Avis de Benjamin : "Les guerres identitaires se font toujours sur le corps des femmes (Wassyla Tamzali)"
Cet ouvrage, fruit d’une adaptation d’un livre édité pour la première fois en 2019 (ajout d’une quinzaine de pages), est sous-titré Entrisme islamiste et multiculturalisme. Le titre a été modifié d’ailleurs pour tenir compte de l’actualité puisque l’on est passé de Combattre le voilement à Abaya, hijab, burqua: combattre le voilement.
De parents algériens Fatiha Agag-Boudjahlat est née le 29 décembre 1979 à Montbéliard ; rappelons que l’axe Montbéliard-Sochaux-Belfort-Mulhouse fut un foyer d’intense migration maghrébine. Elle est enseignante d’histoire-géographie et essayiste française. Elle est cofondatrice avec Céline Pina du mouvement "Viv(r)e la République" créée le 22 septembre 2016, une association qui semble être en sommeil et dont elle démissionna en 2018.
Virulente militante de la laïcité, elle dénonce toute concession à des revendications mettant en avant des motifs de fidélité à certaines prétendues exigences de l’islam. Ces dernières sont pour elles des instruments d’oppression des femmes. Elle souhaite que les jeunes issus de l’émigration s’intègrent à la société française et ne prennent pas des positions identitaires qui servent d’argument à l’extrême-droite pour les rejeter. Au titre des exigences éducatives disproportionnées (pénalement répréhensibles), elle proposait l’interdiction du voile et du jeune du ramadan pour les jeunes.
Dans l’introduction, elle se dit musulmane mais précise que pour elle il n’y a pas de féminisme islamique. Elle désire combattre le voilement au nom de l’égalité en droits et dignité des femmes et des filles. Elle ne désavouerait pas Jean-Claude Kaufmann qui a écrit dans Burkini, autopsie d’un fait divers : « Quelque soit le stade d’installation d’une norme (premier geste d’audace ou simple imitation ultérieure), la personne qui passe à l’acte la renforce; la moindre initiative individuelle a des effets collectifs puissants. Les normes collectives ne résultent de rien d’autre que de choix individuels. "C’est mon choix" dit la femme voilée et elle le pense vraiment. Mais ce choix aura des conséquences considérables pour les autres femmes » (page 160).
En effet elle rapporte qu’une de ses élèves musulmanes lui avait confié qu’elle n’achèterait pas les mêmes vêtements avec une vendeuse voilée et une commerçante qui ne l’est pas. De peur d’être jugée mauvaise pratiquante, elle ferait le choix de la plus grande sobriété (page 24). D’ailleurs en 1998 la Cour constitutionnelle de Turquie avançait que « dans un contexte de force présence musulmane, la multiplication du voilement conduisait à créer une hiérarchie entre les bons et les mauvais musulmans » (page 85).
Elle reprend pour le critiquer un des arguments des salafistes qui avancent que les femmes voilées refuseraient ainsi l’hypersexualisation d’une société qui banalise la sexualité. En fait pour elle le patriarcat islamiste exige des femmes pudiques, modestes et arrivant vierges au mariage (page 31). « Ces valeurs religieuses, pudeur, pureté, humilité, discrétion, retenue, sont le produit d’un ordre moral instauré par les homes, elles sont un code social standardisé faisant de la femme et de son corps une vulnérabilité » (page 54).
Elle rappelle qu’Edward Barnays avait engagé des comédiennes pour participer à une marche de féministes américaines en 1929. Elles terminèrent la manifestation en prenant des cigarettes qu’elles baptisèrent "torches de la liberté", levant ainsi le tabou de voir fumer une femme. Aujourd’hui, selon notre auteure certains messages, comme l’affiche de l’artiste Shepard Fairey de janvier 2017 appelant à une Marche des femmes contre des propos du président Trump, imposent l’idée qu’une femme orientale est une femme musulmane et qu’une authentique musulmane est voilée.
Après une première partie couvrant un tiers du livre et intitulée "Ici, ailleurs, avant, maintenant, demain : le voilement est patriarcal", Fatiha Agag-Boudjahlat s’appuie sur des exemples précis pour prolonger sa réflexion. Les chapitres suivants se nomment respectivement : "L’étudiante syndicaliste", "La chanteuse de télécrochet", "La maman des sorties scolaires", "La petite fille voilée", "La sportive voilée", "Le voilement qui n’en était pas".
Dans le domaine religieux, l'orthopraxie désigne une pratique, une conduite qui est en conformité avec les rites prescrits par la religion. Dans des pages au titre "L’orthopraxie n’est pas une identité, elle est un choix qui assume", notre auteure écrit qu’ »on ne peut hurler à l’injustice ou à la discrimination quand le degré d’orthodoxie pour lequel on a opté réduit le champ des opportunités. On voit ainsi mal un chantier embaucher un homme sikh qui n’a pas la possibilité de porter un casque ou un juif orthodoxe (voire un témoin de Jéhovah) se faire embaucher dans un commerce qui reçoit le plus de clientèle un samedi. La question des mères voilées accompagnatrices de sorties scolaires, traitée dans ce même chapitre, est résolue positivement depuis plusieurs années bien que les sénateurs de droite en 2021 aient voulu interdire les sorties scolaires aux mères voilées accompagnatrices.
Fatiha Agag-Boudjahlat pointe que « le soft power islamique use de la figure des jeunes filles et de leur droit à disposer de leur corps pour soutenir son obsession de voilement des femmes, qui devient l’étendard même de leur puissance d’agir. Ces jeunes filles veulent faire du sport et faire des compétitions, c’est bien la preuve d’une émancipation fort peu compatible avec la soumission qu’on leur prête. Une liberté qui s’exerce seulement aux conditions fixées par le patriarcat religieux n’est pas une liberté » (page 190).
Autour de l’abaya elle pose ceci : « l’abaya permet aux filles de montrer patte blanche, et en retour elles se voient octroyer sécurité et valeur. Elle permet de se distinguer. Elle permet de cylindrer les consciences. Le ministre Attal a eu le courage de l’interdire « (page 201). Ajoutons que le conseil d’État a considéré que ce vêtement constituait une manifestation ostensible d’appartenance religieuse. Nous nous souvenons qu’Aristide Briand déclarait en 1905 que «l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs aurait tôt fait de créer un vêtement nouveau, qui ne serait plus une soutane », aussi un nouveau marqueur identitaire vestimentaire pourrait bien faire surface dans quelques années.
Certains lecteurs, approuvant l’ensemble ou une grande partie du message ici délivré, pourront regretter que Fatiha Agag-Boudjahlat ait pu avoir des déclarations intempestives faisant la joie de certains médias qu’ils n’apprécient pas du tout comme : « J’ai un conseil et cela me tord le bide de le dire : parents, vous avez raison de mettre vos enfants dans le privé dans lequel ces syndicats gauchistes ne font pas passer leurs intérêts avant ceux de vos enfants ». (https://www.fdesouche.com/2022/12/01/prise-pour-cible-par-les-syndicats-sud-et-cgt-ainsi-que-par-la-mouvance-dite-antifasciste-fatiha-boudjahlat-enseignante-est-amenee-a-demander-la-protection-fonctionnelle/, https://lalettrepatriote.com/prise-pour-cible-par-sud-et-cgt-fatiha-agag-boudjahlat-enseignante-ne-pourra-faire-sa-rentree-scolaire-en-septembre/ ou https://www.valeursactuelles.com/societe/sous-la-pression-de-collegues-et-syndicats-de-gauche-lenseignante-fatiha-agag-boudjahlat-ne-fera-pas-sa-rentree).
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