Avis de Benjamin : "Combien de temps, à leurs yeux, les paysans ont été une classe sociale ?"
L’ouvrage essaie de dégager ce que furent les idées de "nation", "classe" et "république" dans le monde paysan sur plus d’un siècle. Les dates boutoirs sont 1870 année qui précède la création d’un régime parlementaire en 1871 et 1984 année où les quotas laitiers sont instaurés. Selon l’auteur par le règlement de ce dernier point indique :
« aux paysans pauvres, non plus simplement que le pays n’a plus besoin d’eux, mais aussi qu’il n’y a plus de pays pour qui leur existence aurait du sens. Présentés comme la conséquence d’une directive européenne, les quotas laitiers n’ont pas d’assignation nationale, si ce n’est leur mode d’application. En déconnectant le travail paysan de toute vision politique fondée sur la Nation, on lui retire tout sens aux yeux de ceux qui ont vécu depuis 200 ans dans cette conviction». (page 289)
« Pour les petits paysans, à ce moment la nation n’est plus un vecteur politique, pas plus que la classe. (…) L’État leur disait clairement (…) qu’il n’y avait plus de pays pour eux ». (page 290)
Auparavant l’auteur a montré comment le discours républicain sur les campagnes a permis de rallier les paysans au nouveau régime à la fin du XIXe siècle.
« il y a accord de l’ensemble de la paysannerie, incluant les paysans pauvres, sur le fait que le marché associé au parlementarisme offre des perspectives jouables pour tous ». (page 124)
Notre auteur évalue comme importante la place de l’argumentaire antisémite dans les campagnes au moment de l’Affaire Dreyfus, il montre que cette pensée va de pair avec l’adhésion aux idées d’appartenance de la paysannerie à la Nation et de ses relations nécessaires avec l'État. Des pages intéressantes évoquent l’attitude de la paysannerie durant la Première Guerre mondiale avant de montrer combien les militants socialistes d’origine paysanne pèsent sur le ralliement majoritaire de leur parti au mouvement communiste au congrès de Tours en 1920. Le chapitre suivant a pour titre "La Résistance, les paysans 1940-1944" ( les ruraux ne sont guère séduits par le STO et prêts à aider ses réfractaires) et le dernier s'intitule "La fin des paysans 1960-1984". Les annexes livrent des documents écrits autour de cette dernière période.
Eugen Weber avait donné en 1976 l’ouvrage Peasants into Frenchmen. The Modernization of Rural France, 1870-1914, dont on eut une traduction en français en 1983 sous le titre de La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale. 1870-1914. On gagnera à le relire pour voir ce que Michel Clément apporte de nouveau sur cette première période. Pour la dernière partie de la période traitée, afin de découvrir une autre approche fort profitable, on pourra se reporter sur l’ouvrage de Jean-Marc Herreng Vingt ans de luttes paysannes en Vendée, 1968-1988. Enfin pour aller plus loin dans le temps que Michel Clément ne le fait, on se reportera au titre Mouvements paysans face à la politique agricole commune et à la mondialisation (1957 – 2011) paru aux Presses universitaires de Rennes en 2013.
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