Avis de Benjamin : "Tout chancelle, tout se penche"
Notre titre est tiré d’une phrase de Lamennais. Ce dernier a développé des idées qui furent capitales dans la relation que l’Église entendait avoir avec les idées de liberté et en conséquence par rapport à son acceptation du régime républicain. La doctrine sociale de l’Église, portée par l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, lui doit beaucoup, sans jamais s’en revendiquer.
L’acceptation spontanée, mais de courte durée, par l’Église de la Révolution de 1848 doit beaucoup à Lamennais (bien qu’il fut alors en marge de l’Église) et à l’archevêque de Lyon Louis-Jacques-Maurice de Bonald. Lamennais vit une époque où l’Église a été largement domestiquée par l’État depuis que le Pape a accepté de signer le Concordat que lui soumettait Napoléon Bonaparte. D’ailleurs pour le bien de l’Église, Lamennais va être un des premiers catholiques français à proposer la séparation de l’Église et de l’État. On apprécie grandement que l’auteur ait consacré son premier chapitre à la description du catholicisme français entre 1800 et 1850. Durant cette époque, avec le clergé est assez jeune, et le nombre de prêtres avoisine toujours 35 000 sous la Restauration et la Monarchie de juillet pour une population d’environ 30 500 000 en 1816 et de près de 36 500 000 en 1851.
En dix-neuf chapitres on parcourt la vie de Lamennais né en 1782 à Saint-Malo et mort en 1854 à Paris. Dès 1808 paraît l’ouvrage Les Réflexions sur l'état de l'Église, sous la plume des deux frères Lamennais ; interdit sous l’Empire, il est republié en 1814. Un des objectifs de son contenu est de proposer une rénovation de l'Église. Il s’agit de rompre l’isolement des prêtres ruraux par divers procédés, de fournir aux séminaristes un bagage culturel conséquent et d’encourager le regroupement des catholiques dans des associations dynamiques.
« Toutefois (…) quelles que soient la science et la vertu du prêtre, il n’agira fortement sur les âmes qu’à la condition de sortir de son église et d’aller au-devant du peuple. Ce peuple, il faut l’instruire par la prédication et l’enseignement du catéchisme, l’attirer par l’éclat du culte extérieur, afin de promouvoir ce qu’il appelle "cette religion des sens sans laquelle la religion de cœur n’existe pas". » (page 30)
Il va donner bien d’autres ouvrages, dont l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, paru en 1821, où il avance que le protestantisme est un marchepied vers l’athéisme car il exclut le principe d’autorité (page 44). Il s’attire d’abord l’hostilité des gallicans (assez nombreux à l’époque) puis celle du pape alors que certaines de ses thèses vont dans le sens de l’ultramontisme et que le pape Léon XII entendait faire de lui un cardinal. Toute fois son livre Paroles d'un croyant est condamné par le pape Grégoire XVI.
Opposant au régime de Louis-Philippe, il est élu député de la Seine en 1848 et le reste jusqu’au 2 décembre 1851, date du coup d’état du futur Napoléon III. Il est notable que sa mort en 1854, en totale rupture avec le catholicisme, se fit sous la haute surveillance des gendarmes ; le gouvernement impérial craignait qu’elle ne donna prétexte, comme bien des enterrements d’hommes publics sous la Monarchie de juillet à une manifestation d’opposition au nouveau régime. On notera deux pages où Aimé Richardt interroge la pensée très originale développée dans le livre de Lamennais Livre du Peuple pour retrouver dans les idées développées les prémices de certaines thèses que Karl Marx a avancées.
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