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Laïcité, émancipation et travail social

Laïcité, émancipation et travail social
L’Harmattan 263 pages
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Avis de Benjamin : "La laïcité, un principe émancipateur"

Cet ouvrage, préambule, introduction et conclusion compris, propose près de vingt textes. Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Il fut membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration ; cette mission laïcité du HCI est officiellement installée le 26 avril 2011. Le Haut conseil à l’intégration fut créé par Michel Rocard et dissout en décembre 2012. Guylain Chevrier a été président des États généraux du combat laïque qui sont un collectif d’associations et de militants de la laïcité (très actifs en 2021 et 2022, peut-être en sommeil depuis) et vice-président ou membre du bureau du Comité Laïcité République. Il intervient assez souvent dans les médias.

Cet ouvrage a été réalisé à l’initiative de  BUC ressources. Ce dernier est un campus de formation aux métiers de l'éducation spécialisée, de l'accompagnement social, médico-social et de service à la personne. Il est situé non loin de Versailles à Buc mais aussi aux Mureaux donc toujours dans les Yvelines. Lycie Demêmes-Percival, responsable d’un pôle de formations dans cet organisme, propose un article. Selon elle, pour construire librement son expérience du monde on doit « ne subir aucune assignation, qu’elle provienne d’un groupe d’appartenance, d’une autorité contraignante, d’une communauté ou d’un gourou. Être exempté du carcan des vérités impérieuses au nom desquelles il vous est demandé de filer droit » (page 12). À son initiative a été créée à BUC ressources, une formation Laïcité et travail social.

Dans son introduction, Guylain Chevrier informe que le contenu de cet ouvrage a trait aux « enjeux du travail social et ce qu’il a à voir avec l’émancipation humaine, mais aussi les champs qui le croisent, de l’éducation à la place de la question religieuse dans notre société, et donc évidemment de la laïcité » (page 25). Dans un article "Laïcité, neutralité et travail social: quel positionnement professionnel ?", Guylain Chevrier avance que égalité et laïcité sont étroitement liées et même indissociables, et que la République française est à la fois laïque et sociale. Il rappelle que la France est terre d’immigration depuis la fin du XIXe siècle (pour nous elle l’a été de tout temps) et que l’intégration de tous est un principe humaniste et laïque. Il rappelle que l’on ne doit pas confondre liberté de croyance et liberté de conscience.

Il dit que les établissements sociaux et médico-sociaux, selon le Code de l’action sociale et des familles, sont régis par le principe de laïcité. Il évoque le fait que le respect du ramadan par du personnel encadrant des enfants peut et a déjà eu en particulier à Gennevilliers des conséquences dramatiques avec une animatrice prenant le volant en été provoquant un accident (voir https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/07/31/ramadan-la-mairie-de-gennevilliers-renonce-a-imposer-a-ses-employes-de-dejeuner_1740770_3224.html). Il revient sur l’affaire de la crèche Baby Loup où finalement la Cour de cassation a rappelé qu’il était permis de limiter l’expression religieuse pour des motifs justifiés par la tâche à accomplir. Dans le prolongement des conditions fixées par la loi Travail du 8 août 2016, les obligations de neutralité ont été élargies en passant par justement le règlement intérieur.        

Guylain Chevrier rappelle que le travailleur social ne devrait pas peser sur le libre choix de la personne qu’il a en charge. Or en matière d’avortement, de contraception, ou d’homosexualité, la question est sensible. La laïcité est le meilleur gage de la non-discrimination. L’auteur renvoie à la présence, aux dernières pages, de cet ouvrage à divers chartes de la laïcité et regrette que l’idée d’une charte concernant l’ensemble du secteur social et médico-social n’ait pas débouché comme le souhaitait le rapport rédigé en 2016 par Michel Thierry, intitulé Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social (voir https://www.vie-publique.fr/rapport/35847-valeurs-republicaines-laicite-et-prevention-des-derives-radicales-dans). N’est évidemment pas mentionné un texte de 2018 "Le travail social confronté aux dérives radicales" à consulter là https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_cedts_derives_radicales-2.pdf

Gilles Bouffin propose justement un modèle de charte de la laïcité pour une association du secteur médico-social, en s’appuyant sur son expérience de directeur d’un tel organisme. Alain Seksig, alors inspecteur de l’Éducation Nationale, entend poser de nouveaux questionnements autour de la laïcité. Il met en garde contre le relativisme culturel, pour lui pour accueillir l’altérité il faut s’appuyer sur des bases solides et la laïcité en est une. Il est nécessaire de lui redonner vie.

Jean-Louis Auduc, notamment professeur agrégé d’histoire, évoque les enjeux actuels de la laïcité. Il revient sur les principes de la laïcité, la loi de Séparation, sur les autorisations d’absence pour des fêtes religieuses ne relevant pas du catholicisme, l’institution de l’État-civil. Il rappelle les offensives, entre 1905 et 1914, des évêques contre certains manuels (ajoutons personnellement dès 1882) et pour que soit offerte la possibilité dans les cantines de l’enseignement du secondaire d’avoir certains aliments pour le vendredi, pendant le Carême, à Pâques. Il avance que « l’école refuse toutes les doctrines d’exclusion et a la volonté et l’ambition de faire réussir tous les élèves d’où qu’ils viennent. Elle s’inscrit dans une démarche d’indépendance libre de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique » (page 130).     

