Avis de Georgia : "L'homme invente la Guerre et l'épée"
Un jour, les hommes inventèrent la guerre nous déclare en introduction, Anne Lehoërff, membre de l'Institut universitaire de France. Les âges successifs des métaux ( cuivre, bronze et fer), à la fin du troisième millénaire, ont su mêler la métallurgie des alliages cuivreux et le savoir-faire artisanal. Des lieux sont créés pour façonner, marteler et refroidir les objets métalliques, armes ou mobiliers. Anne Lehorff s'attache à décrire le travail des artisans lors des différents âges des métaux, par des exemples précis, par une réflexion sur le travail du protohistorien dont elle fait partie. Elle nous plonge dans le monde de l'archéologie moderne qui voit le jour au XIX siècle, seule matière scientifique qui tente de répondre au mode de vie inconnu des peuples anciens qui n'ont laissé aucune trace écrite.
Il aura fallu passer les siècles, traverser les périodes du Paléolithique, Mésolithique et Néolithique, après des milliers d'années de tâtonnements dans une forge et d'évolution des races pour que la guerre finisse par jouer un rôle dans la politique des peuples. Même la paix est conditionnée par le perfectionnement des armes.Inspirer la peur à ses ennemis reste un moyen sûr de garantir la tranquillité des peuples. En ce sens, la période néolithique apparaît comme une période de non-guerre mais il est tout à fait possible que le manque d'ossements retrouvés dans les fosses et les sépultures expliquent ce phénomène.
Le Paléolithique montre plus d'agressivité grâce aux restes retrouvés en plus grand nombre et à la présence de lieux cultuels près des champs de bataille. La guerre se faisant plus prégnante, moins personnelle, il fallut bien donner aux combattants un statut social important puisqu'ils se battaient au nom d'un groupe. On leur rendit hommage en mettant en scène leur mort dans les tombes, en dessinant leur combat sur des stèles ou dans des grottes, comme celle de Chauvet, découverte en 1994, accompagnés d'animaux ou de bestiaires surnaturels.
Il est question dans ce livre de distinguer les sociétés primitives dites orales , sans mémoire, abandonnant quelques traces et peu d'ossements humains, des civilisations nous ayant confié des écrits et une Histoire. .La guerre a été présente dès les premiers récits, l'Antiquité s'est emparée des premiers conflits pour questionner, constater, dénoncer et proposer une nouvelle forme de groupe social. Anne Lehoërff s'interroge sur le sens que l'on donne aujourd'hui à l'histoire de ces peuples primitifs quand les preuves de leur existence manquent cruellement et que nous ne pouvons faire autrement qu'interpréter par le biais d'autres civilisations plus récentes, ayant laissé des écrits, des explications, des justifications.
La vice-présidente du Conseil National de la Recherche Archéologique Anne Lehoërff dresse la liste des armes qui ont existé et cohabité tout au long des différents âges de métaux. Il faut attendre 1600 à 1700 ans avant notre ère pour que naisse l'épée, incarnation de la guerre dans son état brutal. Si les armes sont créées pour faire mal et tuer, les soldats ont besoin de protections. Boucliers, armures, jambières, cottes de maille plus tardives, casques complètent la panoplie du parfait combattant.
L'alliage choisi est primordial. La dureté du métal doit prévenir la violence des coups reçus mais au fil du temps, les artisans prennent en compte la mobilité du guerrier, la pratique du cheval et l'usage des chars de combat. L'artisanat s'adapte aux nouvelles formes de combat. "La guerre s'institutionnalise" nous confie l'auteur. Elle prend place au coeur de la politique des états et ses héros endossent une dimension sociale, voire politique. Les armes dont ils disposent, les vêtements somptueux qui les honorent, même leurs protections faites de cuir puis de métal sont le prolongement de leurs personnes belliqueuses .
Enfin, les armes, les guerres, les conflits en disent beaucoup sur les nations, la relation avec autrui; la volonté de se répandre dans le monde, de se contenter de ce que l'on a ou de conquérir ce que l'autre possède. Parler de la guerre, l'expliquer, analyser la consistance des armes revient à envisager le but de l'humanité à travers les âges qu'ils soient faits de fer, de bronze ou de cuivre.Lire ce livre est nécessaire. Bien écrit et construit, il passionne.
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