Avis de Zaynab : "In golden books we trust"
Voilà un ouvrage qui s’intéresse au contenu idéologique de certains livres pour enfants pour la période 1949-1991 dans le domaine de la littérature mis à disposition en langue française. Il s’agit de traduire une production parue aux USA en langue anglaise et c’est la maison Flammarion qui commercialise les ouvrages de la collection "Les petits livres d’or" avec pour support les éditions Les deux coqs d’or (voire antérieurement Cocorico). Rappelons que le coq est le symbole de la France, pour le côté humoristique de la chose, car c’est l’univers américain de l’après-seconde guerre mondiale qui est mis en scène lorsque le récit de création est contextualisé à une période historique. Dans les années 1960 Hachette s’implique dans la production d’ouvrages de ce type qui ont été publiés en anglais par la Western Publishing. En 1991 c’est Hachette qui prend totalement la relève, mais bientôt l’orientation du label éditions Les deux coqs d’or se fait sur les contes traditionnels, les livres d’activités et les jeux.
À la direction de cette entreprise d’adaptation, un agent de la CIA Georges Duplaix né en 1895 à Nevers en France, mais ayant obtenu la nationalité américaine. À Paris il est scolarisé à l’école Hattemer, qui semble-t-il fonctionne alors sur un modèle totalement inverse de celui d’aujourd’hui. En effet à l’époque ce sont plutôt les méthodes nouvelles qui portent sa pédagogie alors qu’aujourd’hui c’est le retour à l’école de Jules Ferry qui sert de référence. Toutefois des idées de Rose Hattemer, l’importance de l’éducation artistique a été conservée. Poilu de la Première Guerre mondiale, Georges Duplaix émigre aux USA en 1919. Toutefois cet éditeur, illustrateur et traducteur (en particulier d’Hemingway) fait des allers-retours entre les USA et l’hexagone et se marie avec une Américaine en 1926 à Paris. Notons qu’il traduit certains ouvrages de la collection "Les petits livres d’or" sous le pseudonyme de Nicole qui est le prénom de sa fille. C’est un grand ami de Pierre de Bénouville, parrain de sa fille Nicole née en 1942, qui très vraisemblablement l’a mis en contact avec Allan Dulles patron de la CIA. On n’est donc pas surpris que, par l’intermédiaire de Pierre de Bénouville, Georges Duplaix soit lié à un ancien responsable de la Résistance Henry Frenay (y compris professionnellement) et le Président du Conseil au printemps 1940 à savoir Paul Reynaud. Par l'intermédiaire de ce dernier, Georges Duplaix fait la connaissance de Claude de Kémoularia.
Le succès de ces ouvrages pour enfants se fait en raison du prix bas pour en plus une édition toujours en couleurs et avec une couverture cartonnée, par contre on propose un ouvrage agrafé avec une qualité relative de papier et un usage de l’offset. « Fabriqués par le même imprimeur, mais avec des niveaux d’exigence et des protocoles de fabrication radicalement inverses, les Albums du Père Castor et les Petits livres d’or sont les témoins idéaux des bouleversements technologiques et, conséquemment, économiques qui affectent les industries graphiques » (page 130). Le jeune lecteur se retrouve face à un livre aux couleurs lumineuses et aux récits porteur d’un univers harmonieux parfois reflet d’un mode de consommation d’outre-Atlantique, avec des silhouettes sveltes et sans personnages colorés (absence de noirs américains comme protagoniste, par contre quelques albums avec des petits Africains) où les jeunes héros ont toutes les raisons d’être joyeux ; l’intérêt est plus dans l’illustration que dans le texte peu littéraire. La liste des cent premiers titres de la collection, qui paraissent de 1949 à 1954, est donnée en annexe ; les illustrations sont très nombreuses.
De l’éclairante préface de Jean-Yves Mollinier, on retiendra :
« Dans ce livre au titre judicieusement choisi, Cécile Boulaire se propose d'analyser, par le commentaire et par l'image, le rapport entretenu par une collection bien connue les "Petits Livres d'Or" avec le contexte de la guerre froide. Une des découverts les plus passionnantes de ce volume, c'est en effet la création des "Petits Livres d'Or" français par un agent patenté de la CIA, le franco-américain Georges Duplaix, écrivain, artiste, illustrateur, peintre, mais aussi agent secret, comme le prouvent les documents retrouvés dans cette passionnante enquête. Mêlant l’histoire et l’analyse littéraire, le commentaire esthétique et la bibliographie matérielle, l’auteure aide à comprendre pourquoi, en pleine guerre froide, le livre de jeunesse était devenu l’objet d’un combat entre les deux blocs qui se faisaient face ». (page 13)
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations