Avis de Octave : "Une ville aux racines multiples"
François Skvor a assuré la traduction en français d’un ouvrage d’un auteur turc d’origine kurde Seyhmus Diken, Ce livre Diyarbakir, La ville qui murmure en ces murs, évoque une ville importante tant pour le christianisme oriental (arménien, chaldéen, syriaque, grec) que pour des dimensions kurde, juive et musulmane (sunnite, alévi, chiite). Avec l’élargissement de ses limites, elle atteint aujourd’hui 1 700 000 habitants.
Diyarbakir, c’est étymologiquement la ville du Tigre. Elle est située assez près sa source et non loin des frontières avec la Syrie et l’Irak. L’auteur est né dans cette ville au début des années 1950, il a fait des études en sciences politiques à Ankara et a travaillé dans les sous-préfectures jusqu’à ce qu’un coup d’état militaire n’ait mis fin à ses fonctions. Il passe ensuite au ministère de la planification puis devient un fonctionnaire dans sa ville d’origine.
Les tensions qui ont pu exister entre Turcs et Kurdes tiennent une certaine place dans le récit. C’est une véritable histoire de la ville qui nous est contée. Cette cité fut visitée dans les années 1700 par le grand voyageur normand Français Paul Lucas qui fut très impressionné par les murailles de Diyarbakir. Ces murailles furent conservées grâce à l’action d’Albert Gabriel (né en Haute-Marne), un chercheur français dans les années 1930.
Aujourd’hui on peut encore voir qu’elles mesuraient 5,5 km de long et avaient de 7 à 8 m de haut. Ces murs de basalte noir étaient parsemés de 16 tours et de 5 portes de sortie ; ils sont ornés d'inscriptions et de reliefs relevant d’époques différentes. On est là face à un magnifique exemple d'architecture militaire médiévale, qui s’explique par le rôle frontalier de la cité, cependant la ville fut prise en 1508 pour le compte de la dynastie perse des Safavides. Déjà dans la seconde partie du XXe siècle, l’urbanisation intensive a détruit nombre de traces du passé (pages 67-68). Des affrontements entre rebelles kurdes et militaires turcs en 2015 et 2016 ont de plus endommagé la partie ancienne de la ville. La question du devenir et du rôle actuel des bâtiments liés à un culte chrétien est largement abordé.
De nombreux souvenirs d’enfance parsèment ce récit qui a été écrit en 1999, comme on peut le comprendre :
« Ces jours-ci, on célèbre, en particulier aux États-Unis, le trentième anniversaire du premier pas sur la lune. La vie balance sans cesse entre progrès et reculs, allées et venues. (…) Lorsque j’étais enfant, à chaque éclipse de lune, on faisait le plus de bruit possible, on tapait sur des casseroles et des bidons. À la campagne, des coups de feu étaient même tirés en l’air » (pages 157-158).
L’ouvrage présente quatre pages qui permettent d’en savoir plus sur des personnages évoqués, on y relève en particulier les noms d’Hassan ben Salah grand maître de la secte des assassins, Musa Anter écrivain d’origine kurde assassiné en 1999 pour son rôle dans la promotion de la culture de sa communauté d’origine, le réalisateur et acteur Yilmaz Güney, Hrant Dink tué en 2007 pour vouloir rappeler le souvenir du génocide arménien… On apprécie d’autre part les très nombreuses illustrations.
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