Avis de Adam Craponne : "Charlemagne inventeur de l’école ? Pas vraiment mais sûrement de l’orthodoxie"
Plaisanterie mis-à-part voilà un livre qui explique de manière très pédagogique les différences d’ordre dogmatique, disciplinaire et hiérarchique entre le catholicisme et l’orthodoxie . Pages 28-29 est offerte une remarquable synthèse :
« Dans le domaine dogmatique l’orthodoxie n’admet pas:
1) l’addition du filioque au symbole de la foi, restant par cela fidèle au
symbole de Nicée-Constantinople. 2) Le dogme de l’Immaculée Conception,
selon lequel la Mère de Dieu serait née affranchie du péché originel.
L’orthodoxie estime que la Mère de Dieu a surmonté le péché par son
exploit personnel. 3) Le dogme de l’Assomption de la Mère de Dieu.
L’orthodoxie confesse la Dormition de la Mère de Dieu et son ascension,
mais s’en remet à la Tradition de l’Église, sans formulation dogmatique.
4) Le dogme de l’infaillibilité du Pape de Rome. Pour l’orthodoxie tous
les évêques sont égaux, et c’est l’Église dans sa conciliarité qui est
infaillible. 5) L’orthodoxie ne connaît pas de purgatoire. 6) La grâce
divine se manifestant dans ses énergies incréées est surabondante, non
créée et distribuée.
Dans le domaine de la discipline:
1) l’orthodoxie n’admet pas le célibat obligatoire des prêtres, et s’en tient
à un critère paulinien: que le prêtre n’ait qu’une seule femme. On ne peut
pas se marier après l’ordination sacerdotale. Les évêques sont choisis
parmi les moines. 2) L’orthodoxie admet le remariage après divorce prononcé
par l’Église sauf pour les prêtres. Il n’y a pas de divorce par consentement
mutuel. 3) L’orthodoxie maintient la notion de jeûne, en particulier eucharistique.
Le baptême se célèbre par immersion, et l’on communie sous les deux espèces, le pain eucharistique est levé ».
On comprend, grâce au premier chapitre que Charlemagne avec le filioque plus les conséquences de réforme grégorienne (qui s’applique durant la fin du XIe et le début du XIIe en Occident et se traduit en particulier par le célibat des prêtres) et diverses innovations romaines ponctuelles (comme le purgatoire ou l’infaillibilité pontificale) ont bien tracé une ligne de partage entre ces deux versions du christianisme. Il y a évidemment une date symbolique de rupture :
« Le 16 juillet 1054, le patriarche Michel Cérulaire se prépare à célébrer la liturgie dans la cathédrale Sainte-Sophie à Constantinople. Des envoyés du Vatican pénètrent dans le sanctuaire et posent sur l’autel une lettre d’anathème contre le patriarche et ceux qui sympathisent avec lui ». (page 11)
Par ailleurs là encore Charlemagne creusa auparavant le fossé entre les deux chrétientés lorsqu’il refusa les conclusions du Deuxième concile de Nicée (le septième depuis les origines et sans se préoccuper divers lieux dans la comptabilité).
« Ce 7e concile tenu à Nicée en 787 élabora les fondements de la théologie de l’icône et de sa vénération. Ce 7e concile, tenu pour la défense des saintes icônes, paraît à première vue avoir une place à part, mais, tout comme les six premiers, il traita en dernier ressort de l’Incarnation et du salut de l’homme. Au centre du conflit : les icônes du Christ, de la mère de Dieu et des saints, vénérées dans les églises et les habitations ». (page 15)
Quel sera la version du christianisme la plus dynamique au XXIe siècle ? Les évangéliques font des conversions, s’appuyant sur le charisme des pasteurs, un rôle social et parfois une promesse de prospérité matérielle à venir pour les fidèles.
L’orthodoxie regagne des fidèles en Orient où elle sert de marqueur identitaire pour certains peuples salves ou caucasiens et fait quelques conversions en Occident. Ces conversions peuvent venir du désir de trouver une liturgie plus riche que celle que propose le catholicisme ou certains mouvements évangélistes, de la place faite aux divorcés (puisqu’un "hiéromoine" peut déclarer nul un mariage).
"Hiéromoine" comme "hésychasme" ou "pannikhide" font partie de la cinquantaine de mots définis dans un lexique de dix pages. Il s’agit là d’un bonus et on ne rencontre quasiment jamais ces mots dans les cinq chapitres du livre.
La réflexion de Guy Fontaine sur les spécificités du christianisme oriental s’articule autour du rôle de l’icône, de la place du chant sacré, du sens de la Prière de Jésus et de la place dans les évangiles et la Bible de la femme et des questions autour des fonctions qu’elle peut assumer dans la vie de l’Église orthodoxe. À ce propos on retiendra qu’à la page 122, on peut lire :
« Tirée de l’homme, la femme ne lui est alors pas inférieure, mais intérieure. C’est ce que signifie le cri d’Adam : "Elle est chais de ma chair, os de mes os". »
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https://www.la-croix.com/Religion/Lorthodoxie-francaise-met-cap-Moscou-2019-09-15-1201047665