles laïques ?
10. La morale laïque est-elle la morale des athées ?
11. Quelles sont les exigences de la laïcité à l’hôpital ?
12. Quelle laïcité pour l’entreprise ?
13. Comment la laïcité s’applique-t-elle en prison ?
14. Quel type de laïcité dans l’armée ?
15. Les cimetières sont-ils des lieux laïques ?
16. En quoi la laïcité concerne-t-elle les collectivités locales ?
17. La France célèbre-t-elle des fêtes de différentes religions ?
18. Quel est le statut spécifique de l’Alsace-Moselle ?
19. La laïcité est-elle différente en outre-mer ?
20. La laïcité française est-elle euro-compatible ?
21. L’islam est-il « compatible » avec la laïcité ?
22. Que combat le radicalisme mené au nom de l’islam ?
23. La laïcité impose-t-elle la sécularisation dans la vie publique ?
24. Existe-t-il différents types de laïcités dans le monde ?
25. Quelle importance un État laïque accorde-t-il au port de signes religieux ?
26. L’accommodement raisonnable conduit-il au multiculturalisme ?
27. La laïcité favorise-t-elle l’égalité des sexes ?
28. Les lois sur les mœurs concernent-elles la laïcité ?
29. Comment la liberté d’expression se concilie-t-elle avec la liberté de conscience ?
30. Quel avenir pour la laïcité ?

On voit par là la diversité des approches.  Il était bon de rappeler le rôle pionner du Mexique en matière de laïcité puisque dans ce pays la Séparation de l’Église et de l’État date de 1869 (page 16). Elle suit d’ailleurs de quelques années la fin de la malheureuse expédition des armées de Napoléon III au Mexique qui dura de 1861 à 1867.  Celle-ci fut d’ailleurs suggérée par  les milieux catholiques conservateurs, rajouterons-nous personnellement.  En effet entre 1859 et 1860, par la volonté d’un gouvernement libéral, on avait assisté à la suppression des ordres religieux, au passage de livres et œuvres d'art en possession de l'Église en mains publiques, à l’institution d’un mariage civil, au déplacement de la responsabilité de l’état-civil aux mairies, à la publication de la loi de sécularisation des cimetières, à la proclamation de la liberté des cultes. À la page 57, on évoque l’Uruguay pour avoir laïcisé le nom des jours portés par des fêtes catholiques. Ainsi Noël a été transformé en Jour de la Famille, les jours en lien avec Pâques en Semaine du Tourisme, le 6 janvier jour de l'Épiphanie et des Rois Mages) en Journée des enfants et le 8 décembre date de la  Fête de la Vierge en Journée de la plage, car nous sommes dans l’hémisphère sud.

Au début de l’ouvrage, on présente deux figures incontournables de la laïcité française. « Ferdinand Buisson (1841-1932), philosophe et homme politique, a été directeur de l’Enseignement primaire de 1879 à 1896. À ce titre, il a réalisé concrètement la laïcisation de l’école publique. De 1903 à 1905, il a présidé la Commission parlementaire sur la séparation des Églises et de l’État qui a rédigé le projet de loi. Il a cofondé et présidé la Ligue des droits de l’homme. Il a reçu le prix Nobel de la paix en 1927. Aristide Briand (1862-1932), homme politique et diplomate, a été rapporteur de la Commission parlementaire sur la séparation des Églises et de l’État (1905). Il a été onze fois président du Conseil. Il a reçu le prix Nobel de la paix en 1926 » (page 8). Les principes de la laïcité sont exposés de la façon qui suit : « La laïcité est une forme d’organisation du pouvoir politique et administratif qui plonge ses racines dans l’histoire de la tolérance. En effet, afin de favoriser la paix sociale, des États ont poursuivi deux grandes finalités : garantir la liberté de conscience et de religion de chacun mais aussi l’égalité de tous en cette matière. Pour y parvenir, ils ont eu recours à deux "moyens" : la neutralité et la séparation du pouvoir politique et des autorités religieuses. La neutralité implique que l’État se montre impartial, qu’il n’avantage ni ne défavorise aucune conviction qu’elle soit religieuse ou non. La séparation suppose, quant à elle, que l’État ne tire plus sa légitimité d’une des familles de pensée, religieuses ou philosophiques, qui composent la société. Dans certains pays, comme en France, la laïcité est formalisée dans la Constitution, alors que dans d’autres, elle résulte de l’interprétation du droit et de la pratique de la gouvernance politique » (page 9).

