Avis de Benjamin : "Vivre et transmettre les valeurs de la République"
Isabelle de Mecquenem, professeur agrégée de philosophie, enseigne à l'INSPE de l'université de Champagne-Ardenne. Dans cette nouvelle version, ce titre est destiné aux candidats aux concours de la fonction publique, mais aussi aux étudiants en Master MEEF allant passer les concours de l'enseignement (CRPE, Capes, Agrégation) et de l'éducation (CPE), ainsi qu'aux étudiants en classes préparatoires et en IEP, en école de journalisme et en IPAG.
Ce livre permet d’appréhender des notions complexes en proposant 100 questions clés, à travers cinq grands thèmes :
• La République : définitions et liens avec la démocratie, la nation, le peuple, la patrie, la politique, la philosophie
• La déontologie de la fonction publique en France
• Les valeurs et les principes de la République
• La République et l’école
• La transmission des valeurs de la République
On expose d’abord ce qui définit un régime républicain. On n’y aborde pas que des réalités puisque l’on évoque aussi la perspective d’une VIe République, promue, sous des options variées, par divers hommes politiques. Dans le point La République des politiques sont évoqués Gambetta, Jean Jaurès, Clemenceau et Mendès-France. Comme philosophes prônant la République, on cite Platon, Condorcet, Charles Renouvier, Jules Barni. Ce dernier, mal connu, est professeur agrégé, député de la Somme de 1872 à 1877, opposant à Mac-Mahon et à l'Ordre moral donc signataire du Manifeste des 363 et conseiller de Gambetta. On n’oublie pas les grands historiens de l’idée républicaine tels Claude Nicolet, Maurice Agulhon, Pierre Nora et Mona Ozouf.
On évoque justement cette dernière dans une question autour des fêtes et commémorations républicaines. Le problème d’un calendrier laïque renvoie tant au calendrier républicain de 1792, en usage de 1793 à 1805 qu'au rapport Stasi qui avait suggéré en 2003 d’inscrire des jours fériés en lien avec le culte juif et musulman.
La seconde partie court des points 28 à 42, il y est question de la place de la laïcité dans la fonction publique. Sont abordés là l’existence des référents laïcité dans tous les services publics, notons qu’on ne parle là que de la loi du 20 avril 2016 et que l’on fait l’impasse sur la loi du 24 août 2021 (voir sa présentation ici https://www.vie-publique.fr/loi/277621-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-24-aout-2021). C’est d’ailleurs elle qui instaure la journée de la laïcité au 9 décembre, jour du vote en 1905 de la loi de la Séparation de l’Église et de l’État. Cependant la première journée de la laïcité à l'école a été organisée en 2015 à l'occasion du 110e anniversaire de la loi en question. On trouve par contre en annexe le décret du 23 décembre 2023 relatif au référent laïcité dans la fonction publique. On évoque aussi au point 34, la loi du 11 octobre 2013 où il est question de dignité, probité et intégrité pour les fonctionnaires.
Le troisième volet autour des valeurs de la République démarre par la question 43 où il s’agit de distinguer principes, valeurs et normes au point 63 évoquant l’intolérance, le fanatisme et le radicalisme. Parmi les points les plus intéressants, on découvre la question 47 de la morale minimale (renvoyant à l’individu) opposée à la morale maximale (concernant les devoirs envers autrui mais aussi la notion de dignité). Isabelle de Mecquenem termine en pointant que la IIIe République pratiqua une morale perfectionniste prescrivant de devenir un bon citoyen en respectant un certain nombre de préceptes. On s’interroge au point suivant sur le fait que les valeurs des jeunes et celles des vieux pourraient être différentes. La question 49 porte sur les clivages de valeur selon le genre.
La quatrième partie concerne l’école et est notamment l’occasion d’évoquer le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson. On retrouve ce dernier aux côtés de Jules Ferry comme fondateur de l’école républicaine et il est regrettable de ne pas voir là Paul Bert. Est pertinent de venir parler au point 72 des néorépublicains et des pédagogues au sujet du fait que l’école peut mettre au centre les apprentissages ou l’élève. Cependant dire que cette question rebondit de façon trompeuse avec l’affaire du voile me semble incomplet. Il s'agirait plutôt là, non d’une querelle autour du type d’enseignement, mais d'une opposition entre deux conceptions de la laïcité. Or ce dernier mot n’est jamais proposé.
La cinquième division évoque la pédagogie et justement le débat entre néorépublicains et pédagogues rebondit cette fois effectivement selon nous autour de la question des méthodes actives et des méthodes passives. Il est aussi question du rôle de la famille dans la transmission des valeurs, ces contre-valeurs portées par les médias et de la différence entre transmettre des valeurs et transmettre des connaissances. C'est évidemment l'occasion de parler de la Charte de la laïcité, elle a été élaborée par Abdennour Bidar et son équipe et publiée en 2013.
Est également évoqué dans cette partie le rapport Slama de 2009 devant le Conseil économique, social et environnemental où on soulignait l’urgence de remédier aux faiblesses du système éducatif confortant les inégalités sociales. Le rapport Obin de 2004 soulignait la montée en puissance du communautarisme relevant de l’identité musulmane et le manque d’appui venant de l’administration lorsque les enseignants rencontraient des difficultés autour de la laïcité avec des élèves. Bien plus loin, une réflexion s’intitule Les territoires perdus de la République et présente donc l’ouvrage de Georges Bensoussan. Ce livre, paru en 2002, rassemble les témoignages d'enseignants et de chefs d'établissements scolaires aux prises avec un malaise à la fois social, culturel et même identitaire.
Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale en 2012, annonce une volonté d’un enseignement de morale laïque en primaire et secondaire. Cette initiative a débouché sur la rédaction d’un rapport qui a jeté les bases de l’enseignement moral et civique préconisé dans la loi de Refondation de la République du 8 juillet 2013. Dans le point suivant Qu’est-ce-qu’une morale laïque ?, on nous dit que le philosophe Ruwen Ogien, adepte d'une morale minimale, a trouvé autoritaire le projet de Vincent Peillon (ce qui ne pouvait surprendre). Nous nous rappelons personnellement que Luc Chatel, prédécesseur de Vincent Peillon rue de Grenelle, à l’honnêteté intellectuelle bien maquillée (c’est un ancien de l’Oréal) dresse alors un parallèle entre les propos tenus par le ministre de l'Education nationale d'alors et le discours de l'armistice du maréchal Pétain.
Pour connaisseurs Aucune illustration