Avis de Zaynab : "Gauguin par le biais d’un artiste outre-quiévrain"
Alors qu’ouvre une exposition sur Gauguin au Grand Palais le 10 octobre 2017, on sera peut-être content de voir mis en avant un roman plutôt pour collégien. Le livre et sorti en 2014 et l’action est située de nos jours. La couverture montre le personnage principal devant le tableau Arearea (mot tahitien qui pourrait signifier "joyeusetés") peint en 1892 par l’artiste lors de son premier séjour dans la nouvelle possession française de l’Océan Pacifique qu’était Tahiti. On a modifié, dans la reproduction de la page de couverture, quelques nuances de couleurs et on a donné dans la sobriété pour les trais des personnages de l’œuvre.
"Chien rouge" de Marie Sellier permet donc une approche de la vie et l’œuvre de Paul Gauguin par le biais d’un récit proche du vécu de jeunes lecteurs. Ce tableau est reproduit sur la boîte à sucre de la famille phare du récit. On démarre avec la chanson de Stromae :
« Formidable, foormidable,
Tu étais formidable, j’étais fort minable »
Car si l’action se déroule en France, le père de famille est belge et la mère d’origine espagnole. Entre eux, il y a de l’eau dans le gaz et c’est justement à Pont-Aven que vient de partir le mari afin de trouver l’inspiration. La mère rêvait d’être décoratrice mais, pour assurer des revenus stables au ménage, elle est employée de bureau.
« Le fond du problème, c’est que Péné de Bruyn estime s’être sacrifiée pour son mari ; Pour permettre à Paul de se consacrer à la peinture, elle a accepté de travailler dans un cabinet de conseillers fiscaux. Et vingt ans après elle y est encore. Alors qu’elle rêvait d’être décoratrice ou brocanteuse. Chiner, dégoter de vieux machins, les rafistoler, les assembler, en faire des merveilles, voilà à quoi elle aimerait occuper ses journées. Si encore Paul de Bruyn avait percé, si encore sa peinture était reconnue ! Mais il fait du rase-mottes depuis vingt ans, inconnu au bataillon des grands artistes contemporains. Un looser, dit sa femme quand elle est vraiment énervée. Autant dire qu’elle s’est sacrifiée pour rien ». (pages 18-19)
La famille est unanime devant le talent de Gauguin, heureusement car quotidiennement, cette œuvre Arearea, ils peuvent la voir en peinture (ce qui est plus souhaitable que son contraire).
« Cette boîte, la boîte au chien rouge, les trois enfants de Bruyn l’ont toujours connue, elle ne quitte jamais pour ainsi dire la table de la cuisine » (page 14)
Absence de cette illstration dans l'ouvrage
Line, Morgane et Kira se connaissant depuis l’école maternelle et dans une saine ambiance de camaraderie, elles préparent un exposé sur Gauguin. On apprécie d’avoir ainsi, sous forme de dialogues, des opinions diverses sur l’auteur et son œuvre. Tout ce qui touche le célèbre peintre est donc intégré à une fiction très contemporaine.
Le narrateur est omniscient, toutefois Line parle à première personne au début de l’ouvrage :
« Mais maman ne fait même pas le geste de s’en emparer. Trop de désespoir tue » (page 11)
Elle a deux frères :
« Il y a entre Line et lui un accord tacite depuis que leur mère s’est mise en vacances des tâches ménagères (plus de courses, plus de cuisine, plus de ménage) : Clovis gère le matin et le pain, Line s’occupe du soir et du supermarché. Milo, lui, est au-dessus de ces contingences matérielles » (page 20)
C’est d’ailleurs Milo qui aura le mot final de ce roman. Le récit commencé avec la chanson de variété, se termine sur du rap, genre musical auquel Milo s’est déjà essayé plusieurs fois au long du récit.
« Où tu vas, chien rouge, qu’est-ce-que tu fais ?
T’es un drôle de cabot, tu sais.
Sans collier, ni maître, jamais,
Tu vis ta vie de chien libre et vraie,
Une vie d’artiste, ouais.
Allez le chien, s’te plaît !
Fais-nous to p’tit numéro, ouais ! » (page 172).
On relèvera en prime, bien avant dans le récit, une phrase admirable pour un lectorat adolescent : « Après tout, on est sur cette terre pour donner le meilleur de soi-même, pour libérer ce qui se loge au plus profond de ses tripes. Ne pas le faire, c'est tout simplement risquer de passer à côté de soi-même ».
Une chronologie, assez détaillée et sur deux pages, permet au lecteur de retrouver à quelles dates Gauguin est à Pont-Aven (1886 et 1888 en l’occurrence) et quand il séjourne à Tahiti (1891-1893 et 1895-1903). On notera qu’il existe, également pour un lectorat d’élèves du secondaire, la BD Gauguin, loin de la route ! sortie en 213 chez Le Lombard.
Accessible jeunesse Aucune illustration
Mercredi 18 octobre à 18h30 au Grand Palais