Il est tenu compte de l’actualité dans cette réédition. En effet on peut lire : « Le nouveau Comité interministériel de la laïcité, créé par décret le 4 juin 2021, remplace l’Observatoire de la laïcité qui avait été installé en avril 2013 et a réalisé deux mandats. Présidé par le Premier ministre, le Comité s’est réuni le 15 juillet 2021 pour la première fois et est chargé de coordonner l’action du gouvernement afin de s’assurer du respect du principe de laïcité par l’ensemble des administrations publiques. Il a notamment décidé de la nomination pour 2022 d’un référent-laïcité dans chaque administration. Enfin, le Conseil des sages de la laïcité, créé en juin 2018 et placé auprès du ministre de l’Éducation nationale, présidé par Dominique Schnapper et composé d’experts, traite de la laïcité à l’école» (pages 10-11).

Il est expliqué pourquoi les églises catholiques sont pour la plupart propriété publique. « La loi de 1905 prévoyait que les édifices du culte déjà propriété publique le resteraient : il s’agissait principalement d’églises catholiques nationalisées lors de la Révolution française. Les nouvelles associations cultuelles devenaient propriétaires des autres lieux de culte (appartenant jusqu’alors aux établissements du culte). La nonconstitution des "cultuelles" par les catholiques a conduit à faire également de ces biens une propriété publique (loi du 2 janvier 1907). Tous ces édifices sont dévolus gracieusement à l’exercice du culte. En revanche, les églises construites après 1905 appartiennent à l’Église catholique (via les associations diocésaines) » (page 30).  

Pour ce qui concerne l’hôpital : « Les soins hospitaliers renvoient au corps, à l’intimité, à la vulnérabilité, à la mort. La laïcité tient compte de cette singularité et s’attache particulièrement au respect de la liberté de conscience des patients. D’abord, l’hôpital doit offrir un service d’aumônerie, qui peut être financé sur fonds publics (art. 2 de la loi de 1905). Ensuite, le respect des croyances des malades est garanti par la Charte de la personne hospitalisée. Enfin, personnel, aumôniers, visiteurs, patients doivent se garder de tout prosélytisme et l’hôpital, bâtiment public, doit demeurer exempt de tout signe ou emblème religieux. (…) Le droit des malades au respect de leurs convictions religieuses doit s’accorder avec le bon fonctionnement du service et les impératifs d’ordre public, de sécurité, de santé et d’hygiène. Ainsi, toute personne doit pouvoir choisir d’être examinée par un soignant de son sexe, sauf impossibilité ou situation d’urgence. De même, si un patient a le droit de refuser des soins pour lui-même, un parent ne peut refuser que son enfant soit traité en cas de nécessité. Au sujet du jeûne religieux chez les patients, il faut savoir que «  Le jeûne pour raison religieuse est libre pour le patient majeur. Celui-ci doit cependant être alerté sur les risques encourus. L’aumônier du culte auquel il appartient peut être sollicité pour lui rappeler l’importance de ne pas mettre sa vie en danger. Dans le cas d’une personne mineure, l’état de santé de l’intéressé est l’une des limites» (page 44).  Il faut savoir qu’interviennent tant dans les hôpitaux que dans les prisons des aumôniers. À ce jour ils appartiennent à sept cultes : catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman, bouddhiste et témoin de Jéhovah. 

Terminons par ces remarques qui devraient un peu aider à se repérer dans l’univers des milieux laïques : « Certaines organisations ont joué un rôle historique dans l’établissement de la laïcité en France, mais elles sont aujourd’hui divisées. Ainsi la Libre-Pensée, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue de l’enseignement publient des communiqués communs, insistent sur la séparation de l’État et des Églises et sur la liberté de conscience, de même qu’un nouvel organisme La Vigie de la laïcité. Le Grand Orient de France privilégie de son côté une extension de la neutralité et le rôle émancipateur de l’État. Depuis le début du XXIe siècle, certains hommes politiques prônent une nouvelle conception de la laïcité prenant en compte les "racines chrétiennes" de la France ("laïcité positive"). Or pour d’autres intellectuels, politiques ou militants, la laïcité doit cantonner la religion à "l’intime"» (page 11). En lien avec ce qui précède, on sait que les milieux laïques réagirent différemment face à la loi du 24 août 2021destinée officiellement à conforter les principes de la République. « Nécessaire, selon, les uns, pour mieux protéger les agents du service public et éviter que des personnes radicalisées prennent le pouvoir au sein des associations cultuelles, elle est critiquée par d’autres car elle instaure un contrôle administratif sur ces associations avant tout délit » (page 21).   

 

 

Benjamin

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