Avis de Benjamin : "Calvin père du totalitarisme?"
Dans l’introduction, François Dermange rappelle que si on prête généralement à Calvin d’avoir favorisé le libéralisme économique depuis Weber et le développement de l’instruction et de l’aide sociale, les avis divergent largement dans d’autres domaines. Il y a ceux qui en font le porteur d’un projet libéral du point de vue politique et ceux qui, comme Stefan Zweig, en font « le précurseur de tous les régimes autoritaires, soumettant les consciences à la tyrannie » (page 11). On notera cette opposition entre Erasme et Calvin, rapportée pages 14 et 15 :
« L’un en appelle au compromis raisonnable et à la vie honnête des païens, l’autre à l’honneur de Dieu. L’un exalte la volonté et les affections humaines, l’autre estime que notre vie ne sera bien réglée que lorsque la volonté de Dieu sera maîtresse de toutes nos affections. L’un fait crédit au mérite de l’homme, l’autre ne veut couronner que les dons que Dieu lui fait ».
« La Réforme propose une autre voie, qui remet en cause l’humanisme sur son fondement même : sa foi en l’homme, en ses capacités, en sa vertu et en son mérite. Avant de montrer comment chacun doit conduire sa vie, il faut d’abord comprendre que la source de toute justice est en Dieu ».
Toutefois Calvin va favoriser l’accès aux textes païens de l’Antiquité, dans la mesure où ils sont porteurs de connaissances sur ce monde. Dans divers domaines, il attribue un grand rôle à la providence. Pour notre auteur, Calvin pense que : « Comme créature, le croyant partage avec tous les humains une nouvelle identité de fils ou fille de Dieu. (…) La finalité est toujours la même – la vie –, mais une vie dont le sens s’approfondit par degrés : vivre c’est d’abord vivre comme créature au sein de la création, puis c’est faire l’expérience que la vie n’a de sens qu’en relation avec celui qui se découvre comme Sauveur, c’est enfin goûter ici-bas, par les arrhes de l’Esprit, quelque chose de la vie éternelle » (page 21).
François Dermange étudie le pensée de Calvin à travers sa vision sur la nature, la grâce, l’esprit, l’économie et la politique. Dans ce dernier point, il était impossible de ne pas aborder le procès de Michel Servet qui niait la Trinité. On apprend que c’est le propre secrétaire de Calvin, à savoir Nicolas La Fontaine, qui représente la partie civile à ce procès. Certains lecteurs rapprocheront la mentalité de forteresse assiégée chez Calvin, de celle en cours au moment de la Terreur en France et en Russie après la prise de pouvoir des soviétiques. On portera son attention sur ce passage page 236 : « En voulant mettre le pouvoir politique au service de sa Réforme et en revenant au principe augustinien de la répression de l’hérésie par le glaive, Calvin dénaturait et le religieux et le politique : le religieux en trahissant le cœur du message de justice et d’amour de l’Évangile ; le politique en le soumettant au religieux » (page 236).
Dans la conclusion, l’auteur resitue l’apport de Calvin vis-à-vis des fidèles de son époque : « À côté de cette figure d’un Calvin violent, qu’on ne peut que dénoncer comme tous ceux qui, au nom de leur foi, ont ensanglanté l’Europe, on doit aussi se souvenir que Calvin, comme tout prophète, plaidait la cause des hommes devant Dieu, intercédait pour eux et leur témoignait sa miséricorde. Cette image n’est pas celle que nous renvoient les clichés, mais pour ses contemporains cela ne faisait pas de doutes, Calvin était leur vrai père et consolateur auprès de Dieu » (page 243).
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