Avis de Alexandre : "La Russie du XXIe siècle commémore mais ne célèbre pas la Révolution bolchévique"
Il s’agit de présenter ici les communications tenues le 15 décembre 2017 à l’université de Lyon III lors du colloque Centenaire de la deuxième Révolution russe : Perceptions et représentations contemporaines. Après une introduction de David Cumin, suivent six textes qui éclairent la situation actuelle de la Russie à l’intérieur et à l’extérieur à la lumière d’un passé qui ne renvoie pas qu’à l’année 1917.
La première est due à Andreï Gratchev, un ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev. Le centenaire de la révolution ne fut pas un grand moment de réconciliation nationale comme le souhaitait le pouvoir russe du fait du flou artistique de ses discours. On retiendra ceci :
« Pour asseoir sa nouvelle version de l’histoire patriotique Vladimir Poutine dans ses discours n’hésite pas à affirmer que la Révolution bolchévique pouvait être le résultat d’un complot étranger monté par des ennemis extérieurs pour provoquer la déviation du cours naturel de l’histoire russe ».
« Assumant le rôle de défenseur des valeurs nationales et morales traditionnelles, la Russie de Poutine se positionne comme une sorte de nouvelle Vendée déterminée à résister au rouleau compresseur de la globalisation qui écrase sur son chemin les frontières des États et la notion même de souveraineté des peuples et des nations ».
Le second article permet de nous éclairer sur les idées que la Russie est un espace de la taille d’un continent ayant sa propre identité et ne relevant pas des valeurs de l’Europe portées par la civilisation germano-romane. Il n’est d’ailleurs pas faux qu’avec, en particulier l’invasion mongole, le long maintien du servage et le choix de l’orthodoxie, la Russie n’a pas vécu dans le même univers sociétal. La Russie est le fer de lance de la culture slave matinée de culture byzantine. Au cours des décennies qui précèdent le début de la Première Guerre mondiale, des intellectuels et notamment Dostoïevski avancent que l’avenir du pays se joue en Asie. Ceci sert à alimenter un impérialisme qui peut être qualifié de pan-mongolisme et vient en complément du panslavisme. Cette idéologie eurasiste s’appuie également sur l’histoire du peuple scythe. Avec l’historien Vernadski, dans un ouvrage publié en 1934, « Gengis-Khan rejoignait le panthéon national alors que les Romanov étaient critiqués pour leur occidentalisme décalé ».
La troisième contribution montre le décalage, dans les années 1920, entre la réalité de pénurie vécue, et les consignes (le mot "conseils" n’est pas adapté) du discours officiel en matière d’hygiène, santé et nourriture. Lorsque plus tard l’on ne peut plus tenir ce discours ambitieux et qu’on doit reconnaître des dysfonctionnements, on met ces derniers sur le compte du sabotage (avec les conséquences que l’on connaît).
Le quatrième texte est très intéressant sur un point précis, celui d’expliquer la crise entre l’Ukraine et la Russie par les maladresses et ambitions de l’Union européenne et des USA dans leur désir de « rattacher exclusivement toute l’Europe centrale et orientale jusqu’au frontières de la Russie au centre décisionnel de l’Europe de l’ouest ». C’était là revenir sur le fait que ces régions sont une zone d’influence de la Russie depuis de nombreux siècles. Nous laissons aux lecteurs de cet ouvrage le plaisir de découvrir le contenu des autres articles respectivement intitulés "Empire russe, URSS, Fédération de Russie : continuité ou changement géopolitique ?" et "La réception de la philosophie du communisme russe en France durant la période structuraliste (1960) et ses répercussions actuelles".
Pour connaisseurs Aucune illustration