Avis de Ernest : "Le Sanglier des Ardennes raconte Vatican II"
L’ouvrage est sous-titré Textes et conversations durant le concile Vatican II d’après le journal d’Yves Congar. Ce dernier est né à Sedan en 1904, il passe le temps de la Première Guerre mondiale dans cette ville. Ces cinq cahiers d’écrits et de dessins, donnant un aperçu original de la vie dans les territoires occupés, ont été édité, par les éditions du Cerf en 1997, sous le titre de Journal de la Guerre (1914-1918).
Yves Congar entre au petit séminaire de Reims puis poursuit au début des années 1920 ses études théologiques à Paris. Il est, de 1926 à 1939, dans un couvent dominicain en Belgique à Kain-la-Tombe (une commune intégrée depuis à Tournai). Prisonnier de guerre, il est dans un camp pour officier à Mayence jusqu'au début de 1945.
Il n’est vraiment pas en odeur de sainteté sous le pontificat de Pie XII et il est privé du droit d’enseigner la théologie. Comme le rappelle David Douyère, il est en particulier pour une ecclésiologie de communion, la collégialité épiscopale, l’œcuménisme et contre une prééminence excessive du Pape (page 36).
Avec l’arrivée de Jean XXIII, il entre en grâces et est nommé consulteur de la commission théologique préparatoire du Concile de Vatican II. Un an avant sa mort, il est fait cardinal par Jean-Paul II ; ceci à l’âge de 90 ans, ce qui le privait du droit de vote en cas d’élection d’un nouveau pape.
Avec K. Rahner, U. von Balthasar, J. Daniélou, H. de Lubac et M.-D. Chenu, Yves Congar va définir une Nouvelle théologie européenne. L’Église catholique fait avec Vatican II un effort considérable pour s’adapter au mode contemporain et on sait que certains refuseront, de façon de plus en plus forte, nombre des évolutions portées par le Concile de Vatican II.
En 2000 étaient parus au Cerf les écrits qu’Yves Congar durant le Concile de Vatican II mais aussi lors de sa préparation voire dans ses suites immédiates, sous le titre de Journal d'un théologien (1946-1956). Si ce concile se déroule d’octobre 1962 à décembre 1965, les écrits d’Yves Congar courent de 1960 à 1966.
David Douyère, dans Communiquer la doctrine catholique, situe les écrits d’Yves Congar dans une large perspective. La première partie s’attarde à donner une vision globale du Journal du concile tenu par Yves Congar, la seconde s’intéresse « aux échanges et réseaux au concile parqués par la rumeur, l’intrigue et le récit rapporté », la troisième étudie la dimension des échanges oraux (sans oublier de pointer la réception qui en est faite), la quatrième se penche sur les choix faits en matière d’écrits pour faire passer des messages précis, la cinquième interroge sur le choix des mots (avec en particulier le désir de gommer les traces d’antijudaïsme alors que les conséquences de l’antisémitisme hitlérien sont dans les consciences de nombre des participants).
C’est une très belle analyse de la dimension communicationnelle qui porta le Concile de Vatican II et cela à partir d’un écrit d’un homme qui influença très largement les conclusions du dit concile. Yves Congar avait gagné le surnom de "Sanglier des Ardennes" du fait de son franc-parler que certaines autorités catholiques (certains ajouterons qu’elles sont à qualifier de "peu charitables"), lui firent cruellement payé.
L’ouvrage le plus pertinent à lire en complément à celui que nous avons évoqué est le Guide de lecture des textes du concile Vatican II - Les documents du dialogue, paru chez Artège en 2013. Dans la mesure où les actions du pape François peuvent se résumer dans "Tout Vatican II", ces deux titres sont bien sujets d'actualité.
Pour connaisseurs Aucune illustration
https://liegecitations.wordpress.com/2008/06/17/guillaume-la-marck-sanglier-des_ardennes-chef-de-nation-liege/