Avis de Benjamin : "L'histoire tombe au-dehors comme la neige (André Breton)"
Et en Bretagne la neige est rare… Loeiz Laurent est décédé à 79 ans durant l’année 2015, il a été le premier président de Futurouest-Recherches , un des trois pôles de l’unique Groupe Régional de Recherches Prospectives privé de France (basé à Lorient). Né le 26 septembre 1934 à Belfort, ville où on respire à pleins poumons le patriotisme français face au Lion et à la ligne bleue des Vosges, il est le fils de Pierre Laurent un ingénieur. Biologiste de formation, il fut Directeur régional de l’INSEE à Rennes. Promoteur Il était un de la notion de pays, comme espaces de solidarité inscrits dans l’histoire et la géographie, il s’opposait au centralisme républicain porté en particulier par la tradition départementale et souhaitait comme échelon intermédiaire une grande région. Défenseur de l’identité bretonne, il apporta son soutien aux autonomistes condamnés.
Un texte, publié en 2002 dans une revue, imagine la Bretagne en particulier et le reste du monde en général en 2055. On retiendra le passage aux 25 heures hebdomadaires acquises « par un lent bouleversement du statut des actifs » (page 24). En conclusion, on trouve :
« L’idée germa peu à peu qu’il fallait faire jouer fraternité et autorité dans des espaces différents. Le Nord comprenait que la solidarité n’impliquait pas forcément bureaucratie, fiscalité, exécutif et représentation élue, le Sud que les solidarités de voisinage ne pouvaient pas faire l’économie de circuits plus complexes ». (page 33)
Suit un texte de Fabrice Layer sur l’avenir des collectivités locales, il a été écrit avant la modification territoriale des régions appliquée en 2016. Un texte intitulé "Destins bretons", rédigé en 1995 et successivement enrichi montre, qu’à partir de l’histoire fumeuse de la Bretagne, ici la prétendue cession de la Bretagne à Rollon (en fait le roi Raoul reçoit hommage en 933 de Guillaume-Longue-Épée pour le Contentin et l’Avrenchin), on peut poursuivre le délire jusqu’à de très grandes extrémités. Autre griserie, s’appuyer sur un édit d’Édouard le Confesseur (mort en 1066 et doc dernier roi avant l’arrivée des Normands) afin de réclamer la nationalité anglaise pour tout Breton. Par contre notre auteur se retournerait sûrement dans sa tombe s’il savait que de 1560 à 1903 le privilège de la double-nationalité est automatiquement accordé aux Écossais vivants en France. On poursuit avec une Bretagne qui manqua de peu d’être espagnole à la fin du XVIe siècle, nous ajouterons comme Marseille et d’autres lieux de l’hexagone… Et on continue les grands amours pour la Bretagne de la part des USA, de l’Autriche, de la Suisse…
Quand l’auteur revient à son domaine, il peut produire des études intéressantes comme celles autour des découpages régionaux. Il est quand même dommage qu’il ait été trahi par les siens puisque c’est quand-même les élus de la région Bretagne qui refusèrent la fusion avec les Pays-de-la-Loire, ce qui aurait ramené Nantes dans le giron breton (mais cette dernière aurait demandé à être capitale régionale, ce qui ne plaisait pas). Autre texte intéressant, publié en 1995, "L’aménagement du territoire en 2015". Un joli hommage aux Vikings (premier parlement daté de 930) et aux Celtes (« chez qui la femme jouissait ») terminent sur une note comique pour nous un ouvrage très inégal. Toutefois si on considère que les passages délirants livrés ici sont du meilleur effet comique, c’est un excellent ouvrage dans son ensemble qui nous est offert.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
Ce délire revendiqué,mon frère y attachait une certaine valeur car ce n'est pas en ressassant de vieilles idéologies que l'on défriche des cheminements vers l'avenir . Certes, il avait une lecture des évènements historiques qui semblait se rattacher essentiellement à l'historiographie antérieure au XXe siècle . C'était une de ses manières de casser les processus de pensée qui encombrent un mouvement breton par ailleurs si positivement dynamique .
Peut-être faut il plus d'humour que d'intelligence pour apprécier les écarts d'une pensée que beaucoup ont reconnu comme novatrice et éclairante grâce en partie à ce qui peut paraître encore comme des excès .