Avis de Benjamin : "Aline, Sophie, Paule et les autres"
Le livre ouvre fort heureusement sur une double page présentant les voyages accomplis pat nos missionnaires. Dans le prologue, les auteures avancent que si nombre d’hommes missionnaires sont entrés dans le Panthéon catholique, très peu de chrétiens pourraient citer par contre une femme. René Rémond avait déjà fait remarquer que parmi les femmes missionnaires catholiques, une bonne moitié étaient françaises. Agnès Brot et Guillemette de la Borie avouent que leur choix de s’arrêter sur certaines femmes plutôt que sur d’autres relève non seulement de l’ampleur de la tâche qu’elles ont réalisée mais aussi des sources disponibles sur elles.
Un chapitre tâche de donner certaines caractéristiques des mouvements missionnaires au XIXe. Nul doute que les actions individuelles sur place (missionnaires et évêques) avec une impulsion forte due à Grégoire XVI jouèrent un rôle, toutefois nous préciserons que ce mouvement va de pair avec l’avancée coloniale. Des pistes sur le rôle de ces missions restent donc à découvrir dans d’autres ouvrages.
On envoie dans l’ordre le missionnaire, le commerçant, le soldat et l’administrateur, le premier prépare et consolide le soutien des populations locales au régime colonial dans les premières décennies. Le martyr ou la maltraitance de certains religieux est prétexte à des interventions coloniales ; l’empereur d’Annam Tự Đức engageant une répression contre les chrétiens à partir de 1848, la France entre en guerre et se fait céder en 1862 le territoire qui prend nom de Cochinchine. En Chine sous prétexte de protéger les missions catholiques la France intervient pour agrandir son influence ; c’est le cas dans la ville chinoise de Tianjin durant la Première Guerre mondiale, elle annexe au mépris du Droit le quartier de la cathédrale.
Aujourd’hui par ailleurs certains Africains écrivent de façon caricaturale que :
« Lorsque les missionnaires sont arrivés en Afrique, ils avaient la Bible, et les indigènes, la terre. Les missionnaires ont demandé aux indigènes de tenir la Bible dans leurs mains et de fermer les yeux. Lorsque les indigènes ont rouverts leurs yeux, ils ont réalisés qu’ils avaient la Bible, et les missionnaires, la terre ».
Au XIXe siècle, deux cent mille jeunes Françaises sont devenues religieuses, soit une sur cent d’une classe d’âge ; certaines s’expatrièrent pour répandre leur foi. On apprécie le choix de personnages ayant agi tout au long du XIXe siècle (en fait jusqu’à y compris la Belle Époque parfois) et sur des terrains variés. Par ailleurs un dernier paragraphe fait le point sur la persistance de l’œuvre (et sous quelle forme au XXIe siècle). Ainsi démarre-t-on avec Lucie Mathevon qui agit auprès des Indiens à partir des années 1820 dans les grandes plaines à l’ouest du Mississipi . Dès 1848 Paule Lapique est au Sénégal, elle y conduit des missions d’enseignement et d’infirmerie.
Autour de 1850 Marie-Françoise Perroton et Jeanne-Marie Autin sont en Océanie et en particulier dans les îles voisines de Wallis et Futuma ainsi qu’à Samoa. Une dizaine d’années plus tard la Nouvelle-Zélande devient la terre d’évangélisation de Suzanne Ubert. Dans les années 1870 Jeanne-Marie Rumède est en Terre sainte et à Chypre.
Sophie de Villèle (nièce d’un chef de gouvernement sous la Restauration) est native de l’île de la Réunion; elle se rend en Inde autour de 1875 puis dans les années 1890 dans le nord-ouest de la Chine (au Shaanxi, capitale Xi’an et au Shanxi, capitale Taiyuan) comme il est difficile de le comprendre) à la tête des Franciscaines missionnaires de Marie. Rappelons-nous que lors de la Révolte des boxers, sept religieuses de cette congrégation responsable d’un orphelinat furent massacrées à Taiyuan le 9 juillet 1900 ; elles ont été béatifiées puis canonisées ultérieurement.
Aline Brel, qui rejoint le Brésil en 1906 (suite aux lois laïques), est native du Quercy. Son action outre-Atlantique se poursuivra jusque dans les années 1930.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations