Avis de Ernest : "La trahison est une rupture morale"
Cet essai est écrit par un philosophe relativement connu des médias, il a été actif à la radio pour les émissions On refait le monde et Un jour, une question mais aussi dans la presse. Durant l'été 2023, il participe à l'émission Les Traîtres diffusé sur M6. En 2001, il avait proposé un ouvrage autour de la première saison du Loft. Début 2025, certainement stimulé par sa participation aux Traîtres, il donne l’ouvrage La société de la trahison. Ce dernier est sous-titré Comment faire confiance dans un monde où les traîtres sont rois. D’ailleurs au court de son récit, on croit comprendre que pour lui les deux domaines où la trahison est reine sont sûrement le divertissement et le sport.
L’introduction a pour nom "État modifié de confiance" et il évoque là justement certains ressorts de l’émission à laquelle il avait participé en 2023. Il raconte que l’idée de cette émission est venue de l’existence historique des conséquences du naufrage en juin 1629 du Batavia dans une île du Groupe des Wallabi de l’archipel Houtman Abrolhos à proximité de l’Australie. Un apothicaire frison Jeronimus Cornelisz prend l’ascendant sur un petit groupe de rescapés et, face au manque global de ressources de l’archipel, va faire massacrer environ 125 hommes, femmes et enfants. Ils sont tous abattus de façon perverse en à peine deux mois. Après l’arrivée d’un bateau de secours, Jeronimus Cornelisz est pendu et deux de ses complices sont abandonnés sur la côte australienne, ce qui fait d'eux les premiers résidents européens au pays des kangourous.
Le livre présente ensuite trois grandes parties respectivement intitulées : Les mécanismes de la trahison, Les nouveaux visages de la trahison et Au service de la loyauté. Ces pages sont l’occasion d’évoquer d’autres faits historiques comme évidemment le rôle de Judas auprès de Jésus ou l’assassinat de Jules César. D’autres évènement servent à illustrer le propos : les évènements de la Nuit des longs couteaux, les émeutes du Capitole en 2021, la gestion des émeutes de Delhi en 2020, le maccharthysme, l’action de Mandela ou celle de Liu Xiaobo, les fausses informations sur les armes irakiennes fournies en 2003 par Colin Powell, les discours manipulatoires du publicitaire américain Edward Bernay, la duplicité d’André Thérive auteur d’un Essai sur les trahisons paru chez Calmann-Lévy en 1951 et préfacé par Raymond Aron, diverses tentatives d’assassinat d’Hitler.
Des chercheurs sont convoqués comme la psychiatre Judith L. Herman ou Georges Cnguilhem. On cite également des philosophes tels Francis Bacon, Hobbes, Herbert Marcuse, Castoriadis ou Avishai Margalit et d’autre part des œuvres littéraires à l’instar de la fable Le Loup et l’agneau.
La trahison du discours officiel de l’État est évoquée : promesse de réussite scolaire, détournement de fonds ou d’avantages des services publics pour engranger des intérêts personnels chez certains hommes politiques, scandales environnementaux, quêtes effrénés de profits entrepreneuriaux ou spéculatifs. Tout ceci nourrit un sentiment de trahison de l’idéal démocratique. Certains relèveront le contenu des pages 125 à 127 qui mettent en exergue l’effondrement des valeurs dans les hôpitaux, tandis que d’autres garderont en mémoire le milieu des pages 170 où Vincent Cespes s’attache à démonter la stratégie de délégimitation du wokisme.
On sélectionnera particulièrement ces phrases :
« Parmi la multitude d’excuses du traître pour renverser la culpabilité : prétendre qu’il était en quête d’équité en rendant pour des préjudices passés (…) et même justifier ses actions comme une défense contre une future trahison anticipée » (page 51).
« En rendant notre intégrité inclassable, et inspirante, nous luttons pour l’humanité elle-même, pour qu’elle se tienne droite comme un H contre les marées sinistres qui lui creusent les flans » (page 68).
« Concept hérité des philosophes grecs, la pléonexie incarne une soif inextinguible de possession, elle est à l’origine de cette dynamique de trahison permanente qui semble imprégner nos sociétés cybermodernes » (page 137).
« Courir le "risque" de la loyauté, c’est guérir de la peur de la trahison, c’est embrasser une vision de l’amour moins possessive, moins paranoïaque, c’est-à-dire post-trahison » (page 152).
« L’éducation doit être un outil d’émancipation, non de soumission, et chaque absence dans notre curriculum est un poids de plus pour notre inertie collective » (page 160).
« (Il y a) la nécessité d’établir des frontières claires dans nos engagements, refusant d’intégrer à nos discussions ceux qui, sous le couvert de coopération, cherchent à exploiter et à détruire. La philarchie, dans sa quête d’une société plus juste, doit se prémunir contre ces formes de trahison et réaffirmer une fidélité radicale aux valeurs de justice, de solidarité et d’intégrité » (page 181).
Pour connaisseurs Aucune illustration