Avis de Octave : "Guerrier plein de paix et confident de ce Père (Paul Claudel)"
Cet ouvrage est dû à Sophie Hasquenoph une enseignante à l’université, mais elle a reçu pour cela la collaboration de Serge Barcellini qui fut de 1981 à 2015 le président général du Souvenir français. Ce dernier signe la préface et il y relève fort à propos qu’un même évènement peut être commémoré de façon très différente ; le 8 mai 1945 ne voit pas évoqué du tout les mêmes héros à Saint-Denis qu’à Neuilly-sur-Seine et la fin de la Guerre d’Algérie est objet de cérémonie, selon les lieux du territoire, le 19 mars ou le 5 décembre. Les origines du Souvenir français et le développement ultérieur d’associations patriotiques sont d’ailleurs développés des pages 196 à 217. On relève que la Fédération nationale André Maginot est annoncée, à la page 204, comme créée en 1888 (André Maginot avait alors 11 ans); il aurait été fort utile de préciser que ce fut sous le nom de l’Union Fraternelle des militaires blessés réformés, en effet ce n’est qu’en 1961 qu’elle prend son nom actuel. La quasi-totalité d’un texte de Serge Barcellini, daté de 2016, sur les objectifs actuels du Souvenir français est proposé aux pages 229 à 231.
L’introduction note que « de plus en plus de communautés religieuses, ethniques et sociales revendiquent un droit à la mémoire » (page 12) et que l’expression "devoir de mémoire" s’est largement popularisée dans les années 1990. Dans le premier chapitre l’auteure essaie de définir ce qu’est le "devoir de mémoire", elle évoque à ce propos Anthelme Mangin et est on est surpris qu’elle laisse croire que l’identité de ce soldat amnésique de la France Guerre ne fait pas l’unanimité alors que l’on sait très bien que son identité est Octave Félicien Monjoin ; le tribunal de Rodez lui rend son identité en 1938 et il est enterré à ce dernier nom dans le village où il est né à savoir Saint-Maur dans l’Indre.
Le second chapitre explique comment on est passé de la mémoire combattante à la mémoire patrimoniale au moment d’ailleurs où disparaissait le service militaire. Sans malheureusement citer le nom de Philippe Lecat, il est évoqué ici 1980 comme l’Année du patrimoine. Le troisième chapitre pointe les manifestations mémorielles dans les religions juive, chrétienne (en fait catholique) et islamique ; on note à ce propos une très intéressante focalisation sur la place de mémoire musulmane institutionnelle par rapport aux conflits de puis la Première Guerre mondiale (nombre de lecteurs chercheront d’ailleurs à sa voir ce qu’est une kouba).
Les autres chapitres ont pour titre : La construction historique d’une mémoire de guerre (1870-1945), Vers une nouvelle mémoire de guerre, Mémoire civile, mémoire victimaire, Un trop-plein mémoriel ou une "mémoire éclatée", L’appropriation du devoir de mémoire, Le danger du révisionnisme mémoriel (avec une mention très pertinente du rôle pionnier en la matière de Paul Rassinier un ancien déporté et ultérieur de Roger Garaudy), Justice et mémoire, Une mémoire entretenue, Les porteurs de mémoire aujourd’hui, Les leçons et défis de la mémoire.
Une vingtaine de focalisation, sous l’appellation de tableaux, et une quarantaine de textes agrémentent un ouvrage toutefois sans illustration. De plus sont proposés en annexe, dans un esprit très éclectique (à titre d’exemple la Guerre de 1870 est illustrée par un fameux texte de Déroulède et un écrit peu connu à tonalité pacifiste de Louise Michel), de nombreux poèmes reproduits en entier et des titres d’œuvres littéraires (on est très heureusement surpris par le désir de présenter une petite vingtaine de livres sur la Guerre d’Indochine). En résumé voilà un ouvrage indispensable à toute personne qui s’intéresse au sujet traité, il devrait être très chaleureusement accueilli en particulier par ceux qui s’interrogent sur la façon que les Français auront de regarder certains aspects de leur passé au XXIe siècle.
Pour connaisseurs Aucune illustration