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Le monde syriaque: Sur les routes d’un christianisme ignoré

Le monde syriaque: Sur les routes d’un christianisme ignoré
Les Belles Lettres270 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Le Christ a invité à donner son manteau en été en Palestine mais pas en hiver en Cappadoce"

Cet ouvrage est très abondamment illustré et l’iconographie est souvent en couleurs ; il compte plus de 100 illustrations, 11 cartes en couleurs, une chronologie et de nombreux textes des différentes époques cités en encarts. On apprécie également son index des noms de personnes. Il est d’un très bon niveau scientifique et malgré une volonté pédagogique certaine, il n’est pas abordable par un béotien. Aussi on aura intérêt, afin de se familiariser sur le sujet, de lire d’abord Chrétiens d’Orient: 2000 ans d’histoire. Ce dernier titre est le catalogue de l’exposition qui se tient du 26 septembre 2017 au 14 janvier 2018 à l’Institut du monde arabe et se transporte ensuite au Muba Eugène Leroy qui est le musée des Beaux-arts de Tourcoing du 17 février au 5 juin 2018.

Les plus anciennes inscriptions datent du IXe siècle avant Jésus-Christ. L’araméen, langue administrative de l’Empire perse est la lingua franca de l’Indus jusqu’à l’Égypte durant la quasi-totalité de l’Antiquité ; Jésus-Christ, comme Mani (au milieu du IIIe siècle après Jésus-Christ) ont prêché en araméen.  

L’araméen d’Édesse est la langue liturgique des églises orientales ; il a pris le nom de "syriaque". Édesse fut la capitale du royaume d’Osrhoène (ou Osrhoène) né vers 135 avant Jésus-Christ d’une sécession de l’empire des Séleucides, protectorat à diverses époques de l’Arménie, des Parthes ou des Romains, il maintient son existence jusqu’en 216 après Jésus-Christ où la région devient une province romaine et le reste jusqu’en 608. Cet espace est alors conquis par les Sassanides mais ces derniers ne s’y maintiennent que trente ans car les musulmans s’en emparent en 638.

Icône du Xe siècle, représentant le roi Abgar V recevant le Mandylion, censé être le visage du Christ imprimé miraculeusement sur un linge

Le roi Abgar V, qui règne dans les quarante premières années de notre ère, se serait fait chrétien et le suaire de Turin pourrait n’être que le Mandylion (appelée aussi l’Image d’Édesse). Ce serait un savant au service d’Abgar VIII qui inventerait la légende de correspondance entre le roi Abgar V et Jésus. En effet la région d’Edesse a été christianisée très précocement. On pense en fait que le premier roi chrétien d’Osrhoène est Abgar VIII et on trouve à Édesse un bâtiment appelé "église" dès 200 après Jésus-Christ, ce qui se trouve à cette époque nulle part dans l’Empire romain voisin. Rappelons que Constantin ne produit qu’en 313 l’édit de Milan qui met fin aux persécutions contre les chrétiens.

Certains évangiles ont d’abord été écrits en araméen toutefois cette forme originale a été perdue car Rabbula, qui fut de 412 à 435 évêque d'Édesse, imposa la traduction en araméen de la version grecque de l’évangile de Mathieu. Dans la mesure où le christianisme est banni dans l’Empire romain, il n’apparaît pas jusqu’au début du IVe siècle, dans l’Empire parthe puis au début de l’Empire sassanide, comme la religion de l’ennemi, ce qui favorise son développement. Les premières conversions se font dans le milieu des juifs très conséquent. Par ailleurs, suite à des victoires militaires de Shapur Ier, au milieu du IIIe siècle de nombreux artisans chrétiens de Syrie ont été déportés dans des régions de Perse.

Cet ouvrage permet de voir quel fut le développement de l’univers chrétien syriaque sous tous ses aspects : histoire, langue, religion, philosophie, littérature, arts, architecture. On notera que les persécutions des membres de ces églises par les autorités de l’Empire byzantin furent régulières. La tolérance religieuse promise aux syro-orthodoxes dans la région de Mélitène, reconquise par les armées du basileus au milieu du Xe siècle (après près de trois siècles d’occupation par les Arabes), est remise en cause environ cent ans plus tard. « Le patriarche syro-orthodoxe Denys IV dut s’enfuir en territoire arabe pour échapper aux chalcédoniens de Mélitène qui cherchaient à le faire arrêter. Il transféra à Amid le siège du patriarcat et fut protégé par le gouverneur musulman qui refuse de le livrer aux Byzantins » (page 182). Branche du christianisme la plus en contact avec l’islam, il a été bien plus toléré par ce dernier que par l’Église orthodoxe de Constantinople.

Fréquemment, le christianisme syriaque s’est fracturé en diverses chapelles et pas seulement en fonction de l’acceptation ou non des conciles d’Éphèse (en 431) ou de Chalcédoine (en 451) puisque par exemple au XIXe siècle de nouvelles divisions apparurent (parfois reflets de luttes d’influences entre Français, Anglais et Russes). L’étendue géographie du christianisme syriaque court depuis son foyer à Édesse (Urfa, dans la Turquie actuelle) jusqu’en Chine septentrionale, Mongolie et région côtière de Kerala en Inde.

Cet ouvrage invite donc à la découverte de plus de 2000 ans d’histoire et de culture syriaques. Au fil des pages, le lecteur découvre la vie détaillée de nombreux personnages. Parmi ceux-ci, j’ai personnellement relevé  la biographie de Barhebraeus (ou Bar Hebraeus), qui vivait à l’époque où les Mongols envahissent le Proche-Orient. Originaire d’Ebro, petit village près de Métilène, ce chrétien jacobite (syro-orthodoxe, miaphysiste, ne reconnaissant pas le concile de Chalcédoine). Consacré évêque de Goubos puis de Lacabène et enfin archevêque d’Alep, il fut aussi médecin, théologien, philosophe, poète et auteur de courtes histoires ironiques plus ou moins de sagesse. C’est l’esprit de l’une de ces dernières qui nous sert de titre.   

Réservé aux spécialistes Beaucoup d'illustrations

Benjamin

Note globale :

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