Annie Sugier est une scientifique de formation, elle était en 2017 présidente de la Ligue du droit international femmes, une association créée par Simone de Beauvoir. On ne sera donc pas surpris qu’elle traite la laïcité sous l’angle du droit des femmes. Elle fait remonter les origines de la Séparation à la promulgation par Charles VII de la Pragmatique sanction qui donne le pouvoir aux rois de proposer des évêques et limite les effets de l’excommunication. Elle rappelle que la France, par une poussée calviniste, a connu une radicale contestation de la religion dominante. Il y a eu également une contestation de dogmes religieux par des philosophes et des scientifiques.

Selon elle il y a un volet misogyne dans les religions et une fixation sur le corps et la sexualité des femmes dans le but de les contrôler. On retiendra que : « si la liberté de pensée, de conscience et de religion est bien absolue, celle de manifester sa religion ou ses convictions peut faire l’objet de restriction dès lors qu’elles sont prévues par la loi afin de respecter l’ordre public. Or le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est un élément fondamental de l’ordre public » (page146).

Claude Gabriel Ruche était alors directeur du centre de formation professionnel Le Contrat social et vice-président du Comité Laïcité République. Sa contribution a pour titre "Laïcité, diversité, et lutte contre les discriminations. Quels progrès social ?". On notera une erreur historique, ce n’est évidemment pas « Louis XIV en 1715, que l’on enterra de nuit pour éviter les émeutes » mais Louis XV. Les formes d’organisation sociale proposées par des penseurs du XVIIIe siècle, saluée par l’auteur, ne suivent donc pas la fin d’un roi devenu très impopulaire (Louis XV) mais sont ses contemporaines.  Il cite cette phrase que Gambetta (mort le 31 décembre 1882) prononça  dix ans avant sa mort: « L’ambition républicaine n’est pas de s’attaquer à une croyance, mais doit  émanciper l’État et l’école de toute emprise cléricale » (page 157). Il montre que, dans les années qui suivirent, les républicains menèrent par étapes une laïcisation de la société française.

Claude Gabriel Ruche regrette que certains partis de gauche aient abandonné dans une certaine mesure la lutte contre les inégalités économiques pour une promotion de la diversité. Pour lui il s’agit de bâtir plutôt une société non-discriminante. Il écrit : « la diversité n’est pas un moyen d’instaurer l’égalité mais une méthode de gestion des inégalités puisque ce concept laisse entendre que nos problèmes sociaux seraient le résultat des discriminations, du racisme et de l’intolérance plutôt que le résultat de l’exploitation des classes laborieuses par le capitalisme désormais mondial » (page 161). Pour lui la laïcité est un obstacle aux politiques de discrimination positive, portes ouvertes au communautarisme. Claude Gabriel Ruche pense que l’extrême-gauche a une vision propre de la laïcité débouchant sur un repli identitaire alors que l’extrême-droite a une conception de la laïcité porteuse d’une politique d’anti-immigration.

Abdennour Bidar est inspecteur général de philosophie et était alors membre de l’Observatoire de la laïcité. Il tente de définir des grandes lignes portées par les ressources pour l’enseignement de la laïcité à l’école. Il poursuit avec un second article autour des rapports entre la laïcité et les religions en évoquant plus particulièrement l’islam. À ce propos, il rappelle les cinq piliers de l’islam qui sont la profession de foi, les cinq prières quotidiennes, le pèlerinage à La Mecque, l’aumône et la justice. Les autres prescriptions affichées ne sont pas religieuses mais coutumières. Les musulmans réclament une liberté pour pratiquer la foi, or ils l’ont individuellement par contre il est question pour certains d’imposer la charia à d’autres donc de les priver de liberté.

Pour lui, un premier problème, en matière de rapport de l’islam avec la laïcité est l’omnisacralisation sans discernement, le second est la position d’accusé où on peut placer l’islam, le troisième est qu’une crispation identitaire est le fruit d’une précarité et d’une ghettoïsation.  La "Lettre ouverte au monde musulman" qu’il a publiée dans Marianne en octobre 2014 est reproduite.

L’essayiste Ghaleb Bencheik est issu d'une famille de soufis algériens, l’année suivant la parution du livre il sera élu président de la Fondation de l’Islam de France. Il parle notamment de la difficulté qu’on a eu à traduire le mot "laïcité" en arabe. Il est aussi proposé le texte que Ghaleb Bencheik publia au lendemain des attentas de janvier 2015 sur le site Atlantico.

Jean-François Chalot, instituteur à la retraite, militant de l’École émancipée au sein de la FEN puis de la FSU, anciennement formateur  Francas pour les animateurs de centre aéré et colonies de vacances, un temps secrétaire général du Conseil National des Associations Familiales laïques, propose un article intitulé "Reconquérir les quartiers oubliés de la République". Un texte reprend la vision exprimée par divers étudiants de  BUC ressources autour de la laïcité. Guylain Chevrier rédige la conclusion. On peut y lire : « La laïcité est le ciment d’une vision du social qui place l’Homme avant tout dans sa finalité, par-delà les différences, dans la réponse qui peut être donnée à des besoins matériels et moraux, en concourant à sa liberté. L’égalité hommes-femmes y tient une place d’avant-garde » (page 234).   

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Benjamin

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