Avis de Adam Craponne : "Les merguez se faisaient alors avec la chair du gigot ou du filet de mouton (et cela devait avoir un autre goût que ce que l’on nous propose dans l’hexagone)"
Catherine Guillaumond a soutenu en 1991 une thèse sur la cuisine arabe au Maghreb et en Andalousie pour la période médiévale. Elle nous livre, chez L’Harmattan, la traduction et les commentaires d’un traité anonyme du début du XIIIe siècle. L’univers de référence au présent est l’empire des Almohades et l’auteur voyage dans tout le Maghreb bien que résidant la majeure partie de sa vie à Marrakech capitale de cet état. C’est en fait chez les Hafsides d’Ifriqiya, venant de rejeter la domination almohade, que le texte est écrit.
Le manuscrit, en dépôt à la BNF, date du début du XVIIe siècle mais le contenu relève donc du Bas-Moyen Âge. En prolongement, on pourra lire le livre Manger au Maghreb: Approche pluridisciplinaire des pratiques de table en Méditerranée du moyen-âge à nos jours paru aux Presses universitaires du Mirail, devenues les Presses universitaires du Midi. Dans l’introduction, l’auteure rappelle que le grand voyageur Ibn Battûta né en 1304 à Tanger et mort à Marrakech soixante-treize ans plus tard ne manquait pas dans ses récits de pérégrination d’évoquer les nouveaux plats qu’il dégustait.
Une des surprises de l’ouvrage est que des recettes sont proposées avec le vin comme ingrédient, il est vrai qu’à la cuisson l’alcool disparaît mais il semble que dans les pays arabes alors on pouvait aussi boire du vin d’ailleurs dans Les mille et une nuits Sindbad boit du vin. Certaines préparations sont données comme recueillis précédemment par certains personnages comme en particulier le frère du calife abbasside Hârûn ar-Rachid, calife qui est un personnage de fiction dans dans Les mille et une nuits. On relève aussi un autre calife Umar (mort en 720), un médecin de Bagdad Ibn Ishaq (808-873), un général omeyade (et gouverneur du Khorasan à la charnière du VIIIe siècle) Muhallab ibn Abî Sufra, Abû Ali al-Baghadi … Quelques femmes sont aussi citées.
Catherine Guillaumond rappelle que plusieurs califes (omeyade, abbasside ou almoravide) sont morts empoisonnées aussi les cuisines sont-elles toujours sous haute surveillance. Non seulement il est donné des recettes complètes de cuisine, mais aussi des conseils diététiques. Ce sont quatre-cent-quatre-vingt-dix-huit recettes qui nous sont offertes, on relèvera un nombre considérable de mets où l’aubergine est présente. Rappelons d’ailleurs que ce mot vient du sanskrit via le persan, l’arabe, l’andalou et le catalan ; bref ce fruit a fait, d’est en ouest, le tour de l’espace musulman de l’époque médiévale. De nombreux mots arabes ayant trait à l’alimentation sont passés d'ailleurs en français : abricot, alcool, artichaut, couscous, cumin, épinard, café, estragon, limonade, merguez, mousseline, orangeade, potiron, pastèque, sorbet, sirop, sucre...
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