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Les combats d’un iman de la République

Les combats d’un iman de la République
Cherche midi159 pages
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Avis de Benjamin : "Émile Zola ou Léo Taxil ?"

Le contenu de l’ouvrage est composé d’une suite de questions posées par Stéphane Encel, un docteur en histoire des religions à Paris IV, connu pour  ses recherches sur la formation des identités religieuses ainsi que sur l’antisémitisme mais aussi dans le passé comme président de la commission histoire, mémoire et droits de l’homme de la Licra.

Dans le premier chapitre, Hassen Chalghoumi se présente là comme natif de Tunisie et vivant en France depuis l’âge de 24 ans. Hassen Chalghoumi fait ici l’impasse sur sa formation au Pakistan, dans le début des années 1990, par le mouvement de pratique religieuse rigoriste Tablighi Jamaat, ayant une interprétation littéraliste des principaux préceptes de l'islam.

Se disant alors iman d’une mosquée à Drancy, il est musulman de rite malikite (pour qui la sunna des gens de Médine est meilleure que le hadith) tout en se réclamant d’une spiritualité soufie. C’est pourquoi il oppose les sourates de Médine à celles de La Mecque; les premières présentant des versets ouverts et tolérants. Hassen Chalghoumi appelle à la contextualisation des textes de référence, en tenant compte de l’état de la société de l’époque de Mahomet. D’autre part, il n’hésite pas à parler de "tartuffes" en désignant les musulmans refusant de serrer la main d’une femme.

Au sujet du voile, il écrit page 44: « Voilà quatorze siècles d’histoire, de pensée, de rayonnement de l’islam, résumés, caricaturés, pour un bout de tissu sur le visage! Une prescription qui n’est même pas dans le Coran, une tradition marginale – pour le voile intégral – liée à l’Afghanistan… D’autant que le voile, qui est censé ôter de la vue, et donc du désir de l’homme, les cheveux de la femme, devient le voile intégral, qui attire précisément et paradoxalement l’oeil! C’est en s’habillant comme tout le monde que personne ne te regarde, et il n’y a pas lieu de se mettre en retrait du corps social. Ceux-là veulent se sauver d’une goutte d’eau en provoquant une inondation, comme dit le proverbe ».

Trois pages plus loin il écrit: «La religion est avant tout une relation avec Dieu, pour apprendre à se comporter avec les hommes. Et, je le répète, les règles religieuses s’adaptent selon les circonstances » (page 47).

Il s’offusque de l’ingérence étrangère dans la vie des associations musulmanes en France. Il propose la création d’une instance musulmane pour un suivi des nouveaux convertis, vu le risque de leur passage vers le fondamentalisme. Il suggère justement d’interdire les mouvements intégristes musulmans car les terroristes sont passés au départ sous leurs enseignements (même si ces derniers ne prônent pas l’action violente).

Pour Hassen Chalghoumi « tout ce qui est contraire aux lois de la République, qui ne prône pas le vivre-ensemble, le dialogue, la stabilité, il faut le combattre ; partout, sur tous les supports, par tous les moyens qu’offre la démocratie » (page 83). Il dénonce l’influence du fondamentalisme dans les prisons ainsi que sur internet et les réseaux sociaux.

Selon lui nombreuses sont les tentations communautaristes offertes et  Hassen Chalghoumi se scandalise en particulier des discours de l’humoriste Yassine Belattar. Il rapporte les propos tenus dans certains pays où la France est présentée, bien à tort selon lui, comme discriminante vis-à-vis des musulmans.

De la conclusion, on retiendra à la page 132: « c’est tout un modèle qui est attaqué, parce que précisément le modèle français est unique, et fonctionne. La séparation des Églises et de l’État, c’est-à-dire ôter à la religion ses potentialités politiques pour ne valoriser que ses aspects spirituels et humanistes. Et c’est insupportable pour l’islam politique! Nous sommes à la pointe du combat, de l’engagement, si l’on perd, ce n’est pas seulement une défaite naturelle, ce sera un signal fort dans le monde entier que la religion peut l’emporter politiquement jusqu’à imposer ses propres règles. Ce sera une formidable régression civilisationnelle » (page 132).

En janvier 2009, il avait cosigné, avec le président de l’Association cultuelle israélite de Drancy, un article pour Le Parisien, où s’exprimait la crainte que le conflit israélo-palestinien n’ait de graves conséquences en France.

La préface est de Philippe Val, ce dernier compare Hassen Chalghoumi à Émile Zola qui « a été un héros non seulement parce qu’il a fallu qu’il se batte contre le camp d’en face, mais surtout parce qu’il a fallu qu’il se batte contre son camp. C’est à cela que l’on reconnaît les femmes et les hommes libres. C’est à eux que, nous devons les progrès de nos libertés » (page 13). Ceci montre bien un certain isolement de notre auteur des Combats d’un iman de la République, au sein de la communauté musulmane française dont il se revendique alors qu’il est la plupart du temps absent de l’hexagone. Le contenu de cet ouvrage n’en reste pas mins intéressant dans la mesure où il trace des lignes permettant d’envisager une réelle compatibilité entre la religion musulmane et les valeurs laïques de la République française.

Farid Hannache, qui avait écrit avec Hassen Chalghoumi, l’ouvrage Pour l'Islam de France, dénonce le fait que ce dernier soit un "faux iman" ce qui ne veut rien dire si on ne précise pas qu’en raison de menaces sur sa vie et celle de sa famille, il réside maintenant, pour la grande majorité du temps quelque part dans un État du Golfe, en compagnie de sa famille. Par ailleurs il semblerait bien que Hassen Chalghoumi soit devenu iman dans cette mosquée d’une commune de Seine-Saint-Denis du fait de la volonté à l’époque du maire (UDI) de la ville, à savoir Jean-Christophe Lagarde (à qui certains ont reproché une politique municipale communautariste). Ce dernier lui a possiblement suggéré de mener campagne en 2012 pour Nicolas Sarkozy.

Pascal Boniface qualifie Hassen Chalghoumi de la mosquée de Drancy, comme « ce que la sociologie américaine appelle un "native informant", ces figures qui occupent la parole d’une communauté dont ils n’ont pas le soutien, mais qui tirent leur légitimité des médias et des milieux politiques dominants. Il dit ce que la majorité a envie d’entendre de la part d’une minorité, mais pas ce qu’elle pense réellement. (…) Le message qui est envoyé au public c’est qu’un imam modéré est rejeté par ses coreligionnaires qui sont donc, dans leur majorité, extrémistes. La mise en scène de Chalghoumi, loin de combattre le préjugé d’un islam radical et intolérant, le conforte puissamment ». (voir https://www.iris-france.org/44046-comment-limam-chalghoumi-renforce-malgr-lui-les-prjugs-sur-les-musulmans/). On peut entendre longuement Hassen Chalghoumi (et ainsi réaliser qu’il maîtrise bien le français, ce que certains lui dénient) à l’occasion de la sortie d’un autre de ses ouvrages Agissez avant qu’il ne soit trop tard, cosigné avec David Pujadas , ici https://www.youtube.com/watch?v=bhl61lX53lc

Pour tous publics Aucune illustration

Benjamin

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