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Russie d’hier et d’aujourd’hui: perceptions croisées

Russie d’hier et d’aujourd’hui: perceptions croisées
SPM322 pages
1 critique de lecteur

Avis de Alexandre : "Franco-russe n’est-ce pas du flan?"

L’ouvrage comprend vingt-et-une contributions qui se proposent de trouver des sujets ou des personnes qui ont pu montrer que des relations se nouaient entre la Russie et la France. Ceci pour les deuxième, troisième et quatrième parties et ponctuellement pour la cinquième partie. Toutefois, peut-être parce que l’escadrille Normandie-Niemen est largement connue (par en particulier  une médiatisation souvent fictionnelle), cette dernière n’est pas évoquée, alors que son histoire gagnerait à être exposée sous un angle universitaire.

Par ailleurs, du fait que les deux personnes qui assurent la direction de l’ouvrage, à savoir Anne Pinot (auteure d’une thèse comparant les œuvres romanesques de Dostoïevski et de Bernanos) et Christophe Réveillard (chercheur autour de la construction de l’Europe communautaire) ne fréquentent guère les milieux universitaires s’intéressant aux deux révolutions russes de 1917 (celle de février et celle d’octobre) aucune contribution ne traite du rôle actif de certains Français, partisan des soviets, dans les débuts d’une insurrection qui nécessite d’être consolidée face aux attaques dont elle est sujette. Pour ne citer que les trois noms les plus connus, on pensera à André Marty, au capitaine Jacques Sadoul et à Suzanne Girault qui eurent tous ultérieurement des responsabilités au PCF.  Toutefois ponctuellement on peut évoquer, dans un des textes de cet ouvrage, une personnalité qui a adhéré au processus révolutionnaire à la fin des années 1910, mais jamais dans le camp des communistes (c’est le cas avec Marie Skobtsov qui est dans le camp des socialistes révolutionnaires).

La première partie parle de géopolitique russe sur la longue durée. Page 38 on y rappelle le rôle de frein que joua l’Église orthodoxe à l’égard de toute nouveauté.

« Tout au long de l’histoire on a ainsi observé une asymétrie entre deux Europe. L’Occident, sans cesses agité par des évolutions techniques et politiques et la Russie, qui y semble hermétique et ne s’y soumet que forcée et avec retard. »

Un autre texte dans cette partie, est revisitée l’influence des Mongols. Tout d’abord ils placèrent sous le même joug une kyrielle de principautés, ensuite ils portaient en eux une certaine modernisation, ensuite et même après la conversion des souverains de la Horde d’or (à partir de Berké qui règne de 1257 à 1266) l’Église orthodoxe bénéficie de privilèges. Par ailleurs Alexandre Nevski combat les chevaliers teutoniques et est allié des Mongols. Lors de la bataille de Koulikovo en 1380 on a contre le grand prince russe Dimitri Ier, non seulement la Horde d’or, mais un autre prince russe et le grand duc de Lituanie. Ivan III chasse en 1480 les Mongols de la Horde d’or avec l’appui des Tatars musulmans de Crimée. Ainsi l’image caricaturale d’une Russie s’édifiant contre un bloc tatar musulman est à relativiser fortement.

La deuxième partie évoque des perceptions particulières de Français sur la Russie orthodoxe. Elle ouvre avec un texte autour de Wladimir Guettée un abbé catholique né en 1816 à Blois qui se convertit à l’orthodoxie à Paris. Faute de suffisamment d’eau bénite sur la question, l’auteur dérive assez vite vers Mgr Joseph Georges Strossmayer évêque catholique à Djakovo en Croatie dans la deuxième partie du XIXe siècle. Ces deux hommes ne se sont d’ailleurs jamais connus. Marie Skobtsov est ensuite présentée, au début des années 1920 elle vit à Paris avec sa famille, devenue moniale orthodoxe en 1932, elle est arrêtée pour faits de Résistance par les Allemands en 1943 et périt en 1945 au camp de Ravensbrück.  On évoque ensuite la pensée de la théologienne Élisabeth Behr-Sigel qui s’est beaucoup penchée sur le concept de sainteté dans l’orthodoxie. Jean-Marc Joubert nous évoque l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris.

La troisième partie s’intitule "Une histoire commune", y sont présentés l’influence de Diderot sur le traité de philosophie politique nommé Nakaz rédigé en français par Catherine II, le contenu de la correspondance entre Ivan le Terrible et le prince André Kourbski (ce dernier devenant le premier émigré russe célèbre), la genèse de l’alliance franco-russe, le sentiment national russe au XIXe siècle, les chantres français non communistes  ou membres du PCF de l’URSS dans l’Entre-deux-guerres, la position de l’URSS face à l’idée d’unité européenne et la présence française à Saint-Pétersbourg à la fin du XXe siècle.

