Histoire de la préhistoire en Charentes

André Debénath livre là l'"Histoire de la préhistoire en Charentes", cet ensemble de deux départements est très riche en vestige paléolithique et mésolithique. On lui doit notamment Néandertaliens et Cro-Magnons paru en 2006, toujours aux éditions Le Croît vif. Au passage les béotiens apprendront, qu’à l’encontre de toute logique historienne, les préhistoriens appellent paléolithique inférieur (à comparer avec Haut Moyen-Âge) les temps les plus reculés et paléolithique supérieur la période la plus proche de nous (à comparer avec Bas Moyen-Âge). Au milieu se trouve le paléolithique moyen, donné ici à la page 61 (mais pas toujours ailleurs) comme allant de 100 000 à 35 000 avant Jésus-Christ. D’ailleurs les traces du plus ancien Néandertalien (moment correspondant au paléolithique moyen) connues à ce jour ont en effet été découvertes à la grotte de La Chaise, qui surplombe la vallée de Tardoire (non loin du point de rencontre entre les limites de la Charente, de la Dordogne et de la Haute-Vienne). Une vallée qui abrite de nombreux maints autres gisements préhistoriques comme La Côte-d'Agris, Le Placard, Montgaudier, Fontéchevade... André Debénath, professeur émérite de préhistoire à l'université de Perpignan, est aussi un homme de terrain et en Charente, il a fouillé entre autres les célèbres gisements de La Chaise-à-Vouthon et de La Quina à Gardes, puis a repris en 1994 l'étude de la grotte de Fontéchevade. L’ouvrage n’est pas conçu comme une étude des sites. Son objectif est d’abord dans une première partie quels sont les acteurs au niveau national qui font naître l’idée de Préhistoire au XIXe siècle et quel contenu ils mettent dans ce concept. Toujours dans cette partie on a une description du relief de la région et une précision sur chacune des périodes et sous-périodes qui vont du paléolithique inférieur (ou ancien) à l’âge du fer (pour cette période de -800 à 58 avant Jésus-Christ où démarre la Guerre des Gaules). Alors que cette partie ne couvre qu’une trentaine de pages, elle est suivie par un gros développement de près de trois cent pages où vont être passés au crible les sociétés savantes et les individus qui se font préhistorien en Charentes du XIXe au XXIe siècle. Abbés, instituteurs (parfois devenus inspecteur de l’enseignement primaire comme Alexis Favraud, né à Ruffec en 1843) et médecins sont à signaler comme pionniers. Les sites sont passés ensuite en revue avec l’idée de mettre en valeur l’évolution des manières de fouiller et les évolutions dans l’interprétation du lieu. Un chapitre particulier évoque ce qui être trouvé concernant la faune dans les espaces les plus riches. Ainsi une défense d’éléphant antique est trouvée à Saint-Amand-de-Graves, un squelette d’antilope saïga a pu être reconstitué à partir de découvertes à la grotte du Quéroy. Le dernier point s’interroge sur l’avenir des recherches préhistoriques dans l’espace étudié. D’après l’auteur, il reste encore beaucoup d’endroits à explorer ou réexplorer, par contre il faut s’interroger de manière urgente sue les conditions de conservation. Les sculptures de La Chaire-à-Calvin, un peu au sud d’Angoulême, se sont considérablement dégradées par exemple. André Debénath conclut ainsi : « Le bassin de la Charente reste une région favorisée dans le domaine de la Préhistoire paléolithique et récente et nous pouvons espérer et croire en un renouveau de la recherche ». (page 352) On apprécie beaucoup les nombreuses photographies, les croquis et les index de lieux et personnes. Les annexes ne manquent pas d‘intérêt, en particulier un courrier d’Émile Combes de 1890, cinq avant qu’il ne soit ministre de l’Instruction publique, et douze avant qu'il ne soit président du conseil mais déjà depuis dix-huit ans préhistorien amateur.