Avis de Grégoire : "Berry libre !"
Ce livre est une réédition de l'étude d'Alfred Laisnel de La Salle (1801-1871) sur sa région d'origine qui le passionne. En opposition avec son siècle centralisateur et unificateur, l'ami de George Sand fait preuve d'un grand respect pour les croyances locales, qu'il considère comme "mythologie nationale". Pour chacune d'entre elles, il fait des comparaisons avec d'autres régions ou avec des peuples extra-européens, signe d'une ouverture d'esprit et d'une curiosité savante.
Les croyances et légendes berrichonnes sont empreintes de religion populaire, c'est-à-dire de rites et coutumes religieuses d'avantage basées sur des traditions ancestrales que sur les écrits bibliques. On retrouve en particulier un certain nombre de traditions gauloises (notamment la vénération du gui), transformées par les générations successives et reprises par le christianisme (les rameaux). Ces coutumes, qui forment une véritable culture régionale, sont le plus souvent attachées à des lieux précis. L'auteur cite un nombre abondant de villages dans lesquels on imagine qu'il a pu recueillir différents témoignages.
On sera d'abord frappé par le nombre de fêtes, et par l'importance de la vie communautaire. En plus des grandes étapes de l'année liturgique (Noël qui se dit Nau, carême, Brandon), les rythmes des récoltes marquent l'année. Sans surprise, les animaux de la campagne sont les principaux acteurs de beaucoup d'histoires : animaux des champs bien sûr ("le boeuf villé", "le serpent aux diamants", "l'oiseau de la mort"), mais aussi cocadrille et salamandre. Ils sont le plus souvent doués de la capacité de parole.
On notera aussi le nombre de traditions faisant intervenir le diable (appelé Georgeon, parfois remplacé par un sorcier), ainsi qu'une multitude de saints (Solange, Martin). Des histoires légendaires, comparables dans leur structure à des contes, sont retranscrites en intégralité pour le plus grand plaisir du lecteur (le diable meunier, Jean le chanceux).
En fin d'ouvrage, un chapitre sur la médecine est très intéressant, et séduira les amateurs de médecine parallèle aujourd'hui à la mode.
Cet ouvrage, qui pourrait paraître de prime abord réservé à des spécialistes ou à des passionnés du Berry, se lit au contraire très facilement. Il séduira tous les amateurs de vie quotidienne, moeurs et culture locales. On retrouve aujourd'hui une forte attente d'identités régionales. Dans ce contexte, et par son style littéraire, ce livre aurait pu être écrit de nos jours. On aurait aimé, en revanche, quelques illustrations.
Pour tous publics Aucune illustration Plan autre