On atteint alors la quatrième partie où on remarque qu' une des contributions porte sur une prétendue  "référence vendéenne à l’idyosyncrasie russe". Son auteur est Dominique Souchet, qui n’est plus député depuis 2012 (devons-nous préciser), auteur avec une demi-douzaine de députés d’une proposition de loi visant à reconnaitre le "génocide vendéen" pour les années 1793 et 1794. Elle explique que l'institut catholique d'études supérieures (ICES) de La Roche-sur-Yon ait financé en partie cet ouvrage. Voilà une idée qui fut largement rebattue par Philippe de Villiers et poursuivie par ses successeurs à la présidence du Conseil général du département de la Vendée. La venue d’Alexandre Soljenitsyne en septembre 1993 pour commémorer le bicentenaire de l’insurrection vendéenne fut une étape importante dans la médiatisation de cette pensée pour laquelle :  

« (…) les Vendéens occupent dans la pensée russe une place à part de pionniers, de résistants d’avant-garde. Les Vendéen sont donc érigés en symbole : ils portent en quelque sorte, dès l’origine, le secret, le mystère de la résistance aux entreprises totalitaires ». (page 260)

Il reste évidemment à mesurer combien de Russes ont entendu parler de la Vendée et ont actuellement un regard critique sur la révolution bolchévique … Il semblerait que l’on compte plus de nostalgiques de Staline que du dernier tzar dans la population actuelle. Toutefois il serait intéressant de savoir quels milieux russes portent actuellement cette idée de voir dans les Vendéens les premiers résistants à un totalitarisme qu’ils allaient subir un siècle et demi plus tard. L’article montre plutôt combien les partisans de l’idée d’un génocide vendéen utilisent l’histoire de l’URSS pour délivrer un discours particulier sur la contre-révolution en Vendée militaire et les actions des montagnards.

Alexandre Soljenitsyne servit de caution à ce discours comme on l’a vu, aussi trouve-t-on dans cette partie une étude de son œuvre sous la plume de Nikita Struve mais aussi évoque-t-on la poétesse russe Marina Tsvetaeva exilée en France entre 1925 et 1940 dont certains poèmes ont été traduits par Elsa Triolet et une contribution comparant l’esthétique de Bernanos et Dostoïevski.

La dernière partie se nomme "Repères contemporains", elle évoque les transformations qu’a subies la Russie entre 1990 et 2010, l’interaction sur la même période des géopolitiques françaises et russes, les conflits d’interprétation du régime postsoviétique et la relation franco-russe sur la longue durée.   

Pour tous publics Aucune illustration

Alexandre

Note globale :

Par - 406 avis déposés - lecteur régulier

16 critiques
14/10/16
Pour une fois le jeu de mots est drôle et bien venu ! Question : l'ouvrage parle-t-il des poutiniens français, style Hélène Carrère d'Encausse ?
406 critiques
14/12/16
En s'opposant, pour des raisons commerciales, à l'idée initiale du romancier de faire de Nemo un Polonais révolté contre l'impérialisme russe, l'éditeur Hetzel a contribué à créer un personnage dont l'anonymat et le mystère renforcent le charisme. (...) certains souhaitent une nouvelle édition du roman conforme aux intentions auctoriales et non au diktat éditorial.

Exposition Nemo alias Dakkar du 1er octobre 2016 au 25 juin 2017 au musée Jules Verne de Nantes
406 critiques
28/01/17
Grande guerre: les restes d’un soldat russe découverts en France mi-janvier 2017 au Chemin des Dames
http://fr.rbth.com/en_bref/2017/01/24/grande-guerre-les-restes-dun-soldat-russe-decouverts-en-france_687441
751 critiques
27/04/17
Paris célèbre les 300 ans de ses relations avec Moscou par une exposition sur Pierre Ier
https://www.tunisienumerique.com/les-20-et-21-mars-jours-feries-a-loccasion-des-fetes-de-lindependance-et-de-la-jeunesse/
406 critiques
29/04/17
Soldats russes, retirés du front, cantonnés près de Château-Larcher dans la Vienne en 1917
NR/n/Contenus/Articles/2017/04/28/Des-soldats-russes-cantonnes-pres-de-Chateau-Larcher-3081843
751 critiques
19/05/17
Exposition Alexandre Zinoview: le Théâtre de la guerre.
18 mai au 10 décembre 2017 à l’Historial de la Grande Guerre.
(Zinoview répond à l’appel de Blaise Cendrars et s’engage comme volontaire. Versé à la Légion étrangère, il part sur le front de Champagne)
http://www.historial.fr/musee-de-collection-peronne/expositions-temporaires/prochainement-alexandre-zinoview-le-theatre-de-la-guerre/

464 critiques
04/09/17
Un bagnard oublié Antoine Bérézowski (1847-1916), il tenta d'assassiner à Paris Alexandre II
http://criminocorpus.hypotheses.org/16478?utm_source=lettre
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