Avis de Alexandre : "La Seconde Révolution russe se met en scène et on nous expose comment elle le fait"
Les pratiques commémoratives de la Révolution d’octobre, sous l’époque soviétique, ne se sont pas tous les 7 novembre limitées au traditionnel défilé sur la place Rouge, même si ce dernier avait une place de choix et servait par ailleurs d’informateur sur des possibles évolutions dans les sommets de la nomenklatura. En effet ces célébrations se déclinèrent aussi sous la forme d'une très considérable réalisation de films, de photographies venant souvent illustrer des articles, de cartes postales, d’albums de littérature de jeunesse, d'affiches, de tableaux, de vaisselle de porcelaine, de timbres, de médailles et de films de fictions.
On assiste même, dans le milieu des années d'existence de l’URSS, à une dérive mercantile, avec par exemple une marque de confiserie qui se nomme "Octobre rouge". Il s’agit de celle qui fit une large utilisation de l’image de la petite Alionka pour ses chocolats. Ceci alors que la figure de l’enfant-héros de cet évènement est quasiment inexistante, alors qu’elle est abondante pour la Seconde Guerre mondiale pour ce pays. Un des auteurs cite un seul cas (mais il y en aurait d’autres) à la popularité la plus importante (quoique limitée) à savoir le jeune acteur et fils de comédiens, nommé Kotia (ou Kotya) Mgebrov-Tchekan. Cependant, on apprend par internet qu’il est né en 1913 et le peu d’actions de soutien à l’idéologie communiste à porter à son crédit, relève des années 1920. Rappelons que la Révolution française honora deux enfants-héros Joseph Bara (décédé dans les Mauges, en pleine Vendée militaire) et Joseph Viala (décédé au sud d’Avignon, victime de fédéralistes marseillais).
Plusieurs imaginaires, souvent allégoriques, portent cette iconographie. Quelle évolution dans ces contenus au cours des quatre-vingt ans durant lesquels perdura le système soviétique ? Cet ouvrage aborde ce thème en enrichissant considérablement la culture visuelle du lecteur. Le pouvoir soviétique se met en scène en URSS, mais le spectacle de la Révolution s’exporte aussi. La célébration de l’évènement se fait évidemment dans les "pays frères", mais est aussi portée dans les démocraties occidentales, par un mouvement communiste qui peut disposer de moyens financiers importants comme en France et en Italie.
Dix-sept universitaires spécialistes de l’histoire de l’Union Soviétique ou de culture visuelle mettent en exergue des images particulièrement porteuses de sens.
Voici sa table des matières :
Introduction: La culture visuelle des fêtes
Manifestation, carnaval, défilé stalinien: naissance d’une chorégraphie festive (1918-1941) (Emilia Koustova)
Le Maréchal à cheval: mise en scène de la virilité bolchévique (1927-1941) (Magali Delaloye)
La mémoire monumentale: la conquête de l’espace urbain par la Révolution (Emilia Koustova)
La commémoration postale: timbres, cartes et enveloppes (Jean-François Fayet)
La Révolution sur toile: la naissance d’une mémoire picturale (1920-1930) (Cécile Pichon-Bonin)
Octobre s’affiche: production graphique occidentale (Romain Ducoulombier)
La Révolution recadrée: presse illustrée européenne (Gianni Haver)
La Révolution crève l’écran: Octobre dans le cinéma soviétique (Alexandre Sumpf)
« Le traditionnel défilé… »: Octobre dans les ciné-journaux (Gianni Haver et Valérie Gorin)
Du centre à la marge: le documentaire dans les Républiques baltes (1947-1968) (Irinia Tcherneva)
Le son de la Révolution: le répertoire classique (Constance Frei)
La commémoration cathodique: la retransmission télévisuelle des fêtes aux États-Unis (Valérie Gorin)
Conclusion
Focus
- Célébrations (in)accessibles (Emilia Koustova)
- Un Mandat pour les fêtes (RDA 1977) (Nicolas Offenstadt)
- Les pièces de monnaie commémoratives (Jean-François Fayet)
- Le Champ de Mars et la mémoire de la Révolution à Petrograd (Emilia Koustova)
- La parade traverse le Rideau de Fer (Valérie Gorin et Gianni Haver)
- Les timbres indochinois (Philippe Papin)
- La révolution oblitérée: les tampons-postaux commémoratifs (Jean-François Fayet)
- Du tableau à la carte postale (Matteo Bertelé)
- La carte de membre du PCI (Gianni Haver)
- Illustrierte Geschichte der russischen Revolution 1917 (Jean-François Fayet)
- La tatchanka (Valérie Gorin et Gianni Haver)
- Caviar et révolution (Valérie Gorin et Gianni Haver)
- L’enfant-héros, une lacune de la mythologie révolutionnaire (Svetlana Maslinskaya)
- Octobre dans les livres pour enfants (Marina Balina)
- Tenues de fête (Larissa Zakharova)
- Chocolats révolutionnaires (G. Roberts)
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations