Avis de Patricia : "La Russie est un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme (Churchill)"
Voici un ouvrage fort utile, agrémenté d’une petite dizaine de cartes de géographie historique et d’un précieux index des noms de personnes. Il démarre en avançant que pour Adolphe de Custine découvrant la Russie en 1839, ce pays a une nature avec trois caractéristiques : son côté vaste, l’importance de ses cours d’eau et la grande surface de ses forêts. Les Scythes occupent le sud de l’actuelle Russie en gros de 700 à 200 avant Jésus-Christ alors que le nord du pays voient de nombreux peuples y séjourner. Aux Scythes succèderont, avec des impasses sur certains peuples, les Khazars au VIIe siècle après Jésus-Christ. On a lu par ailleurs que nombre de personnes de ce peuple se convertirent au judaïsme.
L’histoire du pays démarre vraiment avec la progressive christianisation orthodoxe de la Rus’ de Kiev qui donne notamment en 1051 une reine Anne de Kiev à Henri Ier roi des Francs. Il s’agit là de la première principauté slave et elle dure du IXe au début du XIIIe siècle, ce sont les Mongols qui sont cause de sa disparition. Relevons qu’elle a été fondée par des Scandinaves mais s’est rapidement slavisée et que son expansion se fit quasiment sur toutes les terres des actuelles républiques d’Ukraine et de Biélorussie mais seulement autour de la partie le plus occidentale de l’actuelle Russie.
Progressivement, des principautés russes se libèrent du joug de la Horde d’or et la principauté de Moscou se considère, bien autoritairement, comme une renaissance de la principauté de Kiev. Le chapitre autour de l’avènement des Romanov est suivi de ceux qui pointent notamment la montée en puissance de la Russie tsariste sans oublier de parler de la question sociale (les rigueurs du servage sont encore renforcées au début du XIXe siècle et on a l’apparition d’une assez nombreuse ouvrière à la fin de ce même dernier siècle), le maintien de dispositifs autocratiques. Une demi-douzaine de chapitres conte l’histoire de l’URSS. L’auteur a refusé de s’aventurer sur la période qui suit la dislocation de cette dernière ; on est donc privé d’un regard sur les trente années. Il argumente en disant que l’histoire immédiate n’est que du journalisme, ce qui est placé bien haut les analyses des journalistes et bien bas ce qu’ont peut trouver dans les travaux contemporains de l’Institut d’Histoire du Temps Présent.
Toutefois la conclusion donne un portrait quasi hagiographique de Vladimir Poutine. Citons en particulier ceci : « Enfin, en 2020, il a annoncé une profonde réforme de la Constitution afin de mettre en place une démocratie fondée sur les principes de Montesquieu : la séparation des pouvoirs. Vladimir Poutine a en effet bien compris que l’image d’une présidence dictatoriale diffusée par les Occidentaux ne pouvait être modifiée qu’en transformant radicalement le "pouvoir autoritaire présidentiel". La Russie se met en marche vers la démocratie » (page 521).
Rappelons que la réforme de 2020 a pour but essentiel de permettre à Poutine de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2036, l'année de ses 84 ans et qu’en l'état du droit, M. Poutine aurait dû se retirer de la présidence en 2024. On sait que l’auteur est un spécialiste de l’histoire médiévale de la Russie et qu’il existe des historiens des débuts de la période ottomane qui nient le génocide des Arméniens, tel Gilles Veinstein. D’une part cet été 2020, on a appris l'arrestation, sous un prétexte fallacieux, de Sergueï Fourgal le gouverneur élu à Khabarovsk, grande ville de l'Extrême-Orient russe et d’un autre côté l’avocat Alexeï Anatolievitch Navalny, opposant au régime, a été victime d’empoisonnement, après l'absorption d'un thé à l'aéroport de Tomsk.
Nous livrer une histoire bien vulgarisée de la Russie des origines à nos jours en cinq cents pages est une belle performance et nombre de lecteurs de cet ouvrage retourneront ponctuellement à un de ses chapitres à l’occasion. Ceux qui regardent actuellement l’adaptation anglaise du roman Guerre et paix de Tolstoï liront en particulier avec intérêt ce qui est dit pages 203 à 205 sur la bataille de Borodino (avec un passage de troupes prussiennes des Français vers les Russes, certes anecdotique mais significatif) et autour de la manœuvre originale de Koutouzov vers le village de Tarantino qui en battant des soldats commandés par Murat, outre d’empêcher les armées françaises de s’emparer de subsistances et de ravitaillement des régions de Toula et Kalouga, coupe Napoléon du contact avec la majorité de ses troupes.
Pour connaisseurs Quelques illustrations