Avis de Adam Craponne : "Où l’on parle des Ligonnès et des Chambrun"
L’ouvrage est sous-titré "Les notables de Lozère du XVIIIe siècle à nos jours" et le lecteur qui n’a pas lu Un commandant bleu horizon : souvenirs de Bernard de Ligonnès 1914-1917 y apprendra que les ascendants du médiatique Xavier Dupont de Ligonnès (soupçonné d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants dans la nuit du 3 avril 2011 à Nantes) se trouvent en Lozère. Un des parents de ce dernier, après avoir dirigé le Grand séminaire de Mende, devient évêque de Rodez.
Dans ce Gévaudan, avec une forte minorité protestante, de grands notables se revendiquent longtemps haut et fort du catholicisme. Incontestablement c’est la famille de Chambrun qui a monopolisé le plus de mandats parlementaires puisque quatre de ses membres furent députés ou sénateurs du département entre 1857 et 1973 (le nombre d’années où un de Chambrun n’est pas parlementaire durant cette période se compte sur le bout des doigts d’une main). Aujourd'hui, et depuis la Révocation de l'édit de Nantes, catholiques les Chambrun sont d'ascendance calviniste et on y compte comme ancêtres le poète Aggripa d’Aubigné et Jacques Pineton de Chambrun pasteur à Nîmes au XVIe siècle.
Descendant par les femmes du marquis de La Fayette, ils se firent remarquer par le fait que Pierre de Chambrun fut le seul sénateur à voter contre les pleins pouvoirs à Pétain et que sur le tard, après avoir été député gaulliste de Lozère, Charles de Chambrun fut un député Front national du Gard de 1986 à 1988 (scrutin proportionnel). Pierre de Chambrun, qui siégeait au centre droit, bénéficiait selon les circonstances de plus ou moins de voix venues de la gauche. La campagne de 1863 d’Aldebert de Chambrun, alors candidat d’opposition au régime impérial est largement décrite et dans cette famille, qui compte maintenant certains catholiques de naissance, les dons aux églises sont nombreux.
Pierre de Chambrun est à droite. Photo absente du livre.
Emmanuel de Las Cases (petit-neveu de l'historien auteur du Mémorial de Sainte-Hélène) est sénateur libéral de 1903 à 1933 et durant toute la première partie du XXe siècle, les élus proches des catholiques ralliés à la République (derrière Jacques Piou député de Lozère de 1906 à 1919, leader national de l’Action libérale populaire) sont largement dominants en Gévaudan. L’ouvrage montre bien comment se construisent les réseaux destinés à soutenir les élus ou futurs élus. Outre quelques figures de la noblesse, on compte nombre de médecins, vétérinaires, pharmaciens, avocats et notaires parmi ceux qui accèdent à des responsabilités électives importants. Louis Bringer, d'origine populaire et d'esprit plus laïc, à rattacher au centre droit tant à la Chambre des députés qu'au Sénat, pourrait devoir son accession à la notabilité au fait qu'il s'est grassement enrichi durant la Grande Guerre grâce à certaines de ses entreprises.
L’ouvrage paru en 1987, issu d'une thèse soutenue en 1986 sous la direction d'Isac Chiva, a été revu par l’auteur qui pointe que le XXIe siècle a marqué la fin de ces dynasties familiales d’élus. En 2011 le médecin Jacques Blanc est battu par un socialiste aux sénatoriales, alors qu’il comptait près de quarante ans de mandat parlementaire. Notons que le sénateur socialiste en question, maire de Mende, siégeant au groupe RDSE au Sénat a soutenu Emmanuel Macron dès le départ en le parrainant et que le député Les républicains de l’unique circonscription de la Lozère, arrivé en tête eu premier tour, est réélu en 2017. Le premier chapitre de l’ouvrage permet, à travers en particulier l’histoire de la bête du Gévaudan et le récit du refus de la conscription sous le Premier empire, d’approcher la géographie physique des lieux.
Pour connaisseurs Aucune illustration