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La France en guerre: Cinq « années terribles ».

La France en guerre: Cinq « années terribles ».
Presses universitaires de Rennes 415 pages
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Avis de Alexandre : "Un titre pour tromper l’ennemi ?"

Avec pour titre La France en guerre: Cinq « années terribles », on s’attend en 2018 à un ouvrage sur la Première Guerre mondiale.  Et bien non, ou du moins il en est question très partiellement. En effet il est évoqué là, à chaque fois, un couple d’années, où la France est sujette à une invasion partielle de son territoire. Ces périodes sont : 1792-1793, 1814-1815, 1870-1871, 1914-1915 et 1939-1940. Jean-Claude Caron et Natahlie Ponsard   ont dirigé cet ouvrage qui propose une vingtaine de communications, issues d’un colloque tenu à Clermont-Ferrand en juin 2016. Elles sont regroupées en trois parties : Expériences du basculement, Filiations, décalages et contrepieds, Remémorer, représenter, résister.

Dans le premier volet, avec le premier article, on a l’occasion de nous rappeler que certains des conflits choisis s’étaient accompagnés de guerres civiles ; ce fut le cas pour trois d’entre ceux étudiés (il y en eût plus dans l’histoire de France) même si dans une situation on est pour une année postérieure à celle étudiée, à savoir 1944 (principalement). Anne Rolland-Boulestreau évoque le choix de certains notables du Choletais (ou plus largement de ce qu’on appelle les Mauges) de rejoindre ou non le camp de la Contre-Révolution. Les itinéraires étudiés sont d’abord ceux de Jacques Cathelineau issu du Pin-en-Mauges et de Jacques-Martin Boutillier de Saint-André maire entre 1790 et 1792 de Mortagne-sur-Sèvre. Cette dernière paroisse est située d’ailleurs dans le Bas-Poitou, non loin des limites du Haut-Poitou et de l’Anjou, ce choix peut donc étonner a priori mais l’auteure nous explique que ce personnage est juge au tribunal de Cholet et fréquente, dans cette dernière ville, le club des jacobins dans le premiers temps de l’existence de celui-ci. Le dernier est Jean-Antoine Vial résidant à Chalonnes ; il a acheté des biens nationaux (d’ailleurs comme d’Elbée qui deviendra un des généraux vendéens) et opte très franchement pour la Révolution. Jacques-Martin Boutillier de Saint-André reste sur sa réserve face au soulèvement vendéen et essai de limiter les conséquences de la guerre civile tandis que Jacques Cathelineau est un bref chef contre-révolutionnaire du fait de son décès le 14 juillet 1793, suite à ses blessures essuyées devant Nantes.

Nicolas Beauprés donne le deuxième article de ce volet, il est intitulé "Entrer dans une « Grande Guerre » par une année terrible : temporalités du basculement dans le premier conflit mondial, 1914-1915". On poursuit avec Chantal Dhennin-Lalart pour "Le Nord et la Grande Guerre : la terrible entrée en guerre des populations. Confrontation entre la version romancée du conflit et la réalité quotidienne des correspondances et du vécu",  Ronan Richard et "De la « personnification tragique et poignante des horreurs de l’invasion » au spectacle éclatant de « l’union des coeurs ». L’instrumentalisation de l’exode des réfugiés au service de l’unité nationale (1914-1915)". Ce dernier texte cite des témoignages de réfugiés dont celui d’Isabelle Rimbaud rapporté dans l’ouvrage, paru en 1917, Dans les remous de la bataille. Il omet de nous dire qu’il s’agit là de la sœur d’Arthur Rimbaud. Par contre, à juste raison, il nous montre comment Louise Weiss à Saint-Quay-Portrieux (près de Saint-Brieuc) se dévoue pour les réfugiés alors que la population bretonne en générale et nombre de maires de l’époque les jugent comme une « race d’évacués feignants et exigeants » (expression du député radical Louis Baudet de Dinan, citée page 77). En effet peu d’entre eux, vu leur âge (enfants ou vieillards) ou leur expérience professionnelle passée (des urbains ne connaissant rien aux travaux des champs) répondent aux besoins locaux de main-d’œuvre. Quand on voit Émile Gabory tronque systématiquement les réalités pour montrer « les innombrables dévouements dont le séjour des réfugiés au milieu de nous a été l’occasion » (citation prise dans son ouvrage Les réfugiés chez nous), on se doute que son ouvrage Les Guerres de Vendée, devenu une des bibles des nostalgiques de la Vendée militaire et avocats du prétendu génocide vendéen, soit un tissu d’interprétations mensongères.           

Odile Roynette  donne un texte intitulé "Écrire 1914-1915 : les récits céliniens d’une année terrible". Il y est rappelé le séjour en Afrique noire (dans le Cameroun pris aux Allemands) de l’auteur et de son dégoût de la guerre. Céline manifeste alors son intérêt pour les thèses racialistes et les discours contre-révolutionnaires. Claire Maingon est présente avec "Paris-Rome: l’École des Beaux-arts et la Villa Médicis entrent en guerre (1914-1915)". Pauline Breton propose une réflexion autour de Lieu d’asile de Georges Duhamel qui raconte le séjour de cet écrivain, en tant que médecin, à l’hôpital rennais de Ponchaillou au printemps et à l’été 1940. Bien que ne comportant aucune allusion politique, l’ouvrage sera mis au pilon par la censure allemande car il évoque des souffrances de la population française durant l’Exode. Ajoutons que Georges Duhamel n’a alors plus de responsabilité chez l’éditeur Mercure de France, où paraît cet ouvrage. Cette maison publie durant L’Occupation plusieurs ouvrages de théoriciens racistes et à savoir Jacques Toussenel et Arthur Gobineau, sans compter les livres antisémites de Louis Thomas, Jean Jacoby et Léon de Poncins et d’autres très germanophiles comme À la découverte de l’Allemagne hitlérienne de Christian de Carbon et L’Europe de demain par Jean de Beaulieu, plus des fictions propres à exalter la supériorité de l’homme blanc.  Le dernier texte de ce premier volet est "Faire la guerre, Dire la guerre. Paul Reynaud face au drame de 1940" de Thibault Tellier.

De la seconde partie "Filiations, décalages et contrepieds", on retiendra particulièrement les textes suivants : "Sens de l’histoire et sentiment national. Quelles années terribles ? (Isère en 1814-1815) ", " « Ils y croyaient vraiment (…) à ce millénaire rétrospectif tant attendu ». Légitimistes et catholiques à l’assaut du pouvoir (1870-1871) ", "« Le formidable est sorti du frivole… » : l’image et la réputation des Parisiennes au défi des « années terribles »". Dans ce dernier texte est évoquée en particulier la fréquentation des femmes françaises avec des soldats ennemis et du devoir d’élégance qu’elles se doivent d’avoir car seule l’armée a été battue mais pas la civilisation française connue pour son raffinement. Cela perpétue chez l’ennemi une mémoire de la Parisienne légère. 

"Remémorer, représenter, résister" est donc le titre la troisième partie. On y relève, entre autres, les articles suivants : "« Années terribles » et politiques festives : ruptures et continuités dans la construction d’un imaginaire national (de la mémoire de l’an II à 1940)", "Le jour où Lyon est devenue Ville Affranchie : mémoire d’un siège sous la Restauration",  "1940, l’année de la « Belle Époque »", "Les historiens et l’effondrement de 1940 : esquisse d’une historiographie", "L’ombre portée de l’effondrement de 1940 sur les années terribles". Pierre Triomphe dans "La construction d’une année terrible : de la « Terreur de 1815 » à la « Terreur blanche »" montre que, en se faisant complices de la Terreur blanche, les Bourbons légitimistes se sont exclus, aux yeux des libéraux, du groupe national en laissant massacrer ou fusiller des héros (les généraux Brune et Ney en particulier). Cecii rappelle qu’ils sont revenus dans les fourgons de l’étranger et ont négocié des frontières pour la France qui abandonnaient quasiment tous les acquis de la Révolution. Par rapport à 1789, Montbéliard, Mulhouse, Avignon et le Comtat Venaissin sont certes gagnés, mais la Suisse, les Pays-Bas et deux états allemands s’agrandissent de territoires de la France de Louis XVI.            

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Alexandre

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