Avis de Zaynab : "Molière serait depuis longtemps au Panthéon, si on avait gardé son corps"
Les Encyclopédistes admiraient incontestablement Molière, ils en disaient que son théâtre permettait « d’exciter à vertu, d’inspirer l’horreur du vice, et d’exposer les ridicules ». D’ailleurs en 1772 le centenaire de sa mort fut largement célébré et l’abbé Le Beau de Schosne présenta en décembre de cette année-là un texte d’un ballet héroïque L’Assemblée se terminant par une apothéose de Molière, il fut joué à la suite du Tartuffe en février 1773 à la Comédie française. Si 2022 a été le quatrième centenaire de la mort de Molière, 2023 marque le trois cent-cinquantième anniversaire de la mort de ce dernier.
L’auteur consacre chacun de ses vingt chapitres à un épisode en lien avec la vie des parents de Molière ou de celui-ci. Il a peut-être fait ses études au collège jésuite de Clermont (aujourd’hui le lycée Louis-le-Grand) mais on n’en est pas certain. Christophe Mory émet au moins une fois une opinion qui l’amène à poser parfois des hypothèses en prolongement. On peut ainsi lire : « Poquelin monte en scène pour la première fois, (…) il lit Térence et Plaure dans des comédies mettant en jeu des gens comme vous et moi ; des amoureux et des pères de famille. Il y apprend aussi le sens de la liberté » (page 25).
Dans un chapitre spécifique, Christophe Mory rappelle combien la question du jansénisme agite la dimension religieuse du règne de Louis XIV mais aussi combien, dans le respect des injonctions du Concile de Trente, et en particulier sous l’impulsion de la Congrégation de l’Oratoire, la formation des prêtres devient bien plus conséquente dans le royaume de France.
Plus loin, l’auteur présente la personnalité du prince de Conti (descendant du frère du père d’Henri IV et époux d’une fille d’une sœur de Mazarin). Cet ancien frondeur et libertin ouvre en décembre 1655 une nouvelle session des États de Languedoc à Pézenas. En 1640 Louis XIII avait concédé le comté de Pézenas à Henri II de Bourbon, Prince de Condé et à ses héritiers ; en 1651 un de ses fils Armand de Conti hérite de ce titre. Le domaine de la Grange des Prés à Pézenas devient un lieu habituel de résidence du Prince de Conti et en 1653 il reçoit là Molière (dans le Languedoc depuis 1647) pour lui accorder son patronage.
Toutefois il refuse de revoir, six ans plus tard, Molière lors de son nouveau passage à Pézenas ; ceci se fait à la demande de son épouse, de son confesseur, l’abbé Rouquette et de Nicolas Pavillon évêque d’Alet de 1637 à 1677. Ce dernier est un des héros de la cause janséniste et il a commencé à fréquenter le prince de Conti lors de la tenue des États de Languedoc à Pézenas. Par ailleurs on a pu écrie que Tartuffe avait pris certains des traits de l’abbé Rouquette. La crise mystique du prince a viré vers la dévotion sous l’influence de ces trois personnages. Molière aura eu le temps, durant plusieurs séjours, de saisir des moments de la vie piscénoise, et il s’en inspirera pour plusieurs pièces.
Christophe Mory donne page 51 l’idée principale qu’il développe : « Molière ne s’oppose pas à l’Église, et encore moins à l’Évangile. C’est l’Église qui s’oppose à lui ». La Confrérie du Saint-Sacrement fut fondée en 1627 par Henri de Lévis qui fut d’ailleurs lieutenant-général du roi Louis XIII en Languedoc ; avec des membres laïcs (dont le Prince de Conti), elle se donne un rôle police catholique. Devant ces excès, elle est dissoute en 1666 par Louis XIV. Cependant elle fit interdire de représentation publique en 1664 Le Tartuffe. Mgr Roquette, évêque d’Autun et personne influençant tant le prince de Conti que le prince de Condé, aurait également servi de modèle pour le personnage de Tartuffe (voir https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5477060b )
Christophe Mory s’intéresse notamment au Don Juan de Molière et il y voit une critique du mariage tel que l’a défini le Concile de Trente. L’auteur évoque le fait qu’en 1663 on brûle Simon Morin pour hérésie afin de nous sensibiliser aux soucis qui pouvaient agiter Molière lorsque l’une de ses pièces était attaquée et par exemple lorsque l’abbé Pierre Roullé (curé de Saint-Barthélemy à Paris) réclamait un châtiment exemplaire à son encontre (page 67). Il conclut que Molière « ne s’oppose à rien ni à personne : il montre les travers et fait rire » (page 147). La lecture de cet ouvrage peut laisser sur sa faim car on est plus là dans les ennuis de l’homme de théâtre avec l’Église catholique que dans le discours chrétien dans les pièces de Molière.
Pour connaisseurs