Avis de Antonio Sucre : "Un hymne à Camille"
Avocat de formation, Pascal Wilhelm, affirme d’emblée ses intentions en préambule de l’ouvrage. A travers un ouvrage de vulgarisation historique, il souhaite avant tout porter un message politique, en défendant l’idée de République et certains principes hérités de la Révolution française. Claire et animée, l’écriture a cependant des lourdeurs.
Sur le plan méthodologique, l’auteur s’appuie essentiellement sur les écrits de Camille Desmoulins lui-même. Il s’agit bien sûr d’une source de premier ordre, mais elle est souvent considérée sans être confrontée à d’autres, d’où un certain manque de distance critique. Si une certaine empathie avec son sujet est nécessaire à tout travail historique, la sympathie absolue fait rapidement basculer dans l’hagiographie. De plus, si l’auteur évoque certains ouvrages récents de qualité sur la Révolution française, il préfère souvent se référer à Michelet, dont le style est certes incomparable, mais ce n’est pas rendre justice à la vivacité actuelle des études historiques sur la Révolution française.
Surtout, l’action de Camille Desmoulins n’est pas suffisamment mise en contexte : ainsi de la prise de la Bastille est uniquement décrite à travers les écrits de Camille Desmoulins, sans une référence aux réflexions historiques sur le contenu social de l’évènement (comme l’ont montré Ernest Labrousse, et Jacques Godechot), ou plus récemment sur la signification de la violence (William Beik plus récemment).
L’ouvrage a néanmoins le mérite de rappeler certaines contributions fondamentales de Camille Desmoulins : notamment sa condamnation précoce de la monarchie au nom d’idéaux républicains. L’importance de la connaissance des textes de l’Antiquité dans ses conceptions politiques apparaît aussi clairement.
L’auteur nous permet également d’apprécier à travers l’impact des textes de Camille Desmoulins, l’impact de la presse sur la société et dans l’arène politique, en particulier à travers son fameux journal Les Révolutions de France et de Brabant. Mais les explications sont parfois allusives, comme à propos de la défense de la guerre par Camille Desmoulins, à l’hiver de 1791-1792, à l’encontre de Robespierre. C’est en revanche à propos que Pascal Wilhelm expose clairement les appels à la clémence de Camille Desmoulins au moment de la Terreur, au cours de laquelle il affronte ouvertement Hébert et les Enragés. On regrette néanmoins que l’évocation de l’opposition à Robespierre verse dans le cliché réactionnaire en affirmant que l’Incorruptible « réunissait tous les pouvoirs entre ses mains ». Les ouvrages récents ont démontré que la réalité était infiniment plus complexe.
Animé de solides convictions, et d’une vision cohérente de la Révolution française, Pascal Wilhelm pèche néanmoins trop fréquemment par excès d’enthousiasme pour son sujet. On se réjouit cependant qu’un avocat républicain et engagé porte de nos jours un intérêt à la Révolution française qui manque à la grande majorité de notre personnel politique. Malgré ses défauts sur les nombreux acquis de l’historiographie récente, ce livre pourra satisfaire ceux qui aiment sentir le souffle romantique de l’histoire, à travers une vision pleine de passion pour le personnage il est vrai attachant de Camille Desmoulins.
Pour tous publics