Madame, vous allez m'émouvoir

Madame, vous allez m'émouvoir. Une famille française à travers deux guerres mondiales est écrit par Lucie Tesnière et publié par Flammarion en 2018. Il fait 412 pages. Il est accompagné d'une bibliographie, comprenant la liste des sources utilisées concernant les personnages.

Au départ, le choix d'acheter ce livre fut mon intérêt pour la généalogie. C'est au final un presque coup de cœur. Pour autant, sans être surpris, je constate qu'il n'a pas forcément plu à tous les lecteurs. Vous me direz : c'est normal ! Oui, mais là ce sont les raisons qui peuvent surprendre.

L'objet du livre est une enquête que l'autrice mène sur des membres de sa famille, principalement pendant la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale. Elle dévoile ainsi un peu de la vie privée de ses proches, aujourd'hui décédés. C'est un dilemme de généalogiste : doit-on parler de personnes du XXe siècle et qu'est-ce qu'il est possible de dire ou ne pas dire ? 

En fait, un historien, par exemple, ne va pas nécessairement avoir le même raisonnement. La seule limite qu'il peut avoir c'est lorsqu'il aborde des faits qui peuvent rejaillir sur la famille actuelle, dans des cas de collaboration pendant la guerre, de crime ou autres événements en général négatifs. Dans ce cas, mais ce n'est en rien une obligation, il peut utiliser uniquement les initiales des personnes afin de les anonymiser. 

Ce livre peut déranger les lecteurs pour cet aspect là. 

Néanmoins, c'est cet aspect là qui en fait son charme et c'est la raison pour laquelle je l'ai beaucoup aimé. L'autrice raconte son enquête et alterne entre, d'un côté, des passages dans la vie actuelle, avec les difficultés de la recherche, ses doutes, l'attitude de la famille en parallèle, etc, et de l'autre propose aux lecteurs des récits sur les personnages, à partir de ce qu'elle a découvert. Elle interroge des témoins et même un historien.

Ce livre, au-delà d'être un récit agréable, peut-être parfois un peu fouillis, est surtout un exemple parfait de la façon dont peut travailler un(e) historien(ne) professionnel(le) aujourd'hui. Notamment, il pose la question de l'approche du sujet : faut-il être neutre et impartial, au risque de tomber dans une froideur assez peu réaliste, ou faut-il instiller un peu de vie aux personnages et prendre le risque d'une approche plus subjective ?

Ces questionnement, même s'ils sont bien amenés, peuvent rebuter le lecteur néophyte en ce qui concerne la généalogie ou la recherche. Les récits de vie cependant, et c'est la force de ce récit, ne se suffisent pas à eux-seuls. Sans le récit de l'enquête en parallèle, avec ses joies et ses doutes, mon avis fut différent.

Un autre traitement intéressant : c'est celui des personnages. Malgré les faits commis par certains, leur mentalité parfois liée à des événements traumatiques, l'autrice les rends attachants. Elle parle avec autant d'intérêt pour les femmes et les hommes. Dans une période où l'histoire des femmes rattrapent son retard, il est intéressant d'avoir un récit, non pas féministe, mais qui place homme et femme sur un même pieds d'égalité.

Bien sûr, la limite principale, à mon sens, mais l'autrice n'en est évidemment pas responsable, c'est la classe sociale de sa famille. Ce n'est pas la famille de Mr ou Mme tout le monde. C'est plutôt une famille de la bourgeoisie, et les personnages sont médecins et même préfet. Au-delà de ça, l'approche de l'autrice n'est pas réservée à des chercheurs professionnels, car elle n'est pas historienne. Dès lors, n'importe quel(le) passionné(e) peut s'inspirer d'une telle enquête.

En bref, nous avons un récit vivant, intéressant et par certains aspects utile. Il n'y a pas d'hésitation à avoir à mon sens. Il est fait pour qui aime l'Histoire, la généalogie et les récits de vie.