Avis de Benjamin : "Laurent Bouvet échappa au moins à la cérémonie d’Hanouka à l’Élysée"
Laurent Bouvet, né le 9 juillet 1968, décède le 18 décembre 2021 de la maladie de Charcot . Il a été l’époux d’Astrid Panosyan-Bouvet, député macroniste de Paris de 2022 à octobre 2024 et ministre du Travail de l’emploi depuis cette date. Aurélien Bellanger, en l’appelant Grémond, lui accorde une place de choix dans son roman Les derniers jours du Parti socialiste. Étudiant à Sciences Politiques, il est un actif militant de l’Unef et rentre au Parti socialste où il prend des couleurs fabusiennes. Il enseigne dans les universités de Nice et Saint-Quentin-les- Yvelines.
Quelques jours avant sa mort, il s’était vu décerner le prix spécial du jury du Comité Laïcité République, vraisemblablement en tant que fondateur du Printemps républicain aux côtés notamment de Denis Maillard, Amine El Khatmi et Gilles Clavreul. Notons qu’Amine El-Khatmi raconte en 2024, dans son ouvrage Cynisme, dérives et trahisons: Comment Macron et Mélenchon sont devenus les marchepieds du RN!, « comment Emmanuel Macron s’est servi des militants de l’universalisme et de la laïcité pour mener sa campagne avant de les écarter brusquement ». Le Printemps républicain est présidé depuis 2023 par Marika Bret, ancienne DRH de Charlie Hebdo, d’ailleurs investie comme macroniste dans la 5ᵉ circonscription de Meurthe-et-Moselle en 2022.
Dans son discours de remerciement, il écrivait: « Au nom d’un libéralisme détourné de sa vocation première et devenu une idéologie de l’affirmation subjective et inconditionnelle de soi, les premières manifestations del’islam identitaires ont été accueillis comme une forme originale d’aspiration à la liberté, de la part des minorités opprimées, voire comme un spasme préalble à l’intégration (…). Comme pour le patriotisme un siècle plus tôt, la droite et l’extrême-droite ont alors lancé une OPA inamicale sur la laïcité, en la dévoyant encore » (page 16).
Laurent Bouvet pensait que notre époque était celle de l’âge identitaire, une idéologie venue des États-Unis où elle se développe dès le milieu des années 1970. On est là face une déviation idéologique du libéralisme où s’impose une affirmation des droits individuels et collectifs. Ces derniers renvoient à des caractéristiques de genre, de race, d’origine ou de religion et non plus à une appartenance de classe sociale. Le thème de la défense de la laïcité a entraîné un reclassement politique. De tradition, dans sa conception d’origine la laïcité était défendue par la gauche sur l’échiquier politique. Après que la France fut traumatisée par les attentats, autour de la laïcité le clivage entre la gauche et la droite a disparu pour passer à l’intérieur de la gauche et on a vu la droite ainsi que l’extrême-droite s’emparer de la laïcité en y mettant de nouvelles références, celles des racines chrétiennes notamment.
Laurent Bouvet entendait lier la défense de la laïcité à l’universalisme républicain. En 2019, dans son dernier grand livre La nouvelle question laïque, Laurent Bouvet s’oppose à l’idée d’une laïcité dite positive qui est en fait « une manière détournée de dire que l’on veut permettre ou même garantir la présence active des religions dans l’espace public ». Il s’agit de lutter contre deux tenailles identitaires, celle des décolonialistes ou indigénistes d’une part et celle de l’extrême-droite se référant souvent aux racines chrétiennes de la France pour combattre sa perspective de l’existence d’un "Grand remplacement". Sa conception de la laïcité s’appuie sur les idées du projet antireligieux d’Émile Combes. Pour lui la laïcité est un principe philosophique et politique et pas seulement une question purement juridique.
Cet essai, agrémenté de quelques dessins d’humour de Xavier Gorce, regroupe de nombreux textes regroupés en diverses parties, à savoir: La gauche, le peuple, la politique, Laïcité et république, Un âge identitaire, Ouverture. Cette dernière division n’est composée que d’un texte qui n’est autre qu’une fable qui, sous la plume de Raphaël Enthoven, raconte des relations entre ce dernier et Laurent Bouvet.
De nombreuses contributions se succèdent: La gauche, le peuple, la politique La politique, passion française (Stéphane Rozès), La troisième voie, une tentative britannique de réconcilier la social-démocratie avec le libéralisme (Brice Couturier), À la recherche du peuple perdu (Emmanuel Maurel), Printemps républicain: mettre la République à gauche pour remettre la gauche dans la République (Amine El Khatmi), Qu’est-ce qu’un maître ? Laurent Bouvet ou le sens de la transmission (Lucas Demurger, Adrien Dubrasquet, Simon Olivennes), Laurent Bouvet ou le sens de la République (Bernard Cazeneuve), Libéralisme et républicanisme en France et aux États-Unis (Philippe Raynaud), Un héritier de la gauche universaliste (Dominique Schnapper), Laurent Bouvet, un homme généreux qui pensait juste (Henri Peña-Ruiz), Le renversement du communautarisme Philippe de Lara, Pourquoi un âge identitaire ? (Marcel Gauchet), Le décolonialisme: origines intellectuelles et avatars politiques (Pierre-André Taguieff), La déconstruction à (et de) l’université (Pierre-Henri Tavoillot), Islamophobie ou la falsification des mots (Pascal Bruckner), Le péril identitaire (Laurent Bouvet).
Pour connaisseurs Peu d'illustrations